LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

VIe Sommet ACP : A la recherche d’une âme politique

Publié le lundi 6 octobre 2008 à 01h14min

PARTAGER :                          

Les chefs d’Etat et de gouvernement des ACP ont tenté de tracer une voie pour l’avenir de leur organisation.

Le Premier ministre, Tertius Zongo, a pris part au VIe Sommet du groupe Afrique- Caraïbes-Pacifique, les 2 et 3 octobre 2008 à Accra au Ghana. L’avenir du groupe, les Accords de partenariat économique, la stabilité politique et les crises alimentaire, énergétique ou financière ont alimenté les débats entre les 79 délégations membres du groupe.

Irrémédiablement, la politique semble avoir pris le pas sur les grandes questions de l’heure (flambée des prix des denrées alimentaires et du baril de pétrole, crise financière, APE, Objectifs du millénaire, etc.) inscrites aussi à l’agenda du VIe Sommet du groupe Afrique-Caraïbes-Pacifique, tenu les 2 et 3 octobre 2008 à Accra, capitale Politique du Ghana, parce que les ACP se trouvent à une période critique de leur histoire.

Les 79 délégations de haut niveau des pays membres du groupe ayant participé aux travaux dont trois chefs d’Etat (John Kufuor du Ghana, Yayi Boni du Bénin et Omar El Béchir du Soudan) et le Premier ministre burkinabè, Tertius Zongo, accompagné du ministre des Affaires étrangères, Alain B. Yoda de l’ambassadeur du Burkina à Bruxelles, Kadré Désiré Ouédraogo, ont tenté de tracer une voie pour l’avenir de leur organisation.

Après la cérémonie d’ouverture au Centre de conférence international d’Accra suivi d’un huis clos de plus de trois heures dans l’après-midi, les différents groupes régionaux ont exposé sur l’avenir du groupe. Tertius Zongo a ainsi introduit les débats sur l’avenir du groupe au nom du président du Faso, président en exercice de la CEDEAO. Pour lui après 33 ans d’existence, l’on est en droit de se demander si le groupe ACP au regard des mutations survenues dans l’espace européen et africain répond encore au contexte actuel de l’évolution du monde (l’élargissement de l’UE à 27 membres, la transformation de l’OUA en UA, etc.).

Car, plus que jamais, les ACP ont besoin de se "relooker" pour avoir une identité politique acceptée par tous. Malmené par la flambée des prix des denrées et du pétrole, endeuillé par les ouragans et autres cyclones, divisé sur les questions politiques (Darfour, Mauritanie, mandat d’arrêt contre El Béchir, etc.), le groupe des ACP est appelé à recadrer ses priorités, à renforcer son unité et sa coopération en vue de disposer d’un pouvoir collectif de négociation. C’est cette vision qui sous-tend l’adoption de la déclaration dite d’Accra, qualifiée par le Premier ministre Tertius Zongo, de déclaration forte qui fait à la fois une rétrospective et trace une ligne pour l’avenir.

Elle rappelle d’autant plus la nécessité de tenir les engagements pris au sommet de Libreville en 1997 pour donner aux ACP les moyens de parler d’une seule et unique voie dans les enceintes internationales. Parties prenantes dans les négociations des APE, les ACP ont mis à rude épreuve leur solidarité en raison de divergences d’intérêts. Ce sont des questions que"(...)si on ne les résout pas, on ne voit pas en quoi notre solidarité et notre partenariat ont un contenu". Principal regroupement des pays en développement, le groupe des ACP s’est en effet efforcé depuis sa naissance en 1975 par l’accord de Georgetown, de répondre aux préoccupations des Etats membres en matière de développement.

Mais, l’évolution actuelle du monde conjuguée à la conjoncture mondiale (crise financière, flambée des prix et du pétrole, ouragan et cyclones dévastateurs, etc.) imposent au groupe de revoir sa copie pour être désormais à l’image de l’Union africaine une force de négociation. D’autant plus que l’Accord commercial de Cotonou (Bénin) qui le lie à l’UE expire en 2020. "Il faut qu’on commence à réfléchir, qu’on cesse d’être des Africains qui sont toujours surpris par le temps car il nous reste douze ans et douze ans, ce n’est pas grand-chose...", a d’ailleurs indiqué le Premier ministre.

Par ces propos, Tertius Zongo justifie la pertinence des débats du sommet d’Accra qui visent à anticiper sur l’avenir du groupe ACP. Il pense que l’avenir du Groupe ACP se pose en termes de défis que "notre Organisation est amenée à relever pour un meilleur positionnement sur la scène internationale". C’est en cela que le conseil des ministres a proposé de redéfinir les missions et la vision du groupe ACP dans la perspective de recentrer les objectifs de l’organisation et de lui donner plus de visibilité sur la scène mondiale.

Cela doit s’adosser sur le dialogue politique intra-ACP et avec l’UE, sur la coopération au développement, la coopération commerciale et les APE mais aussi sur la culture, les questions de migration et la protection de l’environnement. Ces défis ne peuvent être relevés que par le biais d’une volonté politique et la restructuration du secrétariat général du groupe des ACP. Selon le secrétaire général sortant, John Kaputin, la réunion d’Accra devrait donner les orientations politiques pour tracer la voie à suivre afin que l’UE demeure un partenaire privilégié des ACP. Et M. Kaputin d’ajouter que les pistes dégagées à Accra sur la vision de l’avenir du groupe permettront de façonner et de réviser l’accord de Cotonou.

Parler désormais le même langage

La présente rencontre, au-delà des questions économiques, a suggéré aux ACP de revisiter leurs relations avec l’Union européenne. Cela va permettre aux ACP de mieux aborder les objectifs sur les questions commerciales et politiques afin d’avoir une position commune lors des instances internationales.

En effet, les ACP peinent de la divergence de leurs points de vue, en attestent les négociations sur les APE qui ont fini par fragiliser le groupe du fait que certains Etats ont paraphé des accords intérimaires alors que la majorité tablent sur un accord juste, équitable, conciliant commerce et développement.
Sur l’épineuse question des négociations pour la signature des APE avec l’Union européenne, ce sommet d’Accra sur le thème "Promouvoir la sécurité et le développement humains" a indiqué qu’en dehors des Caraïbes, les autres ACP ne sont pas prêts à signer des accords.

Des voix s’élèvent même du côté européen pour demander la prise en compte du volet développement dans le contenu des textes en négociation. La co-présidente de l’assemblée parlementaire ACP-UE, Mme Gleneys Kinnock a dit que l’UE doit faire preuve de flexibilité et ne pas seulement voir en l’APE un accord d’égal à égal tandis que les ACP pensent au développement. Embouchant la même trompette, le président ghanéen dans son discours d’ouverture a affirmé que les ACP sont déterminés à donner à leurs populations les moyens pour tirer profit de la mondialisation.

A ce propos, John Kufuor soutient "qu’exiger la réciprocité dans l’APE n’est pas faire preuve de bonne foi". Car dit-il, les APE menacent de léser nos membres qui n’auront pas signé à la date butoir. La réunion a débattu également des questions relatives à l’atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), l’inefficacité de l’aide au développement, la flambée des prix des denrées alimentaires et du pétrole, les changements climatiques et les migrations.

Il en est de même de la situation politique au sein du groupe. Les chefs d’Etat et de gouverneemt ont fait les points des missions envoyées par les ACP dans les zones de tension : Tchad, Soudan, Fuji, Djibouti et aussi celle qui va partir en Mauritanie. Condamnant le mandat d’arrêt international contre le président soudanais qualifié "d’être source de grande préoccupation", ils se sont par contre réjouis de la reprise des relations normales entre le Togo et l’UE.

S. Nadoun COULIBALY (cou_nad@yahoo.fr)
envoyé spécial à Accra (Ghana)

Sidwaya


Tertius Zongo situe l’enjeu du sommet

A l’issue des travaux du VIe sommet, le Premier ministre, Tertius Zongo situe l’enjeu des conclusions pour l’avenir et la vision future du groupe des ACP, appelé à se redéfinir pour plus de visibilité sur la scène internationale.

Sidwaya (S). : Vous avez représenté le chef de l’Etat au VIe sommet du groupe ACP. Quel bilan tirez-vous des débats ?

Tertius Zongo (T.Z.) : Par devoir de solidarité et de responsabilité, il fallait qu’on participe. Les questions à l’ordre du jour du sommet nécessitaient aussi notre participation : la flambée des prix, les problèmes de l’atteinte des OMD. On a évoqué d’autres questions plus stratégiques telles que l’avenir du groupe lui-même. Notre accord avec l’UE expire en 2020. Que faut-il faire ? Il faut qu’on commence à réfléchir, qu’on cesse d’être des Africains qui sont toujours surpris par le temps. Il reste douze ans, ce qui n’est pas grand- chose. Il était donc important qu’on soit là. Enfin, il a été demandé aux groupes régionaux de faire des exposés introductifs sur les questions importantes. Il avait été demandé à l’Afrique de l’Ouest de faire un exposé introductif sur l’avenir des ACP. Le président du Faso en sa qualité de président en exercice de la CEDEAO a été choisi pour le faire. Il était donc tout à fait normal que nous puissions le représenter pour faire cet exposé.

Le sommet a abouti à une déclaration dite d’Accra visant à renforcer l’ancrage politique du groupe. Quelle commentaire vous inspire cette déclaration ?

T. Z. : Nos relations avec l’UE remontent à 33 ans. Au départ, les ministres se rencontraient ; on a le comité des ambassadeurs à Bruxelles (Belgique). A la fin de l’accord de Lomé en 1995, les Européens ont estimé qu’il fallait aller au-delà des questions de développement pour inclure un contenu politique aux débats. Ils ont souhaité ainsi que nos réunions abordent des questions politiques et celles liées aux droits de l’homme. Les ministres ont pensé que les questions politiques ne relèvent pas de leurs compétences. Par conséquent, il fallait élargir et créer un sommet des chefs d’Etat pour donner des orientations sur ces questions. La première réunion de Libreville en 1997 avait insisté sur la nécessité de donner une identité politique à l’organisation pour faire en sorte qu’on ait des positions communes sur les questions politiques. Il fallait donner une certaine force au groupe ACP. Mais, je crois qu’au regard du bilan depuis 1997, les ACP n’ont jamais pu être cette force politique. Avoir des positions communes dans les enceintes, non ! Il fallait obligatoirement que dans cette déclaration d’Accra, nous revisitions nos relations avec l’UE. Voir en quoi les objectifs de développement , ceux sur les questions commerciales ou politiques où est-ce qu’on en est et regarder l’avenir en face. L’importance de cette déclaration est qu’elle évalue notre parcours et prend des positions sur les grands défis actuels qui si on ne les résout pas, on ne voit pas en quoi notre solidarité et notre partenariat ont un contenu. C’est une déclaration forte qui fait une rétrospective et trace une ligne pour l’avenir.

S. : Qu’est-ce qu’un pays comme le Burkina qui n’a pratiquement rien à vendre gagne en signant un APE ?

T. Z. : Il faut se dire qu’on gagne quelque part. Peut-être qu’on perd plus. Mais, il faut regarder par la petite fenêtre où on gagne et voir dans quelle mesure on peut l’élargir. Dire qu’on ne gagne rien pour refuser le débat, c’est se mettre en marge de l’histoire. Il y a des acquis. Par exemple dans le cadre de la coopération, l’Union européenne est le premier bailleur de fonds de nos Etats. Certes, on est aujourd’hui convaincu que l’aide publique n’est pas suffisante pour propulser le développement. Donc, il faut y adjoindre des aspects de commerce, d’autres types de relation qui permettent au secteur privé d’apporter sa touche et à la production de trouver des opportunités de marché. Cela est extrêmement important que nous puissions accéder au marché européen comme le nôtre. L’idée est intéressante d’avoir accès au marché européen mais elle pose le problème de la réciprocité. L’UE exige que si elle dit qu’on peut avoir accès avec tel ou tel produit, que cela puisse être réciproque. Mais, la réciprovité se fait entre des gens de taille identique, qui ont le même niveau de développement.

S. : A partir de là, que faisons-nous pour minimiser les risques afin de ne pas étouffer nos économies ?

T. Z. : En Afrique de l’Ouest, nous avons posé trois conditions à remplir avant la signature des APE. Primo, il faut renforcer l’aspect développement dans les APE. Comment on crée une capacité pour nos pays pour qu’ils aient quelque chose à offrir. On ne peut pas aller sur un marché commercial les bras balants. Donc, la capacité de produire et d’être sur le marché pour échanger est fondamentale. Il faut qu’on voit comment cela apparaît dans l’accord. Secundo, il faut tenir compte du fait que nos pays individuellement pris sont incapables d’affronter le marché. Ce qui implique l’intégration économique. En quoi, les APE permettent de construire un espace économique sous-régional à même d’offrir une additionnalité des efforts pour faire face au marché ?
Enfin, Tertio, en quoi les APE vont accroître la compétitivité des économies ? Voilà trois éléments en discussion et nous avons décidé de rencontrer l’UE d’ici à la fin du mois pour examiner l’évolution sur ces différents points. Cela permettra d’ouvrir la voie à une renégociation ou réajustement du contenu des APE.

S. : Autrement, les APE ne verront pas le jour demain, vu que les trois conditions ne peuvent être remplies dans l’immédiat...

T. Z. : Non ! C’est une question de volonté. Elles peuvent être remplies. On s’achemine vers cela. Si vous étiez à la cérémonie d’ouverture (Ndlr : du sommet le jeudi 2 octobre dans la matinée) et que vous avez écouté la présidente du parlement UE-ACP, Mme Kennock, Européenne, elle a estimé que c’était une injustice. Elle a dit qu’il fallait revisiter l’APE. Je crois que le refus d’aller a crééra chez les Européens une prise de conscience qu’il y a un pas à franchir. Quoi qu’on dise, les ACP constituent une force politique pour l’UE. C’est une négociation où personne n’a envie de voir le fil se rompre. C’est à nous de savoir être de bons négociateurs. Je crois que notre comité des ambassadeurs présidé par l’ambassadeur Kadré Désiré Ouédraogo est suffisamment futé, avisé pour savoir dans quel sens nous conduire.

S. : Vous parlez tantôt de donner un supplément d’âme politique au groupe des ACP sur des questions précises comme le Darfour, comme le mandat d’arrêt international contre le président El Béchir et comme le putsch mauritanien. Quelle est en fait la position commune, si position commune il y a, des ACP ?

T. Z. : Vous avez touché du bout du doigt le fond du problème. C’est pourquoi, je dis qu’il faut qu’on voit d’ici à 2020 comment nous nous redéfinissons en tant que groupe. Ce contenu qu’on a voulu donner à, vrai dire on n’a jamais pu le faire à cause des intérêts trop divergeants sur ces questions précises. Pour ce qui concerne la CPI, le Soudan, la Mauritanie, il y a une position de l’Union africaine. Il y a une volonté de voir suspendre les poursuites contre le président El Béchir. Donc, le groupe Afrique est à l’aise. Mais, les pays des Caraïbes ne sont pas sur cette même longueur d’onde. Il va de soi que parfois sur ces questions politiques, le groupe n’arrive pas à avoir une position de leadership.

D’où l’absence même de leadership au sein du groupe. Ce que vous avez dit est quelquefois très important à savoir que lorsqu’on prend des sanctions contre des pays, le groupe n’arrive pas à les appliquer aux pays incriminés parce que les intérêts divergeant. Jusque là, cette identité politique n’a pas pris corps. Aujourd’hui, on est convaincu que si on n’y arrive pas, cela voudrait dire qu’il faut revisiter les accords et les éléments de base qui lient le groupe.

Propos recueillis à Accra par S.N.C.


Dans les coulisses du Sommet

Kufuor annonce son départ

Dans son discours inaugural du VIe sommet des ACP, le président ghanéen a fait ses adieux à ses pairs du Soudan, du Bénin et aux chefs de gouvernement ou de ministres présents à la réunion. Kufuor qui a présidé aux destinées du Ghana pendant huit ans, soit deux mandats a dit que la constitution ne l’autorise plus, à se présenter comme candidat aux élections générales, prévues en décembre prochain. "Je dois m’en aller selon notre constitution", a-t-il déclaré, ajoutant avoir bénéficié du soutien du brave peuple ghanéen et de la communauté internationale. John Kuffuor note cependant que son exprérience à la tête de l’Etat ghanéen le conforte dans l’idée selon laquelle le respect du principe démocratique, des droits humains, de l’Etat de droit conjuguée à des élections libres et régulières sont essentiels à la bonne gouvernance.

El Béchir sauve sa peau.

Le Sommet d’Accra a unanimement condamné le mandat d’arrêt international lancé par la CPI contre le président soudanais, le général Omar Hassan El-Béchir. Président en exercice du Ve sommet, il a accusé vertement la CPI de vouloir saper le processus de paix au Soudan dans un discours prononcé à l’ouverture des travaux. Appelant la communauté internationale à ne pas agir de la sorte, El Béchir pense que ce mandat d’arrêt contre le président soudanais inculpé de crimes de guerre, de génocide envoie des signes négatifs aux rebelles qui s’éloignent de la table des négociations. Pour Omar El Béchir, cela a un impact catastrophique sur la stabilité dans toute la région tout en proférant que le mandat lancé contre lui est un acte politique qui se cache derrière des aspects juridiques.

CFA persona non grata

Le mythe du F CFA est peut-être tombé depuis que les autorités ghanéennes ont réévalué leur monnaie nationale, le Cédis ghanéen. C’est en tout cas l’impression qu’ont eue les journalistes membres de la délégations conduite par le Premier ministre au VIe Sommet des ACP à Accra. Hier prisé dans l’ancienne Gold Caost, le F CFA est aujourd’hui difficilement convertible. Les points de change, les banques et même les individus rejettent systématiquement la monnaie de la zone UEMOA. "CFA, on n’en veut pas, pas de CFA", a-t-on entendu dire çà et là.

S.N.C.

Sidwaya

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique