LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Chine : Cette goutte de lait qui entache tout

Publié le lundi 29 septembre 2008 à 00h52min

PARTAGER :                          

« Quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera », prophétisait l’homme politique français Alain Peyrefitte. Bien avant lui, Napoléon Bonaparte comparait ce pays qui se voulait l’empire du Milieu, à « un géant qui dort ». Aujourd’hui, le colosse sort de son sommeil multiséculaire et le présage de Peyrefitte est en passe de se confirmer.

Simple géant territorial et démographique durant plusieurs siècles, la Chine est, depuis une quarantaine d’années, un géant militaire membre (1964) du club des pays détenteurs de l’arme nucléaire. Depuis une décennie, cette nation qui, hier encore, était un crève-la-faim est un géant économique et revendique la place de troisième ogre mondial. Le dragon toujours aussi avide de matières premières et de débouchés se repaît allègrement dans les chasses gardées des anciennes puissances occidentales.

Avec la diplomatie dite du chéquier, l’empire du Milieu siphonne les intérêts occidentaux en Afrique dont la quasi-totalité des pays ont fini par céder aux chants des sirènes chinoises. Dans un élan de panurgisme contagieux, les dirigeants africains signent, signent et resignent à deux mains des contrats commerciaux de tous genres et hélas, parfois, de toutes les iniquités avec le pays de Lao-Tseu dont les industries extractives tournent à plein régime.

Si l’Europe et l’Amérique condamnent sans rémissions le système politique « figé » de la Chine, eux non plus ne résistent guère à l’attrait du mirobolant marché que constitue le milliard quatre cents millions de Chinois.

Parfois au prix de l’humiliation. George Bush, Nicolas Sarkozy et bien d’autres représentants de la civilisation occidentale, modèle achevé de la démocratie, se sont précipités, le jour de l’ouverture des récents Jeux olympiques de Pékin, au « nid d’oiseau » (histoire de quémander une becquée) pour se faire voir par le timonier Hu Jin Tao qui sait faire preuve de reconnaissance.

Dernières démonstrations en date de cette montée en puissance technique et technologique de l’empire du Milieu : l’organisation très réussie de ces 29e Jeux olympiques tenus du 8 au 24 août 2008. Le « nid d’oiseau », stade où se sont déroulées les compétitions sportives, fait l’unanimité en tant que joyau architectural sans pareil dans le monde.

Et que dire de cette sortie dans l’espace, le samedi 27 septembre 2008, d’un thaïkonaute (astronaute en chinois) qui fait entrer son pays dans le club très fermé (ex-Union soviétique et USA) ayant envoyé un homme dans le cosmos ? Tout simplement que la Chine naguère arriérée est aujourd’hui une puissance mondiale qui monte, monte et monte.

Et le monde commence à trembler, trembler et trembler face à une telle ascension fulgurante. Prière de saluer le miracle économique à la sauce confucéenne. Mais avec modération. Car ce grand bond a son versant cynique.

Le parangon de la croissance économique à deux chiffres va se révéler, au fil du temps, comme également un champion olympique de la contrefaçon et de la copie. Il n’est pas jusqu’au luili péédé, ce foulard burkinabé de couleur rouge aux motifs d’oiseaux qui ne se soit répliqué au bord du Yang-Tsé. Mais il y a pire. Car outre la contrefaçon et la copie, il y a la triche au mépris de la préservation de la santé humaine. Et le récent scandale du lait contaminé est là pour nous l’attester.

En effet, il y a quelques jours de cela, on a appris, avec effroi, que des entreprises chinoises fabriquaient du lait dans lequel elles ajoutaient de la mélamine. Une pratique dangereuse qui a eu longtemps cours dans le pays avec le silence complice des autorités de Pékin.

Il a fallu que 53 000 jeunes enfants soient contaminés avec à la clé 4 décès pour heurter la conscience des responsables chinois en charge de la Santé. Pour qui connaît l’opacité qui entoure la gestion des crises en Chine de Pékin, on peut gager qu’il faut multiplier ces chiffres officiels par au moins 5 pour être proche de la réalité sur le terrain.

La mélamine, il est important de le relever, est un produit chimique utilisé dans l’industrie du plastique, de la fabrication de la colle et de la résine. Présente dans un aliment, elle provoque une altération de la fonction rénale due à la formation de calculs.

La raison probable de l’utilisation de la mélamine est que cette substance permet de masquer le coupage du lait avec de l’eau en laissant croire que les concentrations en protéines sont normales. Après le lait et certains de ses produits dérivés, c’est dans le plus célèbre bonbon du pays, White Rabbit (Lapin blanc) qu’ont été détectées des traces du même composé chimique.

Du coup, c’est la panique dans le monde entier, ce village planétaire, pour reprendre l’expression de Mac Luhan. Car la mondialisation, c’est aussi la planétarisation des problèmes y compris ceux sanitaires. On comprend dès lors que de par le monde, des Etats aient réagi en prenant des batteries de mesures temporaires contre l’importation et la vente des produits laitiers en provenance de l’empire du Milieu.

Mais si dans les nations développées il n’y a pas trop de soucis à se faire sur l’efficacité des moyens humains, matériels et financiers pour parer à toute éventuelle contamination, en Afrique, par contre, c’est « Dieu sauve le consommateur ».

En effet, sur le continent noir, en plus des difficultés certaines qu’il y aura dans la mise en application des mesures ainsi prises, il y a le fait que la qualité y est un luxe que ne peut s’offrir l’écrasante majorité des consommateurs. Pour tous ces sans-le-sou, il n’y a qu’un seul impératif dans l’acte de consommation : survivre au moindre coût.

Ne vaut-il pas mieux crever de mal bouffe que de faim y compris de lait mélaminé ? Avec cette mélamine, c’est en tout cas la goutte de lait, c’est le cas de le dire, qui entache tout ce que charrie le Yang-Tsé vers d’autres terres, particulièrement celles d’Afrique.

Car dans nos villes comme dans nos campagnes, dans les rues, les bars et les services, il n’y a nulle part où la chinoiserie ne passe et ne repasse. De l’huile à la pâte dentifrice dont les notices portent des pictogrammes mandarins, des produits pharmaceutiques aux fameux aphrodisiaques et autres préservatifs symbolisés par des dragons crachant du feu, des cosmétiques aux poudres de perlimpinpin en passant par les philtres de jouvence présentant des Venus asiatiques et sans oublier bien sûr ces laits de tous les goûts et de toutes les couleurs, autant de « made in China » qui rencontrent du succès auprès de nos ventres et de nos bas-ventres.

Mais déjà, il faut se féliciter de la promptitude avec laquelle nombre d’Etats africains ont édicté les mesures de précaution sitôt le scandale éclaté. Seulement, il faut regretter, en tout cas pour ce qui est du Burkina Faso, que le ministère en charge du Commerce ne soit pas allé jusqu’au bout de l’information.

En effet, dans son communiqué du mercredi 24 septembre dernier, le gouvernement se contente d’annoncer la suspension de « l’importation et de la vente de lait et de produits dérivés à base de lait en provenance de Chine ». Mais sur les marques de lait incriminées, rien n’a été dit pour permettre aux consommateurs de faire le bon choix.

Quid également des stocks dans nos boutiques ? Franchement, en l’état actuel des choses, on n’est pas plus avancé. Surtout qu’avec la rude concurrence qui caractérise le marché international, des entreprises aussi pourries que cupides usent de stratagèmes de toutes sortes pour brouiller la traçabilité de leurs produits. Alors, M. le ministre, ce que vous avez fait est bien mais c’est pas arrivé comme qui dirait

La rédaction

L’Observateur Paalga

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique