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DEMOCRATIE SUD-AFRICAINE : Eviter l’instrumentalisation du système

Publié le mercredi 24 septembre 2008 à 06h58min

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Monseigneur Desmond Tutu

Quand Monseigneur Desmond Tutu exprime une inquiétude sur la démocratie sud-africaine, il faut y prêter une oreille attentive. Observateur et parfois acteur de longue date de la vie politique en Afrique du Sud, il jouit d’une aura que seul Nelson Mandela peut lui disputer. Prix Nobel de la paix, cet homme d’Eglise engagé pour les causes justes est le type d’autorité morale dont toute nation a besoin. On ne peut donc que l’écouter lors de ses rares sorties.

L’archevêque a touché du doigt un problème qui, s’il n’est pas tranché, pourrait, à long terme, dévoyer cette démocratie sud-africaine jusque-là tenue en modèle sur le continent. Il s’agit de l’utilisation des mécanismes institutionnels et constitutionnels à des fins de règlements de comptes politiques. Car de plus en plus, tout laisse croire que l’éviction de Thabo MBeki est moins le fait de la pression qu’il aurait exercée sur la justice, que l’épilogue d’une lutte de clans au sein de l’ANC.

Le monde entier est témoin de la guerre à fleurets mouchetés que se livraient Thabo Mbeki, chef de l’exécutif, et Jacob Zuma, chef du parti. Mais ce dernier, qui a pris le dessus depuis sa conquête de l’ANC, a voulu précipiter le départ de son rival. Cette façon d’utiliser les institutions de l’Etat pour se régler des comptes est aux antipodes de l’éthique politique, puisque fondée sur des bases subjectives. Les soupçons qui pesaient sur le président de la république étaient-ils si graves pour que l’ANC organisât une messe noire et le limogeât ? En tout cas, pour Mgr Desmond Tutu, cela n’en valait pas la peine. En effet, si ce n’est le fait d’une volonté de revanche ou d’humiliation, le parti aurait pu laisser Thabo MBeki terminer son mandat dont la fin est à un jet de pierre.

Pour montrer d’ailleurs qu’il est victime d’une manipulation, le président déchu prépare sa riposte. En saisissant la Cour constitutionnelle pour se plaindre des propos du juge qui l’accuse d’avoir interféré dans le cours de la justice, Mbeki veut laver son honneur, et, pourquoi pas, confondre ses détracteurs. C’est dire que le feuilleton est loin d’être terminé, ce qui n’augure pas des lendemains tranquilles pour l’ANC, en dépit de la mission de réunification dont se prévaut le successeur de Thabo Mbeki.

Mais cette affaire a au moins le mérite de mettre à l’épreuve le régime politique en vigueur en Afrique du Sud. Enfanté dans la douleur, sous les cendres de l’apartheid, le système sud-africain a été sans doute largement inspiré par le centralisme démocratique propre à un parti puisant notamment aux sources du communisme. Après l’éviction de Thabo MBeki, l’Afrique du Sud découvre que son système n’est pas si parfait. La prégnance du parti, qui est un des traits de ce mode de gestion, peut prendre l’allure d’une tyrannie. Dans le cas d’espèce, le peuple , qui a le dernier mot, n’ a pas été directement consulté. On peut même considérer que son vote est pris en otage par un parti, fût-il celui de la majorité parlementaire. Conscient de tout cela, Mgr Desmond Tutu a carrément proposé une révision de la Constitution, pour que le président soit élu au suffrage direct.

Mais la faute est-elle aux institutions ou aux hommes politiques ? Car d’autres pays appliquent à quelques nuances prés, le même système, qui est de tradition anglo-saxonne, comme c’est le cas en Grande Bretagne, au Pakistan, en Israël, au Japon, en Inde, etc. Mais à la différence de l’Afrique du Sud, les changements internes de dirigeants dans ces pays s’opèrent suite à des défaillances graves avérées. Le premier ministre israélien a été ainsi poussé vers la sortie par son parti, en raison des soupçons de corruption qui pèsent sur lui.

Le modèle sud-africain a obéi à une étape de l’évolution historique du pays. Il a été sérieusement secoué par la dernière crise, mais il demeure un exemple sur le continent. Il se pose peut-être un problème d’honnêteté des acteurs politiques, qui doivent éviter de manipuler les institutions. Car en définitive, un système démocratique, quel qu’il soit, ne vaut que par le sens de la responsabilité du personnel politique.

Par Mahorou KANAZOE

Le Pays

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