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Adama Conombo, secrétaire exécutif de l’Association solidarité jeunes : « Il y a de nouvelles formes de violences sexuelles faites aux enfants via Internet »

Publié le vendredi 19 septembre 2008 à 01h08min

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Du 25 au 28 novembre 2008, se tiendra à Rio de Janeiro (Brésil), le « Troisième congrès mondial contre l’exploitation sexuelle des enfants et des adolescents ». C’est dans ce cadre que Sidwaya a rencontré à Bobo-Dioulasso, Adama Conombo, secrétaire exécutif de l’Association solidarité jeunes, qui a fait de la lutte contre les violences sexuelles faites aux enfants, son cheval de bataille. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, M. Conombo fait le point de la collaboration de sa structure avec la direction provinciale de l’Action sociale et de la Solidarité nationale, des nouvelles formes de violences faites aux enfants et des enjeux du congrès de Rio de Janeiro.


Sidwaya (S.) : Depuis quelques années, votre association travaille de manière concertée avec la direction provinciale de l’Action sociale et de la Solidarité nationale du Houet dans la lutte contre les violences sexuelles faites aux enfants. Quels sont les résultats les plus visibles auxquels vous êtes parvenus ?

Adama Comombo (A.C.) : A la date d’aujourd’hui, il y a un certain nombre de résultats que nous avons enregistrés sur le terrain. On se rend compte que les violences sexuelles faites aux enfants au niveau de la région de l’Ouest sont en nette régression si on se réfère aux statistiques de 2001 en lien avec l’étude prospective. Cette étude prospective avait permis de mentionner la ville de Bobo-Dioulasso comme chef de file en ce qui concerne les zones touchées par le phénomène des violences sexuelles. En termes de résultats, il y a dans le cadre de prévention, des actions qui ont été initiées (information, sensibilisation communautaire, sensibilisation par les médias) pour rendre visible le phénomène des violences sexuelles. Je crois que cela a permis l’amorce d’une prise de conscience communautaire face à la question de ces violences. Au niveau des institutions d’aide, de protection et de soutien des droits de l’enfant, il y a eu des avancées significatives parce que nous avons pu mener un travail de concertation avec certains acteurs-clés au niveau de la province du Houet. Il s’agit de l’Action sociale, de la police, de la gendarmerie. Au niveau des autorités coutumières, il y a des engagements qui ont été pris.

Cela a beaucoup contribué à dénoncer, à signaler, à traiter, à prendre en charge et à réhabiliter des situations d’exploitation sexuelle à des fins commerciales et non commerciales. C’est donc le lieu pour moi de remercier, au nom du secrétariat exécutif de l’Association solidarité jeunes, l’ensemble des partenaires qui se sont impliqués et qui s’impliquent toujours dans ce domaine. Je veux parler de l’UNICEF dans sa section protection de l’enfance, du ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale à travers ses différentes directions générales et ses services déconcentrés, des enfants eux-mêmes, de leurs familles, des responsables d’ONGs et d’associations et des médias qui accompagnent les politiques gouvernementales en matière de protection et de promotion des droits de l’enfant. A notre avis, les médias sont des acteurs- clés, des partenaires incontournables dans la connaissance, la diffusion, le transfert des informations sur les violences sexuelles faites aux enfants.

S. : Vous venez d’affirmer que Bobo-Dioulasso était le chef de file des violences sexuelles faites aux enfants. Est-ce que la situation s’est inversée ?

A.C. : Avec du recul, je crois que la situation s’est plutôt empirée parce que depuis 2001, il y a eu d’autres phénomènes qui se sont imbriqués et le contexte sous-régional n’a pas été favorable, parce que la ville de Bobo-Dioulasso est au cœur d’une plaque tournante qui partage ses limites territoriales avec certains pays. Cela n’a pas permis d’endiguer réellement la question des violences sexuelles faites aux enfants. Il y a par ailleurs de nouvelles formes de ces violences, notamment via Internet. Aujourd’hui, ce médium est devenu une tribune, un cadre, un lieu, un tableau qui permet à des exploitants sexuels d’enfants de pouvoir, depuis leur pays d’origine, avoir des contacts avec leur public cible. Notre pays a adopté un code de l’information. Il y a donc lieu que les politiques fassent davantage d’efforts pour pouvoir endiguer ce nouveau phénomène en règlementant notamment l’accès des sites Web aux mineurs et en faisant appliquer les mesures juridiques qui permettent de protéger et de promouvoir les droits de l’enfant. Pour ce faire, nous avons besoin du concours concerté de l’ensemble des acteurs aux niveaux institutionnel et communautaire.

S. : Est-ce-que nous avons au Burkina de cas avérés de cyber pornographie ?

A.C. : Le problème se pose avec acuité. Il n’y a qu’à faire un tour dans les cybercafés. Nous ne sommes pas contre les nouvelles technologies de l’information et de la communication puisqu’elles ont des vertus didactiques, éducatives et socialisantes. Il y a cependant le revers de la médaille. Nous demandons à l’Etat burkinabè de prendre ses responsabilités au regard du code de l’information qu’il a adopté et d’impliquer la société civile dans la lutte. Il faut sensibiliser, informer, mais aussi réprimer. Je vous assure qu’à l’intérieur du pays, il y a certains cybercafés où les enfants ont accès à des sites pédo pornographiques. Ce n’est bon pour eux, pour leur communauté et toute la société parce que c’est l’une des causes de l’exploitation sexuelle des enfants. A partir du moment où des enfants ont accès à ces sites, cela pose problème. Il y a donc lieu de tirer la sonnette d’alarme et de mettre en place des mesures rigoureuses pour lutter contre ce nouveau fléau.

S. : De manière concrète, qu’attendez-vous des travailleurs sociaux qui sont en première ligne dans ce combat ?

A.C. : Pour nous, les travailleurs sociaux sont des courroies de transmission entre les différents acteurs qui sont à différents niveaux d’intervention dans la lutte contre les violences sexuelles faites aux enfants. Ils doivent être en amont, dans le cadre de la prévention pour initier, développer des stratégies d’information, d’éducation de communication à travers les médias qui en sont la figure de proue dans leur diversité. Les travailleurs sociaux doivent également être visibles dans les activités de prévention pour prendre en charge, dans l’urgence, les enfants confrontés à ce problème sur les plans psychosocial, médical en impliquant les différentes compétences spécialisées en fonction de leurs domaines d’intervention.

Ils doivent également travailler avec les différents services partenaires (justice, institutions d’éducation spécialisée) pour que la procédure de réparation juridique soit entreprise. C’est un travail très complexe qui demande une remise à niveau permanente des différents acteurs où le travailleur social doit jouer le rôle de catalyseur, faciliter le transfert des informations, être aux côtés des victimes et de leurs proches, alerter les médias qui jouent un rôle majeur dans le processus de diffusion de l’information. Quand une situation d’abus sexuel ou de violence sexuelle est avérée, lorsque les médias s’en saisissent, cela lui donne une autre tournure, sans pour autant le passionner. En fait, il faut donner l’information juste aux communautés.

S. : Quel rôle doivent justement jouer ces communautés ?

A.C. : Les communautés sont le creuset, c’est-à-dire les lieux où se passent, se déroulent, se fomentent les situations d’exploitations et de violences sexuelles faites aux enfants. Il faut donc qu’au niveau communautaire, on puisse déjà disposer de mécanismes qui permettent de protéger et de promouvoir les droits des enfants. Déjà, dans les différentes cellules familiales, il faudrait qu’on puisse développer un certain nombre d’initiatives pour permettre aux familles, aux parents et aux enfants de pouvoir se protéger face à des situations d’abus et d’exploitations sexuelles. Pour ce faire, les familles ont besoin d’être éveillées, accompagnées dans leurs efforts pour soutenir leurs enfants. Les enfants qui sont les premières cibles ont besoin d’être formés, encadrés dans des structures d’éducation formelle ou non.

S. : Et les autorités ?

A.C. : Elles ont un rôle majeur à jouer parce que sans une consécration, une volonté politique, c’est difficile. Nous sommes conscients des efforts initiés par les autorités aux niveaux national, régional et provincial, mais nous demandons plus de volonté politique pour que le plan d’action national de lutte contre les violences sexuelles faites aux enfants soit ratifié.

Nous demandons également une participation effective et entière de la société civile dans sa diversité, du gouvernement, des partenaires techniques et financiers au congrès mondial contre l’exploitation sexuelle des enfants prévu dans le courant du mois de novembre prochain à Rio de Janeiro au Brésil. Ce congrès sera une opportunité pour le gouvernement burkinabè, en complicité et en partenariat avec la société civile, les organisations à base communautaire et les associations qui travaillent pour une meilleure protection et les droits de l’enfant, de se faire entendre, de pouvoir mettre des mots sur les stratégies, les initiatives, les actions développées contre les violences sexuelles faites aux enfants au Burkina.

Il pourra ainsi partager son expérience en la matière, connaître voire s’approprier les expériences d’autres pays, de sorte à faire avancer, un tant soit peu, les mesures qui permettent de promouvoir et de protéger véritablement les droits des enfants victimes de violences sexuelles. Nous attendons beaucoup du congrès de Rio.
C’est pourquoi nous demandons au gouvernement burkinabè de trouver les voies et moyens pour faire participer la société civile à ce congrès afin que celle-ci puisse se faire entendre et faire entendre la voix des sans-voix, c’est-à-dire celle de ces enfants emmurés dans le prisme du silence.

Interview réalisée par
Urbain KABORE

Sidwaya

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