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Union européenne/Burkina Faso : Divergence de vue sur la culture du coton OGM

Publié le vendredi 19 septembre 2008 à 01h13min

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Un cotonculteur visiblement soucieux à côté de sa récolte

Sur la question de la culture du coton génétiquement modifié, l’Union européenne et le Burkina Faso ne regardent pas dans la même direction.
Mais le Burkina Faso malmené par les subventions accordées aux producteurs occidentaux et pour bien d’autres raisons a choisi la voie du coton OGM pour sauver son économie.

"Le but de cette conférence n’est pas de soutenir l’un ou l’autre point de vue sur les OGM mais bien de permettre une prise de décision en connaissance de cause concernant le coton génétiquement modifié". Le représentant de l’Union européenne M. Amos Tincani en apportant cette précision a voulu, d’entrée, donner l’orientation des échanges du séminaire international d’information sur les défis posés par le coton génétiquement modifié. En effet, du 16 au 18 septembre 2008, des scientifiques et des dirigeants venus d’horizons divers se sont penchés sur la question du coton génétiquement modifié (coton OGM). Mais pour une rencontre internationale qui n’est pas celle des "pour ou contre" le coton OGM, les différentes allocutions prononcées à l’ouverture des travaux ont laissé voir autre chose.

Car même après avoir planté le décor, le monsieur Union européenne au Burkina a rappelé certains principes chers aux Européens : "L’UE a une approche fortement prudente envers les OGM en général et le coton ne fait pas exception". Et le diplomate européen de poursuivre : "Lorsqu’il s’agit d’utiliser le coton OGM pour la culture ou pour la consommation alimentaire humaine (huile de coton) ou animale dans l’UE, une procédure d’autorisation existe, qui inclut une évaluation des risques par l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) et une longue procédure d’approbation (...) Jusqu’ici, aucune requête pour cultiver du coton OGM dans l’UE n’a été effectuée", voilà qui est clair ! Une fois de plus, l’Union européenne manifeste publiquement son appréhension sinon son opposition aux OGM. Aussi, en rappelant que les produits alimentaires génétiquement modifiées (huile de coton) ne peuvent accéder en Europe que sur autorisation, les Européens veulent mettre en garde les pays qui ont pris le parti des OGM. 

"Nous n’allons pas acheter votre production " semblent dire les Européens. Mais comme pour répondre au diplomate européen, le ministre burkinabè en charge du commerce, Mamadou Sanou intervenant au nom du gouvernement a laissé entendre ceci : "Le Burkina Faso, pour sa part, a tranché en ce qui concerne le coton. La question n’est plus de savoir s’il faut s’engager dans la production du coton OGM ou pas, mais plutôt de mettre en place un dispositif efficace pour optimiser cette production". Pour le ministre, à l’heure où l’humanité tout entière traverse une crise alimentaire et énergétique, "le Burkina Faso a opté sereinement de s’appuyer sur la science et la technologie pour en tirer les avantages de productivité tout en maintenant en éveil sa vigilance vis-à-vis des dérives éventuelles".

Et le ministre de rappeler à l’assistance qu’il y a 5 ans de cela, alors que le Burkina Faso avait entrepris d’expérimenter le coton bt, des pays y opposaient de "vigoureux moratoires". Malgré les pressions multiples, le pays s’est engagé dans la culture du coton OGM. Pour la campagne agricole 2008/2009, un programme de multiplication de variétés locales de semences de coton génétiquement modifié est en marche. 12 000 hectares de terre ont été emblavés à cet effet. Convaincu que les procédés scientifiques conventionnels ne pourront pas à eux seuls assurer le développement et la prospérité, le Burkina Faso a choisi de s’appuyer sur les biotechnologies modernes.

Face à la réalité

Le coton, principale culture d’exportation du Burkina Faso, est confronté à des difficultés : des ravageurs dont des chenilles consomment les feuilles et détruisent les capsules. Ils sont même capables d’anéantir tous les efforts du producteur. Compte tenu de leurs effets nocifs, il faut assurer au cotonnier au moins six traitements phytosanitaires par campagne. En 2005, l’argent utilisé pour l’achat des pesticides pour le traitement des 500 000 ha de coton a été estimé à environ 18 milliards de F CFA.

Outre les sommes colossales injectées dans l’achat des pesticides, il y a aussi que trop de pesticides déversés dans la nature polluent l’environnement. Combien de fois n’a-t-on pas parlé de l’effet néfaste des pesticides sur les abeilles, les poissons dans le fleuve Mouhoun, la santé humaine et animale, etc. Dans l’état actuel, les pays africains producteurs de coton ne font que cultiver la pauvreté. Les subventions américaines et européennes sont en train de détruire les modes de subsistance en Afrique et dans d’autres pays en développement. En encourageant la surproduction et le dumping des exportations, ces subventions font chuter les cours mondiaux du coton. Pendant que les seigneurs de la production cotonnière dans les pays développés s’engraissent, les producteurs africains, eux, ne cessent de maigrir. En mai 2002, le président du Faso, Blaise Compaoré, dénonçait cette situation en ces termes : "Plusieurs pays d’Afrique centrale et de l’Ouest sont victimes de l’injustice des Etats-Unis et de l’Union européenne.

Ces pays subventionnent leurs producteurs agricoles, en ignorant les règles de l’OMC. De telles pratiques ruinent les économies nationales fragiles des pays tributaires du coton". Ces subventions ont fini par provoquer des chocs économiques externes : le Burkina Faso a perdu environ 1% de son PIB et 12% de ses recettes d’exportation. On estime à plus de 9 millions, le nombre de personnes qui vivent directement ou non du coton dans la sous-région Ouest-africaine. Subventionner les producteurs occidentaux, c’est ruiner, affamer les producteurs africains, c’est détruire les économies africaines. Et comme les dirigeants burkinabè ne veulent pas que le pays plonge dans un marasme, que la pauvreté s’accentue, ils ont alors trouvé au coton OGM, une issue de secours.

Les raisons d’un choix

En choisissant d’aller aux OGM, le Burkina Faso a fait un choix politique et scientifique. Il a fallu avoir du courage pour affronter le courroux de certains pays occidentaux qui ne l’entendaient pas de cette oreille. Cette volonté politique, aujourd’hui, a produit des résultats tangibles. Sur le continent, notamment dans la zone francophone, le Burkina Faso passe actuellement pour être l’un des pays leaders dans la recherche sur le coton génétiquement modifié.

Lorsque les chercheurs burkinabè prennent la parole à l’occasion des grandes rencontres scientifiques, leurs interventions sont suivies avec beaucoup d’intérêts. Interrogé sur son engagement dans les recherches sur le coton biotechnologique, un chercheur de l’INERA nous disait ceci : "Je ne suis ni pour ni contre le coton biotechnologique. En tant que chercheur, je me suis investi dans cette recherche pour découvrir et comprendre". Aujourd’hui, les recherches, jusqu’à preuve de contraire ont montré que la culture du coton transgénique a des avantages sur les plans économique, social, environnemental et scientifique. L’augmentation des rendements et la réduction des coûts de production vont accroître la compétivité du coton burkinabè sur le marché international. Selon une étude réalisée par l’INERA, l’augmentation des rendements suite à la culture de coton génétiquement modifié sera de l’ordre de 29 à 35%. Il y a donc un gain supplémentaire en terme de devises.

En outre, la réduction du nombre de traitement phytosanitaire du cotonnier suppose moins d’argent investi dans l’achat de pesticides et moins de pollution de l’environnement etc. C’est sans doute ces différentes raisons qui justifient l’option du Burkina Faso. Acculé de toutes parts par des comportements occidentaux contraires aux règles de l’OMC, le pays a décidé de réagir.

Rabankhi Abou-Bâkr ZIDA
(rabankhi@yahoo.fr)

Sidwaya

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