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OGM : L’Amérique cultive la... dépendance, pas l’autosuffisance

Publié le lundi 28 juin 2004 à 08h23min

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Au Burkina, l’affaire fait grand bruit depuis que la Société des fibres textiles (SOFITEX) a organisé du 9 au 11 juillet 2003 à Bobo-Dioulasso un atelier international sur les Organismes génétiquement modifiés (OGM) avec un accent particulier sur le coton BT, entendez biotechnologique, qui fait l’objet de recherches expérimentales à Farakoba.

Un an après, on est passé à la vitesse supérieure avec la récente conférence ministérielle internationale sur les sciences et technologies agricoles en Afrique, qui a clos ses travaux mercredi dernier à Ouaga 2000. Sans que le débat, que disons-nous la polémique sur ses "petites bêtes" ne s’estompe. Le sera-t-elle jamais ? On peut en douter tant ces fameux OGM suscitent souvent un sentiment ambivalent : ils fascinent et ils font peur à la fois. Mais de quoi s’agit-il au fait ?

Pour l’essentiel, on retiendra que les progrès de la science, "qui ont fait de nous des dieux avant que nous ne méritions d’être des hommes" selon la formule de Jean Rostand, le bond prodigieux du savoir disons-nous a permis de doter une espèce de caractéristiques qu’elle ne possède pas naturellement, en s’affranchissant de la barrière du genre et de l’espèce. C’est cet élément muni de ce nouveau gène acquis par le biais de la trangenèse qu’on appelle OGM. Une technique qui permet, à titre illustratif, aux melons de mûrir moins vite, aux fraises de ne plus pourrir, aux tomates de mieux se conserver, etc.

Surtout, la transformation génétique des plantes améliore les conditions de culture parce qu’elle développe des mécanismes de tolérance ou de résistance et, par voie de conséquence, d’augmenter les rendements. Voilà tout l’enjeu de ces OGM pour un continent comme l’Afrique et un pays à l’image du Burkina Faso où l’autosuffisance alimentaire est encore loin d’être une réalité.

Selon les spécialistes, le continent noir, pour satisfaire les besoins en nourriture de sa population à l’horizon 2005, doit multiplier sa production actuelle par 10 voire par 12 fois. Pour autant cette course à la productivité et à la production ne doit pas occulter les risques inhérents à ce genre de manipulations, qui peuvent s’avérer des expérimentations hasardeuses. Car "modifier un organisme revient à modifier un élément de tout l’équilibre écologique", assure le Pr Jean Didier Zongo, enseignant de génétique et amélioration des plantes à l’université de Ouagadougou, qui relève notamment les effets dangereux des "désherbants totaux", qui présenteraient des dangers pour les agriculteurs.

En fait, les spécialistes ne s’accordent pas sur les effets nocifs de ces OGM sur l’homme, l’animal et la nature et c’est pourquoi tous, partisans acharnés ou adversaires irréductibles de ces technologies agricoles prônent le principe de précaution. Il s’agit en fait d’adopter la démarche du caméléon qui, avant d’avancer, s’assure toujours que le sol ne se dérobe pas sous ses pieds. Après tout, ne dit-on pas que prudence est mère de sûreté. En vérité, au-delà des préoccupations bassement alimentaires, si on ose dire, du premier paysan du Burkina qui n’entend pas se laisser "intimider" par le "terrorisme intellectuel" des anti-OGM, les motivations des autorités burkinabè sont aussi et peut-être surtout politico-diplomatiques cependant que celles américaines sont d’abord et avant tout économiques.

Tout semble procéder d’un deal au sommet, qui consiste pour Blaise à se rapprocher de l’Oncle Sam après de longues années de brouille au sujet du Liberia, de la Libye, de la Sierra Leone et même de l’Irak, qui avait valu à Washington un violent réquisitoire du président du Faso depuis la même salle de conférences de Ouaga 2000, là où les retrouvailles ont été scellées la semaine dernière. Pour ainsi dire, Ouaga se voit absoudre de tous les péchés dont on l’accablait, les premiers responsables burkinabè redeviennent fréquentables, en échange de quoi Mosento et Syngenta, les deux firmes américaines spécialisées dans les biotechnologies, prennent pied dans nos champs.

Pour les Américains, qui ne font jamais rien pour rien, qui ne font pas dans l’humanitaire, c’est d’abord un business. Ni plus ni moins, et cela en droite ligne de leur politique "trade not aid". C’est ce qu’on pourrait appeler la diplomatie des OGM, à l’occasion de laquelle Salif Diallo, le ministre d’Etat chargé de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques, a porté sa casquette officieuse des affaires étrangères. Et ça commence à de nouveau porter des fruits diplomatiquement modifiés.

En effet, et ainsi que nous l’avons révélé dans "Une lettre pour Laye" de vendredi dernier, les académies militaires américaines, qui étaient fermées depuis une vingtaine d’années à nos officiers, devraient à nouveau recevoir des stragiaires burkinabè. De plus, le Burkina devrait bientôt bénéficier du traitement préférentiel accordé à certains pays africains dans le cadre de l’AGOA, l’African Growth and Opportunity Act. Cela dit, non seulement le new deal américano-burkinabè ne participe pas d’un accès subit de philanthropie, mais en plus il ne règle pas tous les problèmes quand ce ne sont pas des solutions cosmétiques qu’il apporte.

D’abord au sujet du coton BT. Quelque 500 parasites attaquent, il est vrai, le cotonnier en Afrique au Sud du Sahara, et les OGM peuvent constituer une solution aux problèmes de la lutte phytosanitaire. Toute chose qui augmenterait les rendements et la production dans la mesure où les pertes dues aux insectes représentent une part importante des récoltes. Mais à quoi cela va-t-il servir si les Etats-Unis continuent de plomber les cours mondiaux de l’or blanc par les subventions multiformes qui sont accordées aux producteurs du cotton belt ?

Certes le coût de production à l’hectare devrait s’en trouver réduit avec les OGM, le paysan devant utiliser moins d’insecticides (1 ou 2 traitements au lieu de 6 actuellement), mais si en plus de nous fourguer leurs biotechnologies les USA pouvaient mettre fin à cette injustice criarde en violation flagrante des règles de l’OMC que constituent les subventions, ils nous rendraient davantage service.

Ensuite, pour ce qui est des cultures vivrières, on se demande bien si c’est notre autosuffisance que les "bienfaiteurs" américains recherchent, tant leurs OGM vont cultiver la... dépendance vis-à-vis des firmes yankees, car il faudra toujours retourner vers elles pour avoir les semences. A moins qu’ils nous inventent le ka buudu des OGM, ce qui n’arrangerait pas leurs affaires. Où se trouve donc le gain dans ces conditions ? That’s the question.

L’Observateur Paalga

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