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Exécutif et opinion publique : Il n’y a jamais de bon gouvernement

Publié le mardi 16 septembre 2008 à 19h52min

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Selon certains analystes politiques, la démocratie représentative a désormais un grand concurrent, la démocratie d’opinion. Elle procède de l’enracinement du pluralisme et de la liberté d’expression. La force de la représentation serait donc de plus en plus contrebalancée par la force de l’opinion publique. La majorité ne gouverne plus sans une constante référence à la perception qu’ont les citoyens de l’impact des décisions gouvernementales sur leur quotidien.

En Europe, ils sont plus d’un chef d’Etat et de gouvernement à avoir le sommeil léger à cause des sondages d’opinion sur la conduite des affaires de l’Etat. Si l’opinion publique prend une si grande importance dans la culture démocratique au Nord, les médias y sont pour beaucoup. En effet, suivant un mécanisme de vases communicants, la presse façonne l’opinion publique alors qu’elle-même n’aurait aucun pouvoir si le public ne lui conférait pas audience, notoriété et crédibilité.

La démocratie d’opinion passe alors pour du beurre dans les épinards du quatrième pouvoir qui a tendance à en abuser surtout sous nos tropiques où les consommateurs des médias sont moins avertis des dérives qui en découlent. De fait, sans que cela ne soit de l’auto-flagellation, la presse n’est pas toujours innocente quand elle avance une opinion. Elle s’y agrippe, la sert avec un tel dévouement qu’elle finit par en faire sa vérité. Et quand elle est démentie par les faits, sublime dans le commentaire, elle se trouve des échappatoires dorées.

Prenons l’exemple du dernier remaniement ministériel au Burkina, surtout que ce cas ne déroge pas à ce qui ressemble à une règle établie. En effet, chaque fois qu’un nouveau gouvernement est formé, la remarque récurrente d’une certaine opinion publique est celle du non-changement, voire du non-remaniement. Pourquoi ? Parce que les rumeurs, les analyses pronostiques de la presse ont toujours annoncé un chambardement total de l’exécutif. Et quand le chamboulement tant prédit est plus ou moins démenti par les événements, les explications alibis ne volent pas plus haut que les stigmatisations simplistes du genre : « le Premier ministre n’a pas les mains libres », « le président est passé maître dans l’art de dribbler les Burkinabè ». Traduction, l’opinion publique n’est pas satisfaite du nouveau gouvernement parce que ses certitudes se sont révélées inexactes.

A cette allure, un gouvernement ne sera jamais bon au Burkina. Et pour cause ! On n’en trouvera jamais qui avalise ces pronostics subodorés. La démocratie d’opinion n’est pas la dictature des conjectures éparses, chargée d’un criticisme à tout va ! Pour sûr, de même qu’une opinion publique émanant de contre-pouvoirs crédibles, d’une société civile responsable, mérite respect et attention de la part des pouvoirs publics, de même les rumeurs fantaisistes devraient ruisseler sur les options de nos gouvernants comme l’eau de pluie sur les plumes du canard.

Du reste, elles ne sont jamais innocentes ces rumeurs. Ballons d’essai ou peaux de banane, subtilement balancés dans le tas, qui s’y fie, s’y perd au point d’oublier que nous sommes en République. Dès lors, la formation d’un gouvernement obéit à des prérogatives constitutionnelles et tient compte des circonstances sociopolitiques du moment. Il peut s’agir alors d’un simple remaniement ou d’un changement de gouvernement. Le changement de gouvernement suppose un changement de majorité. Toute l’équipe gouvernementale est alors démissionnaire. Un nouveau Premier ministre est nommé. Même dans le cas ou le précédent premier ministre est reconduit, il aura auparavant démissionné avec l’ancienne équipe. Ainsi, la composition d’un gouvernement, suite à un changement de majorité, entraîne généralement un bouleversement prononcé de l’exécutif.

Quant au remaniement ministériel, il est toujours un réajustement technique de l’équipe gouvernementale sous la conduite du même Premier ministre. Il conduit rarement à un chamboulement mais plutôt à des remplacements ciblés et/ou à des permutations de postes dans la recherche de l’efficacité dans la poursuite d’objectifs tactiques et stratégiques donnés.

Par ailleurs, au sujet de la latitude du Premier ministre à choisir les membres de l’équipe gouvernementale, faut-il rappeler que le Burkina est sous un régime constitutionnel semi-présidentiel. Cela implique que c’est le président du Faso qui nomme le Premier ministre et les membres de l’équipe gouvernementale sur proposition de ce dernier. Dans ses fonctions de coordination de l’action gouvernementale, le Premier ministre s’attache à exécuter le programme présidentiel. Et ce qui diffère d’un Premier ministre à l’autre c’est le style, la méthode, le leadership personnel, la cohérence dans la mise en œuvre des politiques sectorielles, baromètre de l’efficacité de son équipe. Somme toute, c’est davantage sur ces aspects qu’il faut juger de la qualité d’un gouvernement et moins sur le nombre de nouvelles têtes qui le composent.

Djibril TOURÉ

L’Hebdo

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