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Réparation des torts de la colonisation : La Libye ouvre une brèche

Publié le mardi 2 septembre 2008 à 02h30min

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C’est un combat gagné. Après avoir réclamé depuis des années des compensations pour plus de trente années d’occupation italienne,Tripoli peut à présent jubiler. L’Italie vient en effet de se faire pardonner son passé colonial par la signature d’un accord à tout le moins historique. Le pays de Silvio Berlusconi (le chef du gouvernement italien) s’engage à verser à la Libye cinq milliards de dollars sur les 25 prochaines années, au titre de dédommagement pour la période coloniale, sous forme d’investissements dans divers projets.

La Libye a donc joué et gagné. Elle a osé en solitaire, et son courage a fini par payer. Cela est tout à l’honneur de ce pays qui éprouve certainement à présent une grande satisfaction morale, après cette bataille aux retombées plus que matérielles.

Cette victoire va-t-elle relancer le débat sur la vieille antienne des méfaits de la colonisation et duquel une certaine opinion africaine attendait qu’elle amenât les anciennes puissances coloniales à dédommager le continent pour les nombreux préjudices subis, ou tout au moins à battre leur coulpe ? En tout cas, la Libye ouvre une brèche. Alors que ce débat n’avait pratiquement plus cours sur le continent, il pourrait aujourd’hui être relancé, et cela, grâce à la Libye qui vient de donner au reste de l’Afrique l’image d’un pays qui réussit là où d’autres ont échoué.

Mais si Tripoli a réussi à faire la différence, c’est qu’elle partait évidemment avec des atouts de taille. Parmi ceux-ci, l’ascendant que la Libye a, quelque part, sur son ancien colonisateur en particulier, et les pays occidentaux en général, du fait de sa position confortable et enviée de grand pays pourvoyeur de pétrole.

Et le pays de Kadhafi demeurera dans cette posture tant qu’il sera un passage obligé pour la satisfaction des besoins énergétiques de l’Occident.

En accédant à la requête de Tripoli, Rome mesure sans aucun doute le précédent qu’il pourrait créer, et qui mettrait mal à l’aise certaines capitales européennes. Celles-ci craindraient en effet que le cas libyen réchauffe les ardeurs de ces Africains qui avaient, entre-temps, fait de la réparation des torts dus à la colonisation leur cheval de bataille. Dans le même temps cependant, le pays de Silvio Berlusconi enlève, par cet accord, une épine du pied de pays européens constamment pris d’assaut par des milliers d’immigrés clandestins. Car, l’accord prévoit un volet coopération dans la lutte contre l’immigration clandestine. La lutte contre la horde d’immigrés clandestins qui continuent de frapper à la porte de l’Occident devrait donc se renforcer pour les intérêts bien partagés de la Libye et de l’Italie.

Comme quoi, c’est un partenariat gagnant-gagnant. Des pays africains francophones qui seraient tentés de faire comme la Libye n’auront pas la même baraka. Très peu sont dans la position de force de la Libye ou de l’Algérie, l’un des rares pays de l’espace francophone à pouvoir faire entendre sa voix à la France. L’histoire retiendra en effet qu’elle a pratiquement été la seule à mener le combat contre une forfaiture de l’histoire qui consistait à faire passer la thèse selon laquelle la colonisation a eu des bienfaits pour l’Afrique.

Il faut dire que l’obtention de l’accord de Benghazi tient aussi et surtout à la personnalité du dirigeant libyen. Connaissant l’homme dont les sautes d’humeur, les inconstances, les déclarations à l’emporte-pièce ne sont rien à côté des nombreuses opportunités d’affaires qu’offre son pays, l’Occident s’est fait une religion : mieux vaut l’avoir avec soi pour réaliser de bonnes affaires, que de l’avoir contre soi .

Moammar Khadafi a appris à connaître l’Occident ; il sait par où le tenir. Pourquoi bouderait-il le plaisir de voir son pays dédommagé alors que la Libye avait dû verser des sommes colossales pour réintégrer le concert des nations ?

La Libye est tout de même un pays atypique. Que Khadafi n’ait rien à cirer avec la démocratie, cela n’offusque pas l’Occident pour qui seules comptent les affaires. Que l’or noir continue à couler à flots et que cela serve surtout les intérêts des partenaires du Nord, voilà l’essentiel. Et puis, y a-t-il plus grand cadeau que d’avoir affaire à un Khadafi transformé, qui renonce au terrorisme et à l’arme nucléaire ?

En tout état de cause, l’Italie vient de franchir un grand pas en indemnisant la Libye pour les excès de l’époque coloniale. La France qui compte plusieurs anciennes colonies sur le continent africain est-elle en mesure de lui emboîter le pas ?

Peut-elle le faire si telle est son intention ? A priori non. Non en raison justement du nombre important de ses anciennes colonies, mais aussi de l’ampleur des dégâts causés par la colonisation française. Contrairement à celui de la France, le colonialisme italien a été beaucoup plus court, et son aspect dramatique moins important. La preuve, l’Italie n’aurait même pas réussi à imposer sa langue à ses anciennes colonies.

Il va de soit que plus il y a d’anciennes colonies, et plus il y a de dépenses à engager dans le dédommagement de ses ex-colonies. Sans doute est-ce aussi cela qui explique que la France n’ait jamais voulu franchir le pas. En demandant pardon, elle pourrait entendre encore la vieille rengaine des compensations financières pour tous les torts commis par la colonisation. Elle n’a alors aucun intérêt à suivre l’exemple de l’Italie.

Cependant, pour avoir tiré profit de la colonisation, la France devrait avoir au moins un devoir de reconnaissance envers ces anciennes colonies.

Cela devait se ressentir en termes de politique préférentielle dans le domaine de l’immigration à l’égard des pays francophones. Mais, ce serait sans doute trop demander au président Sarkozy si attaché à sa politique d’immigration choisie.

"Le Pays"

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