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Maladie des chefs d’Etats africains : L’exception nigériane

Publié le mardi 2 septembre 2008 à 02h31min

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le président nigérian Umaru Yar’Adua

Le gouvernement fédéral nigérian a beau assurer que le président Umaru Yar’Adua se porte bien, rien n’y fit. Bon nombre de Nigérians croient dur comme fer que leur président est malade et hospitalisé en Arabie saoudite où il y est officiellement depuis une dizaine de jours pour le petit pèlerinage appelé Oumra.

La conviction de ces citoyens est renforcée par la presse nigériane qui a donné l’information et, tout naturellement, en fait ses choux gras. La liberté avec laquelle la presse traite de ce sujet mérite d’être fortement soulignée. Ce n’est un secret pour personne que la maladie d’un chef d’Etat est un sujet tabou sur le continent africain.

Et oser en parler, même à mots couverts, c’est prendre de gros risques. Les exemples sont légion de journalistes jetés en prison, dans le meilleur des cas, pour avoir dit ou écrit que les princes qui les gouvernent ont des ennuis de santé. Etant avant tout des humains, ils sont eux aussi sujets à des maladies. Dire souvent qu’ils tombent eux aussi malades, ne devrait donc pas causer des ennuis à celui qui l’affirme preuves à l’appui. Il ne sert à rien d’entretenir un mythe autour des chefs d’Etat, qui sont des mortels avant tout. Malheureusement, en Afrique, malgré la modernité, il subsiste toujours une conception traditionaliste du pouvoir et de celui qui l’exerce.

Le pouvoir est vu comme un don divin, et le chef est considéré comme un immortel à qui l’on doit obéissance et soumission aveugles. Ce n’est donc pas pour rien que, malgré la démocratie, la critique de la gestion des pays est une simple vue de l’esprit. Comme dirait l’autre, qui est fou pour dire que le tout puissant chef gère mal le pays ou, sacrilège suprême, qu’il n’est pas en bonne santé. Les croyances en un chef d’Etat pratiquement immortel, comme du temps des royaumes et des empires africains n’ont pas complètement disparu.

C’est dire que ce qui se passe au Nigéria est une révolution, une rupture avec un passé assez récent concernant la santé des dirigeants. Sans exagérer ou aller vite en besogne, on peut dire que le tabou est brisé chez ce géant de l’Afrique. Le fait est en train de donner tout son sens au fameux droit du public à l’information sur la gestion des affaires publiques et aussi à propos de ceux qui y sont commis.

Les citoyens ont donc besoin de savoir à tout moment si ceux qui dirigent sont toujours sains de corps et d’esprit pour assumer les hautes charges et responsabilités qui leur ont été confiées. Ils sont rassurés de savoir donc qu’ils n’ont pas affaire à des grands malades, à des déséquilibrés qui peuvent poser des actes graves comme déclarer une guerre à un pays voisin sans raison valable.

Sur le continent africain, le Nigeria fait l’exception pour le moment avec la possibilité donnée à la presse d’évoquer la maladie du chef de l’Etat sans essuyer le courroux du régime. Ce ne sont pourtant pas les défenseurs zélés du président et de son régime, prêts à casser du journaliste, qui manquent. On se prend à rêver que ce bel exemple fera tâche d’huile sur le continent et permettra aux citoyens en général et à la presse en particulier, de traiter librement de sujets longtemps qualifiés de tabou.

Par Séni DABO

Le Pays

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