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Les Mercredis de Zoodnoma : Pourquoi les remaniements intéressent-ils tant ?

Publié le jeudi 28 août 2008 à 10h08min

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Blaise Compaoré a dit, lors de l’avant dernier Conseil des ministres, qu’il fallait attendre la rentrée de septembre pour voir le gouvernement remanié. Ainsi, nous pensions candidement que, pour un certain temps au moins, les spéculations concernant la configuration du prochain gouvernement connaîtraient une suspension en attendant le retour de l’exécutif des vacances. Mais que nenni ! Les rumeurs les plus folles ont continué à courir sur le sort de nos chers ministres. Au point qu’il nous semble bien à propos de nous demander pourquoi les Burkinabè (citadins et/ou lettrés essentiellement) s’intéressent tant à ce phénomène.

Bien naturellement, l’interrogation n’est pas nouvelle. Des personnalités de notoriété journalistique (bien plus balèzes que nous) ou universitaire ont déjà planché sur le sujet dans le cadre du rapport général existant entre la politique et les citoyens. Si nous nous sommes fait à l’idée qu’il n’est pas oiseux de revenir sur le sujet, c’est parce que :

d’abord, dans le domaine de la pensée, l’impératif du renouvellement de la réflexion et de la contribution de tous est une exigence de tout instant ; ensuite, le domaine est spécifique au remaniement ministériel qui se profile à l’horizon ;

enfin, en tant que Burkinabè, nous comptons aussi des amis dans le gouvernement et nous sommes intéressés ou (en tout cas) concerné par le sort qui sera le leur après ledit remaniement. Ce sont là des raisons qui peuvent, à raison, ne pas tenir la route pour X ou pour Y, et c’est leur droit inaliénable et imprescriptible dans la société qui est la nôtre et c’est tout aussi notre droit que d’avoir une telle appréciation.

Cela dit, notre argumentaire ne peut pas et ne doit pas avoir la prétention d’être le dernier des argumentaires ou l’argumentaire des argumentaires. Ce n’est ni de la prophétie, ni du messianisme, car nous ne sommes pas en religion. En effet, c’est dans les religions que chacune estime son prophète ou son messie le dernier des derniers. Les autres n’étant en fait que des imposteurs.
Les raisons classiques

On a coutume de dire que les problèmes de tout le monde sont les problèmes politiques et que les problèmes politiques sont les problèmes de tout le monde. Il en est ainsi donc du futur remaniement ministériel.

En outre, du moment où, dans le cours quotidien de l’histoire de la communauté nationale, il y a quelque chose de particulier qui va se produire et qui se particularise par rapport aux événements monotones de la vie de tous les jours, cela ne peut qu’attiser la curiosité ou attirer l’attention des citoyens ordinaires.

Ne dit-on pas en journalisme que le chien qui mord le prêtre n’intéresse personne, mais que, par contre, le prêtre qui mord le chien est élevé au rang de faiseur de nouvelle ? De plus, dans nos contrées, le train qui est en retard n’est point digne d’intérêt, comparé à celui qui arrive à l’heure, car, en général, les trains sont en retard.

Indépendamment du caractère extraordinaire ou insolite d’un phénomène, ce qui peut capter l’attention des humains et faire l’objet de leurs caquetteries, c’est sa proximité du point de vue géographique ou social.

En effet, le sort du voisin ou du cousin ministres nous intéresse. S’ils nous apparaissent sociables ou sympathiques, nous serons intéressé de connaître leur sort. De même, si, à nos yeux, ils sont asociables et antipathiques, ce n’est pas avec impassibilité que nous apprendrons ce qu’il adviendra d’eux à l’issue du remaniement ministériel.

Comme on peut s’en apercevoir, les sentiments peuvent différer les uns des autres ou tout simplement diverger, mais il n’est pas de place pour l’indifférence.
Les essais d’explication supplémentaires

A côté des raisons que nous venons d’énumérer, il y a la prédisposition naturelle de l’humain à se réjouir du malheur qui frappe autrui. Le processus de socialisation, l’école, la vie professionnelle et la sagesse populaire, dont nous apprenons quelque chose chaque jour, déploient moult énergies pour nous convaincre de l’inutilité des sentiments d’inimitié et de haine, que nous nourrissons à l’endroit de notre prochain. Les religions révélées aussi apportent, fort judicieusement, leur quote-part dans cette noble lutte.

Malheureusement, peu de succès sont enregistrés. Ce qui nous plaît ou nous subjugue, c’est généralement le pétrin dans lequel se démêle autrui, car, en dépit des discours généreux, auxquels nous aimons nous livrer, l’animal qui réside en nous est plus que jamais vivant : dans le règne animal, même les individus d’un même groupe s’entre-déchirent à cause de quelques ares d’herbes fraîches ou de quelques proies.

La compétition est si féroce qu’il n’y a point de place pour l’altruisme. Ramenée à l’échelle des humains en tant qu’êtres sociaux, la différence ne semble pas fondamentale. On veut tout pour soi : honneurs, privilèges, biens matériels, bonheur, et rien pour les autres.

De cette situation découle le fait que la majorité de ceux qui spéculent à propos de la configuration de la future équipe gouvernementale se réjouissent secrètement du départ probable de tel ministre ou de tel autre ; bien que, sur un plan purement personnel, ils n’aient aucun contentieux avec ces serviteurs de la République. Le paradoxe est que des déboires de notre prochain nous ne gagnons rien. Et pourtant, nous souhaitons sa perte.

Persévérer dans l’effort et la volonté

Il est vrai que, naturellement, il est possible que nous détestions certains de nos semblables ou que certains d’entre eux nous détestent. Comme par une sorte d’antipathie naturelle.

Il est également possible que les méthodes de gouvernance de certains ministres nous déplaisent sans que nous ayons nécessairement raison.

Il est enfin enviable que nous ayons des raisons fondées de vouloir le départ du gouvernement de X ou de Y. Nonobstant tout cela, il est indiqué de faire l’effort, de la part de chacun, de dépasser la volonté de nuire à autrui ou le souhait de tracas à notre prochain.

Ce n’est pas chose facile, nous en convenons. Mais c’est justement parce que ce n’est pas chose facile qu’on est en droit d’en tirer une légitime fierté quand on y parvient.

Certes, la réalité de la vie en société, qui est marquée par une compétition cruelle pour la survie de chacun, fait de l’altruisme, de la compassion et de l’assistance à nos alter ego des rêves dignes de philosophes qui n’ont point les pieds sur terre. Cependant, sans effort et sans volonté d’y parvenir, il n’est pas de société des humains.

Z.K.
L’Oservateur Paalga

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