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Ghana : Carton rouge aux hommes violents

Publié le vendredi 25 juin 2004 à 11h37min

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Les députés ghanéens finiront-ils par voter la Domestic
violence bill, la loi chargée de lutter contre les violentes dans les
ménages ? Les ONG les y poussent, mais les populations
restent méfiantes à l’égard d’un texte à bien des égards
révolutionnaire.

L’oeil gauche enfilé, la mâchoire inférieure fracassée, une
dame raconte son malheur au siège d e la Fédération
internationale des femmes juriste ((FIDA), à Accra, la capitale
ghanéenne. "Mon mari me bat chaque fois que je lui rappelle
que je ne peux pas nourrir seule toute la famille et qu’il doit
s’occuper de nos enfants.

Hier nuit, ça a été pire : il allait me tuer
si les voisins n’étaient pas intervenus", confie-t-elle, la voix
pleine de sanglots. autour d’elle, des dizaines d’autres femmes,
venues aussi se plaindre et demander conseil, écoutent en
silence. "C’est comme ça tous les jours, témoigne Sylvia
Homanme Noagbesenu, responsable de la Fida-Accra. Si le
cas n’est pas grave, nous appelons le mari et régions le
différend à l’amiable. Si au contraire cela relève du domaine
pénal, nous envoyons les victimes à la Waju ((Women and
juvénile unit, NDLR)".

La police ghanéenne a créé cette division chargée de la lutte
contre les violences sur les femmes et les mineurs en 1998,
une année marquée par leur recrudescence au sein des
ménages. La Waju recueille les plaintes des victimes d’abus
(menaces verbales, trokossi ou esclavage rituel des jeunes
filles, pédophile, viol, meurtres...) tente des voies de règlement à
l’amiable et au besoin, inflige aux coupables des sanctions
allant du blâme à des emprisonnements.

En 2003, elle a
enregistré 6269 plaintes contre 360 en 1999, soit une
augmentation de plus de 1600% en quatre ans ! Des
statistiques qui sont encore en deçà de la réalité car la plupart
des victimes, essentiellement des femmes (52% des 20
millions de Ghanéens), hésitent à recourir à la police par pudeur
ou par peur des représailles de la part de leur conjoint et de leur
famille.

Un code pénal dépassé

Sans moyens et sans personnel qualifié suffisant, la Waju
n’arrive pas à bien jouer son rôle. Elle se trouve en outre
confrontée à un juridique en raison de l’inexistence d’un code de
la famille et de lois spécifiques sur les violences domestiques.
"Notre code pénal de 1960 est obsolète, analyse Angela
Dwamena-Aboagye, de l’ONG Ark Foundation, active dans la
promotion de la femme et de l’enfant.

L’article 42, qui s’inspire
d’une loi anglaise du 7e siècle, assujettit la femme à l’homme.
Les Anglais ont déjà abandonné depuis longtemps cette loi qui
stipule que l’homme ne peut pas être accusé de violence
sexuelles à l’égard de sa femme". Pour pallier cette
insuffisance, les ONG et le gouvernement ont élaboré la
Domestic violence bill (DVD), projet de loi sur la violence
domestique, transmis depuis l’année dernière au parlement.

Initiative unique dans la sous-région, selon Sylvia-Noagbesenu,
la DVD durcit les peines à l’égard des auteurs de violences sur
les femmes mariées, les enfants, les employés de maison, etc.
Les sanctions vont de quelques mois (pour des délits comme
les attouchements sans le consentement de la personne) à 25
ans d’emprisonnement (pour les viols, l’inceste...).

La nouveauté
de ce projet réside dans la condamnation du viol au sein du
couple. Une disposition qui a suscité la polémique et amené les
députés à renvoyer le texte au gouvernement pour sa plus
diffusion afin, disent-ils, de tenir compte des avis de la
population.

La violence, un exutoire ?

"Comment mon épouse peut-elle m’assigner en justice sous
prétexte que je l’ai violée ? C’est une aberration !", s’offusque
Egbert Faibille, un journaliste. "Votée, cette loi encouragera les
divorces et la prostitution", renchérit Tania Kwamenea, une
chrétienne. Bon nombre de Ghanéens, dont des musulmanes
et des chefs de cultes traditionnels, redoutent que le texte ne
fasse "éclater les familles" car il donnerait "plus de pouvoirs aux
femmes qu’aux hommes".

Ces ONG, qui mènent actuellement
des campagnes pour l’acceptation de la DVD, affirment ne pas
ignorer ces risques. "Si nous n’éduquons pas les femmes sur
leurs droits et devoirs, elles vont mal interpréter la loi", reconnaît
Sylvia Homame Noagbesenu, qui n’en souligne pas moins
l’urgence d’un tel texte.
Une étude, réalisée à Accra par le département d’Etat américain
en 1998, a révélé que les violences surviennent surtout dans les
familles pauvres.

Dans ce pays sous-développé, où 45% de la
population vit avec moins d’un dollar US par jour, le recours à la
violence serait un exutoire et un moyen de s’affirmer
socialement. Dans ce contexte, le vote probable du projet de la
loi par le parlement ghanéen, dominé par les députés du parti
du président John Kufuor, ne suffira pas à lui seul à changer les
comportements. Le plus dur restera la lutte contre la pauvreté
dans un Etat où le taux de chômage dépasse les 20%.

Abraham Brahima (SYFIA GHANA)
Le Pays

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