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ADAMS SURFACE : "Nous demandons au président du Faso de descendre vers le peuple"

Publié le lundi 25 août 2008 à 13h38min

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Adam Bella, plus connu sous le nom de Adams Surface, "La Surface" étant cette grande alimentation dont il est le propriétaire à Zogona, est reconnu par ses proches comme quelqu’un qui ne tourne pas autour du pot. Une fois de plus, il en donne la preuve à travers cet entretien qu’il nous a accordé, quand nous l’avons approché pour évoquer les difficultés liées à la vie chère. Tout en reconnaissant les efforts du gouvernement et du chef de l’Etat, Adams Surface souhaite que celui-ci soit davantage proche de son peuple car ce dernier est dans la misère.

"Le Pays" : En tant que propriétaire d’une grande alimentation comme "La Surface", ressentez-vous les effets de la vie chère sur votre chiffre d’affaires ?

Adams Surface : Aujourd’hui, je ne vois pas celui qui peut taper sur sa poitrine et avancer qu’il échappe aux tenailles de la vie chère. Nous les commerçants rencontrons beaucoup de problèmes. Nos ventes ont chuté à cause de la vie chère. Nous n’arrivons plus à écouler nombre de nos produits comme c’était le cas avant. Les consommateurs n’ont plus assez d’argent pour s’approvisionner comme dans le temps. Ça se complique davantage pour nous qui n’arrivons plus à vendre mais aussi pour nos clients car la plupart des produits ont connu un fort renchérissement des coûts.

Les populations se plaignent beaucoup de l’augmentation exagérée du prix du riz.

Les gens se plaignent effectivement et ils ont raison. Le sac de riz que nous vendions à 13 500 F CFA coûte aujourd’hui 20 000 F CFA. Ils se plaignent énormément, mais ils sont conscients que la faute ne nous est pas imputable. C’est la conjoncture économique mondiale qui impose cela. Toutefois, si le remède à ce mal a une portée internationale, nos dirigeants peuvent aussi apporter des solutions nationales. Il y a déjà un effort certain qui est fait par le gouvernement mais pour soulager un peuple pratiquement dans la détresse, Tertius Zongo et son équipe peuvent pousser leurs limites plus loin encore. Il faut que nos gouvernants essaient de voir si les salaires des travailleurs ne peuvent pas être revus à la hausse.

Il faut que cette piste soit explorée, pour permettre aux gens de faire face aux difficultés de la vie chère car la situation, si elle n’est pas encore alarmante, elle n’en est pas moins inquiétante. Si on prend le cas de quelqu’un qui touche 50 000 F CFA par mois et que ce dernier doit acheter un sac de riz à 20 000 F CFA, payer son loyer et honorer ses factures d’électricité et d’eau, c’est un réel casse-tête chinois, pour ne pas dire que cela relève de l’exploit, voire du miracle. Pire, si ce père de famille doit faire face aux frais de scolarité de ses enfants, alors, si ce n’est pas la catastrophe, je ne vois pas comment qualifier ce cas. Or ce sont des situations que nous vivons et sommes parfois obligés, en tant que commerçants de gérer à notre manière bien que nous-mêmes en soyons victimes. Un client qui avait l’habitude d’acheter deux sacs de riz n’en prend plus qu’un par mois. Il faudra donc voir comment augmenter les salaires des fonctionnaires et diminuer de façon générale les charges pour les populations.

Entre autres mesures, le gouvernement a mis en place des boutiques-témoins tout en fixant des prix à ne pas dépasser. Le constat est que ces prix ne sont pas respectés et que les produits sont toujours très chers.

C’est très difficile de respecter ces prix indiqués par le gouvernement. La réalité est toute autre que ces mesures prises par le gouvernement et répercutées par la presse. Lorsque le revendeur achète un produit à un certain prix chez le grossiste qui lui-même dit l’avoir acquis à un certain coût et que vous à votre tour devez le vendre en ajoutant votre marge de bénéfice, pouvez-vous respecter les prix fixés par l’Etat ? Il ne faut pas qu’on se leurre, ce sera difficile de pratiquer ces prix.


Nombre de commerçants affirment que c’est le gouvernement qui est à l’origine de la vie chère. Quelle est votre position sur la question ?

Le gouvernement n’est pas à l’origine de la vie chère. Un cas concret : la plupart des variétés de riz que nous consommons sont importées. On ne peut pas importer du riz de l’Asie à un prix élevé et le revendre à perte. Certes, le gouvernement avait enlevé la douane mais il n’y a pas que ça. Du reste, les frais de dédouanement du riz n’étaient pas très importants. En tout cas, ce serait trop facile de rejeter la crise liée à la cherté de la vie sur le seul gouvernement alors que le phénomène à des origines et des répercussions mondiales.

Toutefois, je reste persuadé que c’est de la responsabilité du gouvernement de trouver la réponse adéquate à la vie chère. Je réitère ma doléance qui est du reste celle de nombreuses personnes et structures, le gouvernement doit rehausser les salaires. Nous l’avons demandé lorsque nous avons rencontré les différentes institutions. Il faut également instaurer le système de journées continues. Ainsi, les gens travailleront de 7h à 14h. Cela permettra au gouvernement d’économiser en électricité par exemple et les travailleurs également pourront faire des économies en carburant. Qui plus est, ils pourront vaquer à d’autres occupations pour améliorer leur quotidien. Dans d’autres pays, c’est ce qui a été fait. Sinon, il n’y a pas de solution miracle comme je l’ai déjà relevé.

Si nous avions mis en place une politique agricole qui nous permettait de produire par exemple du riz en quantité suffisante pour satisfaire ne serait-ce que la demande nationale et en exporter au cas échéant, ce serait déjà une bataille de gagnée dans la guerre contre la vie chère. Malheureusement, nous demeurons tributaires de l’extérieur et le gouvernement n’est pas en mesure de subventionner ce produit pour tous les Burkinabè et sur le long terme. Il faut souligner au passage les efforts faits par l’Etat en diminuant les charges sur des produits tels que le lait, les spaghetti, le riz, etc. Mais nous demandons au gouvernement de faire encore plus d’effort car, il en est capable.

Le constat est que vous les commerçants profitez de cette situation de vie chère pour spéculer sur les produits et en augmenter les prix à votre unique profit !

Dans tous les secteurs socio-professionnels, il y a des personnes de mauvaise foi. C’est ainsi que chez nous aussi, il y a des commerçants véreux. Et je vous rassure, ils ne sont pas les plus nombreux. Il y a un proverbe qui dit que "c’est un seul âne qui a mangé la farine et que tous les autres ânes ont le museau blanc". Ce sont donc certains commerçants, parce qu’il y a la vie chère, qui entendent paradoxalement faire le maximum de profit sur le dos des consommateurs. Tous les commerçants ne sont pas pareils.

De façons concrète, quelle issue voyez-vous dans la lutte contre la vie chère ?

Nous demandons au président du Faso que nous portons beaucoup dans notre coeur de descendre vers le peuple. C’est vrai qu’il a installé une équipe gouvernementale qui va déjà au charbon ; mais nous constatons que le peuple veut davantage sentir l’action du président du Faso. Moi personnellement, et je sais combien ma voix est petite pour le faire, mais je supplie le chef de l’Etat de tendre l’oreille vers le peuple, car sa souffrance est réelle. Il y a des gens qui n’arrivent plus a avoir un bon repas par jour. Il y a des familles qui ne savent pas où dormir, n’en parlons pas de quoi manger. Il y a des pères de famille dans le désarroi parce qu’ils ne peuvent pas scolariser leurs enfants. Dans les villages nos parents sont également confrontés à d’énormes difficultés. Les gens sont dans la misère. Mais je demeure persuadé que si le chef de l’Etat, à qui les populations ont toujours accordé leur confiance en votant massivement pour lui à chaque élection, s’adresse directement à son peuple pour lui dire qu’il comprend sa souffrance et qu’il oeuvre à trouver une solution de mieux-être, la pilule passera plus facilement. Ce qui arrive n’est pas de sa faute, ce n’est la faute à personne. C’est une situation mondiale qui frappe même les pays dits puissants, certes à un degré différent.

Ce n’est pas la méningite ou toute autre épidémie à laquelle on peut faire face en une semaine ou un mois grâce aux vaccins. C’est quelque chose avec laquelle il faut compter sur le long terme. Pour toutes ces raisons, ce serait bien que le père de la nation parle à ses concitoyens. Nous avons vu que dans d’autres pays, les manifestations et les grognes ont pris fin parce que le chef de l’Etat a rencontré les gens. Nous voulons donc sentir que nous avons quelqu’un qui se préoccupe de nos conditions de vie. Je suis sûr qu’il est mal à l’aise quand le peuple n’est pas heureux.

Mais le chef de l’Etat s’adresse déjà à la nation à des occasions bien précises !

Nous avons besoin de le sentir mieux que ça. S’il y a inondation par exemple et qu’il descend dans l’eau pour compâtir au malheur des populations, y a-t-il meilleur réconfort ? Si par exemple à la suite d’une marche, les manifestants menacent de rebeloter et que le chef de l’Etat s’adresse à eux dans la même journée et promet de résoudre leur problème, je ne suis pas sûr qu’il y aurait un seul marcheur dans la rue le lendemain. Par contre, quand ce sont d’autres personnes qui jouent ce rôle, ce n’est pas efficace. Pour illustrer mes propos, je vous donne un exemple : Dans une famille, quand deux enfants se battent et qu’un autre, aîné fut-il, leur dit d’arrêter de se taper dessus, le résultat n’est pas le même que si la sommation vient du père. C’est la même chose pour un Etat. Nous voulons donc sentir notre président comme les gens sentent le leur en Côte d’Ivoire, au Mali, au Bénin et ailleurs en Afrique. Il fait beaucoup pour l’ensemble du pays, tout comme il vient régulièrement en aide individuellement à des personnes en détresse. Il fait également beaucoup pour la paix dans la sous-région et ce ne sont pas les Ivoiriens, encore moins les Togolais qui diront le contraire. Même au Soudan, c’est un des nôtres en l’occurrence Djibrill Bassolé qui a été désigné par l’Union africaine et l’ONU, pour négocier la paix au Darfour. C’est un grand honneur pour le Burkina.


Quel appel lancez-vous à vos collègues commerçants afin que vous oeuvriez tous ensemble pour desserrer l’étau de la vie chère ?

Il faut que chacun à son niveau contribue à diminuer les difficultés des consommateurs. Certes, quand on fait du commerce c’est pour gagner de l’argent, mais sachons également venir en aide à ceux qui en ont besoin. En période de vaches maigres, tout le monde doit serrer la ceinture. Il faut que chacun apporte sa contribution pour amortir la crise. Ce n’est pas au seul gouvernement d’agir. Nous devons être en mesure de nous passer actuellement des grosses marges de bénéfices que nous cherchons et réalisons en période de vaches grasses.

Propos recueillis par Morin YAMONGBE
Le Pays

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