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Elections : La CENI sert-elle encore à quelque chose ?

Publié le vendredi 22 août 2008 à 12h29min

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Moussa Michel Tapsoba, président de la CENI

La question peut paraître saugrenue dans un processus démocratique qui en est encore à chercher ses marques. Une commission électorale indépendante, c’était le moyen de rétablir un peu d’équilibre face à un pouvoir politique complètement monopolisé par l’ODP/MT qui imposait sa pensée unique à toute la communauté nationale.

La CENI a été le cheval de bataille de l’opposition politique mais aussi de la société civile dont l’essor dépendait grandement de l’existence et de la jouissance des libertés fondamentales. Avec la CENI, on pensait pouvoir se donner les moyens de contrôler l’appareil administratif d’Etat à travers lequel le pouvoir pouvait décider du sort des élections. Avec une majorité et une opposition représentées à part égale dans les structures de la CENI et une société civile qui devait jouer les arbitres pour éviter les blocages, on pensait avoir ainsi conjuré les mauvais démons qui hantaient chaque élection. Seulement voilà. A l’expérience, on s’est rendu compte que l’équilibre voulu était devenu un leurre.

La majorité politique s’est donnée les moyens de phagocyter une partie de l’opposition et la composante société civile est apparue comme une excroissance de cette même majorité. Cela a donné cette structure bâtarde qui ne fait plus illusion tant il a fini de pervertir les idéaux démocratiques qui sont pourtant sa raison d’être. Des voix se sont élevées pour demander la suppression pure et simple de la CENI. Leurs motivations sont bien sûr différentes. Pour les uns, c’est sur le fondement d’un espoir déçu et il faut arrêter de fournir un alibi facile à ceux qui profitent de cette situation. Pour les autres qui se nourrissent aux mamelles d’un Etat patrimonial, il est temps de se débarrasser de tout complexe et de reprendre les choses en main. Telle est la quadrature du cercle.

Mais pour l’heure, l’on semble mesurer le risque qu’il y a de se débarrasser de la CENI. Malgré tous les griefs proférés contre la CENI, la tendance est à son maintien. En revanche, il y a une quasi unanimité pour mettre au rancart la composante "droits de l’homme". Bien que le pouvoir en place s’en accommode actuellement, du moment qu’il arrive à manipuler les différents groupes qui se disputent les quelques strapontins qui leur sont laissés dans les structures de la CENI, le moment semble venu de s’en débarrasser.

Avec ce qui se passe, on sent bien qu’il va falloir y mettre un peu d’ordre. Cela passe par l’édiction de critères et l’observance stricte de règles démocratiques dans la désignation des représentants. Cela ne peut totalement rassurer les partisans du contrôle total des organisations de la société civile. Pour la commission ad hoc chargée des réformes politiques et institutionnelles, les dés sont jetés. On ne parlera plus bientôt de la composante "droits humains" au sein de la CENI. Sur cette question, le CDP fait pour le moment le dos rond en raison de la sensibilité du sujet, en attendant de voir le sens du vent.

Nous avons donné la parole aux responsables de trois organisations représentatives à notre sens des courants les plus significatifs de la nébuleuse "droits de l’homme". Lisez plutôt.

Germain Bitiou Nama



Edouard Ouédraogo de GERDDES-BURKINA

D’aucuns pensent qu’avec la révision en cours de la composition de la CENI, on pourrait aboutir à une mise à l’écart de la composante droit de l’homme. Comment réagissez-vous à cette probabilité ?

Je ne vois pas pour quelle raison la composante "droits de l’homme" serait exclue de la composition de la CENI. Elle n’a pas démérité mais bien au contraire ! C’est vrai, il y a eu des tractations, mais c’est dans la nature des choses parce que je ne suis pas sûr que même si la société civile avait été représentée que par les religieux et les coutumiers, on aurait dégagé un candidat consensuel.
Je pense que ce serait légitime que la composante "droits de l’homme" soit toujours représentée au niveau de la CENI. Ce serait vraiment une injustice historique que de l’exclure de la CENI.

N’avez-vous pas prêté le flanc ?

Il n’y a vraiment rien de troublant ni d’illicite dans ce qui s’est passé. C’est même normal en bonne démocratie qu’on ait procédé par vote du moment où il y a plusieurs candidats et que personne ne veut se désister pour l’autre. A ce que je sache, au terme de ces tractations, il y a quelqu’un qui a été élu et bien élu.
Quand on parle d’extirper de la CENI les associations se réclamant des droits de l’homme, il faut faire attention. Je sais qu’il y a un processus beaucoup plus mortel pour la CENI à long terme parce qu’il y en a qui travaillent au dépérissement même de la CENI. Est-ce que le projet d’exclure de cette CENI la composante "droits de l’homme" n’est pas l’amorce de cette stratégie qui consiste à travailler à affaiblir la CENI et l’amener lentement mais sûrement à ne devenir que l’ombre d’elle-même ?

Qui aurait intérêt à ce que l’organisation des élections revienne au MATD ?

Je ne sais pas mais je sais que tout le monde n’est pas pro-CENI. Il y en a qui souhaitent carrément que l’organisation des élections revienne à l’Administration territoriale. Mais il faut qu’on arrive vraiment au bout d’un certain temps à asseoir une culture électorale à toute épreuve de manière à ce que tous les acteurs sachent exactement ce que voter veut dire et que tout le monde accomplisse son devoir citoyen sans pressions, sans corruption, sans se laisser détourner par qui que ce soit. De la même façon, on aura abouti à l’existence d’une vraie administration de service public. On aura un MATD au-dessus de tout soupçon en qui le monde de la vie politique aura confiance

Chrysogone Zougmoré du MBDHP

Votre réaction par rapport à la probable mise à l’écart de la CENI de la composante "droits de l’homme" ?

Nous pensons que cela n’est pas normal du point de vue des principes. Ça ressemblerait à une loi punitive. Alors que par principe, la loi est générale et impersonnelle. Si je parle de loi punitive, c’est en référence à ce qui s’était passé.

N’avez-vous pas prêté le flanc ?

Au niveau du MBDHP, depuis que la CENI existe, nous avons une position. C’est vrai, on a parlé de société civile mais au Burkina, on sait qui est véritablement de la société civile. Il y en a qui se disent de la société civile alors qu’ils ont beaucoup d’accointances avec le parti majoritaire. Dans cette société civile, vous avez les religieux, vous avez les coutumiers. On sait généralement de quel côté de la balance ces deux composantes penchent lors des élections si bien que ça perturbe un peu le jeu des équilibres et ça fausse en réalité les choses dès la base. Donc c’est là qu’il faut véritablement revoir les choses.

Il y a comme un impossible consensus au sein de votre composante ?

En tant que structure indépendante, nous avons toujours décliné l’offre d’en faire partie sachant bien que dès le départ, les choses étaient faussées. Lorsque vous avez des chefs de file de l’opposition qui rallient la majorité, lorsque vous avez des chefs coutumiers qui de manière générale appellent systématiquement à voter pour telle ou telle partie, vous comprenez bien que leurs représentants au niveau de la CENI ne peuvent pas être indépendants. L’épisode dont vous parlez, nous n’avons pas été acteurs, nous avons simplement été observateurs. Ceci étant, au niveau du MBDHP, nous nous réservons le droit de continuer à observer les élections et de donner notre point de vue sur le déroulement des élections. Aujourd’hui, tout ce qui intéresse le MBDHP, c’est qu’on admette les candidatures indépendantes pour les élections locales.

Ousmane NACRO de la LIDEJEL

C’est le président de la CENI qui a été à l’Assemblée nationale pour demander qu’on enlève la composante "droits de l’homme" parce que nous avons du mal à trouver un consensus. A ce que j’ai pu retenir, il semble que nous éprouvons d’énormes difficultés pour désigner notre représentant. Ce qui est vrai si on se réfère à la dernière situation malheureuse qui s’est passée. Je m’attendais plus à ce qu’on revoie les textes parce que c’est l’insuffisance des textes qui fait que tout le monde se dit défenseur des droits humains. Mais on aurait dû fixer des critères. Par exemple, il faut avoir un siège, mener des activités. Et le ministère de la Promotion des Droits humains contribuerait à faire en sorte qu’on puisse amener cette composante là à parler le même langage. Et cela avait du reste commencé parce qu’un nouveau répertoire a été conçu au niveau de ce ministère avec des critères précis. Je pense qu’il fallait donc revoir les textes plutôt que de vouloir écarter purement et simplement cette composante.

N’ avez- vous pas prêté le flanc ?

C’est juste ce que vous dites. La preuve, c’est nous qui payons les pots cassés. Moi j’aurais plutôt milité pour que s’il y a des gens qui ont prêté le flanc, qu’on les empêche de prendre part au processus. Mais qu’on ne pénalise pas toute la composante n

Entretiens réalisés par
Germain Bitiou Nama et Boukari Ouoba

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