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Situation nationale : "C’est l’injustice qui va tomber Blaise"

Publié le vendredi 25 juin 2004 à 08h00min

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Ce lecteur porte un regard critique sur les questions de justice
au Burkina Faso. Il met en exergue les paradoxes du ministre de
la Sécurité, Djibril Bassolet, par rapport à la gestion de certaines
situations.

Un colonel en civil a giflé un policier en tenue. Ce n’est pas un
titre romanesque mais une des réalités démocratiques du
Burkina Faso de Blaise Compaoré. L’épouse du militaire qui
était en compagnie de son mari aurait demandé pardon au
policier giflé. Elle a estimé certainement que son mari faisait la
force au policier qui ne faisait que son travail.

Madame mérite
donc d’être saluée. Le crime du policier c’est qu’il ne savait pas
que l’homme en civil était un militaire, de surcroît un Colonel. Il
l’aurait su qu’il n’hésiterait pas certainement à courir vers le
Colonel pour l’écouter après un garde-à- vous impeccable.
Dans l’armée c’est connu.

Même les civils qui ne sont pas
soumis aux injonctions militaires respectent bien les autorités
militaires, à l’exception bien sûr des extrémistes à l’égard des
officiers militaires dont l’image est ternie pour de bon. En outre,
les relations humaines sont un domaine à part qui a aussi ses
exigences : la considération envers son semblable est surtout
liée à l’humilité de l’autre et non forcément aux artifices que l’on
porte sur ses épaules, à la poitrine ou sur la tête.

Le
comportement compte donc pour beaucoup. C’est d’ailleurs
pourquoi le Capitaine Ouali Diapagri Luther, lors du procès sur
le coup d’Etat avait dit : « Il y a des hommes du rang qui ont un
esprit d’officier et des officiers qui ont un esprit d’homme du
rang ».
Ainsi, dans la logique de la démocratie, ce policier devait
bénéficier des circonstances atténuantes, s’il devait avoir des
considérations d’ordre militaire, surtout qu’il était en faction et ne
connaissait pas ce supérieur.

Mais c’est mal connaître ce pays.
On n’est pas fort à moitié et un policier est trop petit pour avoir
raison. Au Burkina Faso, ce sont les forts qui décident, qui
commandent, qui menacent, qui tuent, par conséquent qui
giflent. Le Colonel n’a rien inventé. Il n’a fait que suivre une
logique de gouvernance. Il ne faut donc pas lui en vouloir.

C’est
pourquoi mes propos ne visent pas ici à juger l’acte posé par le
Colonel Camara mais à faire une fois de plus une halte sur la
justice burkinabè et à montrer l’inconséquence et les
contradictions d’un ministre censé assurer la sécurité des
Burkinabè ; car les choses deviennent plus claires, le
témoignage est de taille et le justiciable est en droit de
s’inquiéter davantage.

En effet, dans sa livraison N°563 du 22 juin 2004,
l’incontournable Journal L’Indépendant rapporte l’altercation
entre un Policier et un Colonel, de même que des propos du
ministre burkinabè de la sécurité. Ces propos informent,
confirment et rassurent.

La justice burkinabè va très mal. Et c’est
ce que le ministre a tenté de faire comprendre au policier giflé
afin qu’il retire sa plainte déposée contre le Colonel Camara. Et
les arguments ne manquent pas : « de toutes façons, tu ne
gagnes rien en traînant le Colonel en justice. Je sais comment
ça se passe à la justice (…). D’ailleurs, je vais saisir le
procureur pour ça. » Djibril Bassolet n’est pas l’homme de la
rue. Il n’est pas le Collectif.

Il est une autorité, à double titre, car
Colonel d’abord et ministre ensuite. En plus il est gendarme. Il
connaît donc mieux les rouages de la justice. C’est lui que le
Président Compaoré a choisi pour veiller sur la sécurité de nous
tous. Donc il connaît le terrain.

Et c’est lui qui dit qu’il sait
comment ça se passe à la justice. Il n’invente pas, il est au
courant, il connaît et il donne l’information. Le ministre Djibril
Bassolet devient ainsi une autorité intéressante et de référence
sur la justice au Burkina Faso.

C’est pourquoi il faut lui accorder
une très grande attention. Il peut encore aider le peuple qui a
soif de la justice dans ce pays, même s’il fait semblant de ne
pas aimer cette expression qui selon ses propos rapportés par
l’Indépendant pue le Collectif.

Il reste aux magistrats burkinabè de se rendre désormais à
l’évidence et se tenir tranquilles. On sait encore un peu plus
comment ça se passe à la justice. La justice aux ordres tant
décriée par le Collectif se révèle au grand jour. Et un
témoignage de taille existe maintenant : « D’ailleurs, je vais saisir
le procureur pour ça ». C’est le ministre Bassolet qui parle. Eh
oui ! Il n’a pas voulu dire « je vais donner des ordres au procureur
et ton dossier sera classé ». C’est ça maîtriser le français ;
plusieurs expressions pour traduire la même réalité. Si je me
devais de parler comme Nobila Cabaret, je dirais que ’’Djibi, il
l’a fort miême quoi’’. Ainsi, le ministre burkinabè de la sécurité
brille par son inconséquence et ses contradictions.

Bassolet ne mérite pas sa place

Voici un ministre qui a en charge des hommes et des femmes.
Il envoie un de ses hommes en mission. Il est victime d’une
injustice flagrante. Incapable de concilier les positions afin de
ramener la quiétude et la réconciliation entre frères d’armes, il
taxe son missionnaire de ’’petit’’ policier à qui il ne reconnaît
pas le droit à une suite judiciaire.

Monsieur le ministre, l’Etat
c’est nous tous. Un homme au service de l’Etat est au service
de nous tous. Et avant de l’être il est d’une famille qui ne toléra
pas la force brutale sur son enfant par des gens qui se prennent
pour des dieux de ce pays. Les forts ont toujours tué dans ce
pays pour des sujets aussi banals comme ce qui est arrivé
entre le policier et le Colonel.

Le pire aurait pu arriver et vous
pensiez continuer à être un ’’grand’’ ministre face à la mort d’un
’’petit’’ policier tué ! Il n’est pas normal qu’un agent de sécurité
(policier, gendarme, militaire) soit abandonné à lui-même alors
qu’il est en position d’ordres de ses supérieurs.
Des agents de sécurité sont en prison dans ce pays pour avoir
exécuté des ordres de leurs supérieurs. Aucun n’a eu le
courage de prendre ses responsabilités.

Ce sont les familles
de ces derniers qui sont moralement atteintes pendant que ceux
qui devraient aller en prison continuent à se comporter en
’’grand’’. Quand on est ’’grand’’ et on n’est pas capable de
reconnaître ses responsabilités, on devient tout simplement
’’petit’’. Si le corps de la police n’a pas son importance, vous
avez le pouvoir de le supprimer. Au cas contraire, les policiers
aussi ont besoin de la considération et du respect. C’est
l’harmonie entre la police, la gendarmerie et l’armée qui est la
condition pour une sécurité territoriale efficace.

Vous n’avez pas
le droit de créer des frustrations entre ces corps. La sécurité de
nous tous en dépend. Vous ne méritez donc pas votre place.
Quant à vous Président Compaoré, c’est l’injustice qui va vous
tomber. Et vos tombeurs sont autour de vous à travers les actes
qu’ils posent au nom de votre régime.

Je sais que ça ne dira rien au ’’grand’’ ministre puisqu’il sait
aussi comment ça se passe dans la presse : « les journaux
peuvent bien en parler, ça fera du bruit comme du vent et ça va
passer ». Et ce n’est pas faux, puisqu’on a tué, les journaux en
parlent depuis des années, ça fait du bruit comme du vent et ça
continue de passer. Alors que vaut une gifle à des assassinats !

Bassolet contre le Collectif

Les expressions comme « j’ai soif de la justice » puent le
Collectif. Djibril Bassolet n’aime pas ça. Il n’aime donc pas le
Collectif. Il estime que cette structure a des allures subversives.
Et la subversion ça peut faire perdre le pouvoir. Et si on n’a plus
le pouvoir, plus d’ordre à donner à des procureurs. On n’est
donc plus ’’grand’’. Humainement on peut et on doit comprendre
et donner raison à Djibril Bassolet pour cela.

Bassolet pour le Collectif

Cependant, le Ministre Bassolet n’est pas logique dans ses
convictions. Il veut à la fois montrer qu’il fait partie des hommes
sûrs du Président du Faso en même temps qu’il exprime son
soutien au Collectif. Il renforce la position du Collectif vis-à-vis
de la justice.

En effet, cette phrase « …Je sais ce qui se passe à
la justice » n’est pas innocente. Elle traduit le fond du cœur du
ministre qui sait du fond de lui-même que le Collectif a bien
raison dans ses critiques à l’endroit de la justice. Le Collectif a
toujours dit que la justice burkinabè est aux ordres tout en
prenant le soin de souligner l’existence des magistrats intègres
dans ce corps. Ils sont malheureusement moins nombreux et
ne traitent pas de dossiers ’’sérieux’’.

Nous savons aussi que
dans ce régime du Président Compaoré, les positions officielles
de la plupart des Hommes proches du Président n’ont rien à
voir avec ce qu’ils disent quand vous êtes à deux dans un trou
bien fermé. De ce fait, un ministre qui se veut loyaliste ne peut
pas montrer au grand jour ses allures de rebelle.
Malheureusement, il a manqué du tact, de la tactique et de la
stratégie. Du coup il marque son soutien au Collectif. Il remet en
cause l’indépendance supposée de la justice dans certains
milieux. La politique, ce n’est pas pour les ’’enfants’’ Monsieur.

Il
a fait semblant pendant longtemps de faire croire que le Collectif
cherche la chute de son patron pour finalement laisser parler
son cœur : ’’Héï, petit policier, tu veux traîner un Colonel en
justice dans un pays où ce ne sont pas les juges qui jugent. Je
suis bien placé dans le milieu et je connais.’’ Et c’est vrai. Dans
le fond il a parfaitement raison ce ministre ; sinon, des dossiers
d’or bien connus auraient pu aboutir.

Jonas HIEN

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