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Gouvernement ougandais : Tu veux oh, tu veux pas oh, tu seras évangéliste

Publié le lundi 18 août 2008 à 12h14min

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L’information a été éventée par un confrère, en l’occurrence RFI (Radio France internationale), au cours d’un récent reportage sur « la multiplication des églises évangélistes en Ouganda », qui fait état d’une construction d’une chapelle dans l’enceinte de la présidence de Kampala : le président ougandais, Yoweri Museveni, et sa famille, des ministres, des députés, de hauts fonctionnaires de l’Etat, etc., participent à la messe d’un pasteur du nom de Robert Kahandia. Dans le reportage, ce dernier décrit comment le président a pu être atteint, voire converti, par le biais de ses enfants, sa femme.

C’est à l’honneur de cette église évangéliste, qui a frappé fort, en réussissant là où les canons ont échoué. En effet, c’est ce même président qui a dû, à une certaine époque, gérer une guerre civile opposant les forces gouvernementales à la LRA (Lord’s Resistance Army ou l’Armée de résistance du Seigneur), laquelle avait tenté de renverser le gouvernement actuel pour le remplacer par un gouvernement fondé sur les « dix commandements de la Bible ». Et ce n’est pas la première fois que des conflits d’ordre religieux secoue l’Ouganda, car, dans son œuvre « La naissance et le déclin des partis politiques et religieux en Ouganda (1887-2002) », l’historien Henri Médard note que, de 1888 à 1893, plusieurs guerres de religion ont opposé des musulmans aux chrétiens ou les chrétiens entre eux.

Les protestants sont sortis vainqueurs des conflits grâce à l’intervention militaire de la Grande-Bretagne, la puissance colonisatrice. Le président Amin Dada (analphabète et qui donnait ses ordres par téléphone) n’as pas été, lui non plus, en reste, pour avoir décidé, à un moment donné de son règne, de favoriser la population musulmane afin de mieux recueillir l’argent de la Libye et de l’Arabie-Saoudite. C’est pour dire que la religion et la politique ont toujours partagé une frontière dans ce petit pays, où le Vatican a même procédé à la consécration de martyrs ougandais, exécutés en 1886 et canonisés en 1964. Ce qui peut battre en brèche la raison de l’érection de la chapelle à la présidence, évoquée par le pasteur Kahandia pour, dit-il, permettre à l’homme fort de Kampala et à sa suite de prier aisément, car, dit-il, le dispositif sécuritaire du président (gardes du corps et chiens) dissuadait plus d’un fidèle de venir se recueillir chaque dimanche à la grande église.

A preuve, l’homme de Dieu ne s’est pas privé de se réjouir d’avoir touché le cœur de la République, à travers cette conversion du chef de l’Etat. Plus qu’un acte symbolique, c’est une véritable démarche stratégique pour cette Eglise, qui vient de ravir la vedette aux autres confessions religieuses. Désormais, la fameuse chapelle du dirigeant ougandais refuserait toujours du monde, car presque tout le gouvernement, voire toute la République, a décidé d’accompagner le nouveau converti à chacune de ses rencontres avec Dieu. Pourtant, si l’Ouganda est fortement chrétienne (33 % de catholiques et 33 % de protestants), on y compte aussi 16 % de musulmans et 18 % d’animistes) ; ce n’est pas évident que tous les gourous de la République n’ont pas leur « Dieu » ou « dieu », autre que celui des évangélistes. C’est devenu une tradition dans nos pays que quand le « naaba » (1) doit se rendre à une cérémonie, du Premier ministre jusqu’au petit directeur, tout le monde prenne d’assaut le site, comme pour dire « Monsieur le président, je suis votre homme, votre fidèle parmi les plus fidèles ».

Il ne reste plus donc qu’au grand Nkore (2) du royaume d’Ankolé, devenu président de la République d’Ouganda le 29 janvier 1986 après avoir livré avec succès une bataille de libération de cinq ans contre les régimes tyranniques précédents, de compter, à chaque office, ses plus fidèles alliés d’entre les personnalités qui tiennent à leurs postes ou veulent des promotions. Espérons seulement que l’acte du « pasteur » Museveni, à terme, ne mettra pas à rude épreuve la paix, une fois de plus dans son pays, compte tenu de la rivalité connue des confessions religieuses pour maîtriser le politique. Pour l’heure, la pêche aux âmes semble réussir aux églises évangélistes.

Rabi Mitbkèta

(1) Signifie en langue mooré roi (2) C’est l’appellation de l’ethnie du président, Yoweri Museveni

L’Observateur

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