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Mauritanie : Ah ! C’était donc ça ?

Publié le mercredi 13 août 2008 à 12h05min

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« Ce n’est pas impossible »… Quand un militaire, haut gradé de l’armée de surcroit, lâche cette phrase, c’est comme s’il vous disait « Bien sûr que oui ». C’est malheureusement là, des propos tenus aux journalistes par le nouveau maître de la Mauritanie, le général Mohamed Abdel Aziz, dimanche dernier au palais présidentiel de Nouakchott.

Les scribouillards lui ont demandé s’il allait se présenter à cette hypothétique élection, promise par lui et ses hommes afin de revenir à un pouvoir constitutionnel normal.

Naturellement, ceux qui l’ont écouté sont coutumiers de ces propos sibyllins de ces chefs d’Etat dont la volonté de rester scotchés au fauteuil présidentiel vaille que vaille crève les yeux. Ils ont beau utiliser des tournures alambiqués, ces candidats, qui ne veulent pas enlever le masque, finissent immanquablement par se présenter. D’ailleurs, ils remportent généralement ces élections. Curieux tout de même de la part du chef d’une junte qui répète, à l’envi, qu’il est venu pour rétablir l’ordre et plier bagage aussitôt.

Arrivé au pouvoir il y a tout juste une semaine, notre général y a-t-il déjà pris goût ? Dans le cas contraire, ayant été chef d’état-major particulier de la Présidence, on peut penser qu’il avait depuis longtemps l’ambition de prendre la place de son protégé.

Sinon, comment comprendre qu’il affiche déjà l’ambition de rester ? Et la décision qu’il veut prendre nous rappelle celle d’un autre général, ivoirien celui-là : il s’agit de Robert Guéi, qui avait promis de « balayer la maison », mais l’a si bien nettoyée qu’il y a installé une natte, sur laquelle il s’est couché de tout son long.

L’ambition du général Abdel Aziz de se présenter à la possible élection présidentielle doit d’autant plus inquiéter les Mauritaniens qu’il a avoué n’avoir aucun plan précis pour améliorer la situation économique du pays. Plus grave, sa déclaration survient sur fond de manifestations de protestation, de condamnations unanimes de l’opinion internationale et d’un gèle de l’aide par la France.

Mais, visiblement, cela ne semble émouvoir outre mesure le nouveau moustachu du palais de Nouakchott. Et, comme pour légitimer son pouvoir, le général Abdel Aziz semble mettre en avant un épouvantail qui amadoue plus d’un : il s’agit du terrorisme.

Comme pour faire plaisir aux Occidentaux, celui dont le coup d’Etat a été unanimement condamné dit sa volonté de fermeté vis-à-vis de la mouvance islamiste proche d’Al Qaïda, responsable de la mort de quatre touristes français et de plusieurs militaires mauritaniens en décembre dernier. Une antienne bien connue, qu’utilisait également un certain colonel Ould Sid Ahmed Taya, qui usait sans modération de la lutte contre le terrorisme pour museler l’opposition islamiste.

Après le départ forcé du colonel Ould Taya, la grande galanterie politique d’Ould Vall, qui est parti comme il l’avait promis, et enfin, la victoire, à la régulière, d’Abdellahi, l’on croyait révolues les périodes d’Etat d’exception en Mauritanie. Mais c’était sans compter avec le général Abdel Aziz.

S’il se présentait à cette élection, dont on ne sait d’ailleurs pas quand elle aura lieu, ce serait comme un retour à la case-départ pour la Mauritanie. Ce serait parti pour un long règne des militaires, même si, quoi qu’on dise, l’armée a toujours occupé une place très importante dans les pouvoirs politiques successifs.

Le président déchu, Abdellahi, a voulu inverser cette tendance, et mal lui en a pris. Et, par ces temps qui courent, s’il y a un ancien chef d’Etat qui sourit sous sa moustache, c’est assurément Ould Taya, qui vit, depuis son éviction, au Qatar. Ayant été obligé de faire le deuil du pouvoir d’Etat en 2005, par suite de ce qu’il a considéré comme une haute trahison de la part de son directeur de la Sûreté de l’époque, ne se dira-t-il pas que, par la faute de ceux qui lui ont succédé, le pays va à vau-l’eau ?

Issa K. Barry

L’Observateur

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