LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Coup d’Etat en Mauritanie : Les mêmes causes …

Publié le jeudi 7 août 2008 à 11h23min

PARTAGER :                          

Elu démocratiquement il y a un peu plus d’un an (mars 2007), le président mauritanien, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, a été "emporté" par un coup d’Etat orchestré par le chef de sa garde rapprochée, le général Mohamed Ould Abdel Aliz hier dans la matinée. Un coup de force qui intervient sur fond de dissensions politiques avec une fracture sociale toujours prégnante et des querelles autour de la manne pétrolière.

A bien y regarder, le coup d’Etat qui vient d’avoir lieu en Mauritanie pour condamnable qu’il soit, n’a pas de quoi surprendre. Indépendamment du fait qu’il intervient à un moment où la classe politique est divisée (lundi, 25 députés et 23 sénateurs du Pacte national pour la démocratie et le développement (PNDD), la formation présidentielle, ont démissionné), ce coup d’Etat a des origines historiques remontant à l’époque de Maouiya Sid Ahmed Ould Taya.

Le contentieux politique dont il s’agit, trouve sa source dans ce refus non avoué de donner toute leur place aux négro-mauritaniens, (haratines, hal-pulaar et autres) sur l’échiquier politique national, ce qui a le don de pourrir l’atmosphère et de provoquer des éruptions "cutanées" par moment. Il vous souviendra que Ould Taya avait eu affaire à la fronde des "Cavaliers du désert", qui étaient mus par le désir de rétablir l’équilibre racial dans le pays. Si Ould Taya a résisté à ces chevaliers de l’ordre et de l’équité, il n’a fait que retarder l’échéance, avant que son régime ne tombe comme un fruit mûr en 2005 sous l’assaut du patron de sa sécurité, le colonel Ely Ould Vall.

Lequel a conduit une transition de deux ans, le temps d’organiser des élections démocratiques en 2007 et de prendre une retraite méritée. C’est dire qu’Ould Vall n’avait guère eu le temps de se pencher sur le contentieux électoral, le laissant en son entier état à son successeur issu des urnes. Sidi Ould Cheikh Abdallahi dont il s’agit, n’est parvenu à décrocher le Graal que par le biais d’une union large et hétéroclite, comprenant des "repentis", du camp Ould Taya, des démocrates "sincères", des militaires "patriotes" et last but not the least, ces negro-mauritaniens qui constituent une frange importante de la population s’ils ne sont pas majoritaires dans le pays.

A ces derniers, Ould Cheikh Abdallahi avait promis une véritable ouverture démocratique, entendez une gestion partagée du pouvoir d’Etat. Las ! le veil establishment "aristocratique" a eu raison de ses velléités d’ouverture, le contraignant à une ouverture calculée pour ne pas dire factice.

Le pétrole et Israël, pomme de discorde

Quelques negro-mauritaniens disséminés çà et là, des promesses de lutter contre la pauvreté et l’esclavage qui persistait malgré son interdiction formelle, n’ont pas suffi pour atténuer les rancœurs. La couche subalterne de l’armée étant pour l’essentiel constituée de negro-mauritaniens, un coup d’Etat ne pouvait qu’être "facile" dans cette occurrence. D’autant que l’atmosphère était polluée par un autre problème culturel remettant en cause selon certains "l’arabité" même du pays et sa place parmi ses frères. Il s’agit de la reconnaissance par le régime d’Ould Taya de l’Etat d’Israël, au grand dam de ses frères arabes dont certains n’ont pas digéré cette "trahison".

Il faut dire qu’au moment où Taya posait cet acte, il avait reçu la garantie de l’Oncle Sam de l’aider à endiguer le flot terroriste que la croisade américaine en Irak allait déclencher en direction de la Mauritanie. Nouakchott, qui est en quelque sorte la "grande banlieue" de Bagdad, aurait été une base de repli idéale pour Ben Laden et ses ouailles.
Dans le vaste désert mauritanien qu’ils connaissent bien, ceux-ci auraient toute la latitude d’organiser la "Djihad" en Afrique.

Des calculs politico-stratégiques que le "petit peuple" ne comprend pas et que Cheikh Abdallahi n’a pas su gérer avec toute la justesse qui sied. Autre contentieux économique celui-là, la gestion de la manne pétrolière qui divisait, Cheikh Abdallahi et une partie de la haute hiérarchie militaire.

Alors que certains voulaient une gestion rentière et oligarchique de cette manne, le président entendait, parait-il, s’en servir pour résorber la fracture sociale due à la pauvreté. Une odeur de soufre planait donc au sommet de l’Etat, et l’on comprend que le président ait limogé tôt dans la matinée d’hier le chef de sa garde. Dans la foulée, il officialisait "quatre nominations à la tête de l’état-major de l’armée, de la gendarmerie, de la garde nationale et de l’état-major particulier de la présidence".

Des changements qui ont précipité sa chute, Mohamed Ould Abdel Aziz ayant orchestré immédiatement ce putsh. Coutumier du fait pour avoir déjà été derrière le putsch du 3 août 2005 qui avait renversé Maouiya Ould Taya et porté Ely Ould Vall au pouvoir, Abdel Aliz est depuis hier, l’homme fort de Nouakchott. Les condamnations de principe n’ont pas manqué, venant d’Occident et d’ailleurs, mais, il y a fort à craindre que ce pouvoir de "facto" ne devienne "de jure" dans un proche avenir. Le plus important serait alors de savoir ce que Abdel Aliz et son groupe de généraux organisés en "Conseil d’Etat" vont faire de leur nouveau pouvoir. Comme indiqué, le contentieux sociopolitique reste en l’état et, il faut crever l’abcès une fois pour toutes.

Dans cette optique, il n’y a que des élections véritablement démocratiques pour sortir la Mauritanie de l’ornière.
Moctar Ould Dada, Khouna Ould Haïdara, Maouiya Ould Taya, Sidi Ould Cheikh Abdallahi... la liste des présidents qui ont payé un lourd tribut aux systèmes démocratiques de façade est longue. Il importerait d’en tirer toutes les leçons en comprenant qu’au XXIe siècle, un système de gestion politique basé sur la "race" ne peut-être qu’anachronique.
Surtout quand nous sommes en Afrique avec des Noirs dans le rôle de souffre-douleur.

Boubakar SY (magnansy@yahoo.fr)

Sidwaya

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique