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France/Rwanda : Je te tiens, tu me tiens par la barbichette judiciaire

Publié le jeudi 7 août 2008 à 11h20min

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Kagamé et de Villepin

Décidément, le génocide rwandais de 94 est un poison dans les relations entre Paris et Kigali. Un véritable abcès, qu’il convient de crever définitivement pour dissiper les gros nuages qui se sont amoncelés depuis entre les deux pays, lesquels, par institutions judiciaires interposées, se mènent une guerre psychologique et stratégique.

Le dernier acte en date en la matière est la publication du rapport de la Commission d’enquête rwandaise sur le rôle supposé de la France dans le génocide de 94. C’est le ministre de la Justice, Tharcisse Karugarama lui-même, qui a présenté le document à la presse. Selon le rapport, « la France était au courant des préparatifs du génocide, a participé aux principales initiatives de sa mise en place et de son exécution »

Au passage, le Rwanda demande à l’Hexagone d’ouvrir des poursuites judiciaires contre les Français incriminés dans ce rapport, dont des personnalités comme François Mitterrand, Edouard Balladur, Alain Juppé, Dominique de Villepin, etc. Evidemment, Paris a vite fait de balayer d’un revers de la main les conclusions de cette commission d’enquête, à laquelle elle dénie « toute légitimité et toute impartialité ».

Voilà en tout cas qui ne va pas arranger les choses entre les deux capitales. Pourtant, tout laissait présager une reprise de leurs relations diplomatiques, rompues par Kigali en novembre 2006 suite aux poursuites judiciaires que le juge français Jean-Louis Bruguière a souhaité entamer contre le président Paul Kagame pour sa participation présumée à l’attentat contre l’avion de Juvénal Habyarimana le 6 avril 94.

Avec l’arrivée de Sarkozy à l’Elysée, on avait pourtant perçu des signes d’un possible réchauffement des relations sur l’axe Paris-Kigali, au point que Bernard Kouchner avait même effectué un voyage dans la capitale rwandaise.

Mais, on le voit bien, ces deux pays sont en train de jouer au « je te tiens, tu me tiens ». Ce qui enlève toute crédibilité à leurs institutions judiciaires, lesquelles se laissent voir sous une couture de marionnettes et dont les ficelles sont tirées à souhait par les politiques.

Déjà en juin 2008, Paul Kagame menaçait de faire inculper des ressortissants français pour génocide si les tribunaux européens n’annulaient pas les mandats d’arrêt émis contre des responsables de son pays.

Il est vrai qu’on ne peut pas absoudre, en une seule confession, la douce France, elle qui a soutenu à bout de bras le régime Habyarimana, mais de là à faire de Mitterrand un génocidaire, il y a franchement un pas que le régime de Kigali a vite franchi. De plus, c’est un secret de polichinelle, la responsabilité de Kagame semble établie dans l’attentat ayant tué les présidents rwandais et burundais, un des éléments déclencheurs du génocide.

L’épée de Damoclès, qui plane sur des têtes à Paris tout comme à Kigali, n’est, en fait, qu’une menace davantage d’essence politique que judiciaire. C’est aussi la preuve que dans cette guerre de chiffonniers, en réalité, personne ne se bat pour les victimes du génocide. On inculpe à tour de bras pour des raisons non pas de justice mais pour assouvir des intérêts politiques.

Paris et Kigali ont tous des choses à se reprocher dans ce drame et savent tous qu’aucun d’eux n’est blanc comme neige dans cette effroyable tragédie. C’est pour cela que ces pays gagneraient à régler leur différend avec beaucoup de diplomatie pour qu’aucun d’eux ne perde la face dans cet indécent bras de fer, où on bande les muscles en reléguant au second plan la cause des victimes du génocide.

San Evariste Barro

L’Observateur

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