LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Reconduction de la Minuad : Oui, mais...

Publié le lundi 4 août 2008 à 09h50min

PARTAGER :                          

Ainsi, le Conseil de sécurité de l’ONU a voté, le jeudi 31 juillet 2008, à travers la résolution 1828, adopté à l’unanimité sauf un, membres permanents et non permanents confondus, les USA ayant préféré jouer la carte de l’abstention, la prolongation, d’un an, du mandat de la force de paix ONU-UA au Darfour (Minuad), qui expirait ce jour.

Au-delà du renouvellement de la mission de la Minuad, cette résolution demande aux Etats membres de l’ONU de "s’engager" à fournir des hélicoptères et d’autres moyens matériels, indispensables à l’accomplissement de la mission de la force de paix. Car, jugez-en vous-mêmes, chers lecteurs : cette mission mixte, qui a remplacé le 31 décembre la force uniquement assurée, jusque-là, par l’UA, ne compte que 9500 hommes sur le terrain, contre les 26 000 de prévus ; et, comme si le sous-effectif de la Minuad n’était pas un handicap suffisant pour hypothéquer sa mission de sécurisation des civils dans l’ouest du Soudan, et, peut-être pire encore, exposer les vies de ses éléments aux foudres meurtrières des cavaliers arabes enturbannés, savez-vous que les prévaricateurs du Conseil de sécurité de l’ONU l’ont condamnée, jusque-là en tout cas, au sous-équipement ?

Conséquence de cette inconséquence : ainsi infortunée, la Minuad aurait été, dans les six derniers mois, la cible d’attaques, meurtrières, dont la dernière, le 8 juillet, a coûté la vie à sept casques bleus ; des casques parfois repeints en bleu par les porteurs eux-mêmes pour faire plus ONU, tant les irresponsables du Conseil de sécurité se moquent éperdumment de la sécurité, encore plus du succès de la Minuad. Heureusement que notamment pour les femmes, qu’ils arrivent à préserver, tant bien que mal, des viols et des meurtres par les Djandjawids lors du ramassage, nocturne, du bois, le meurtre de plus, mercredi dernier, d’un casque bleu de l’UA-ONU n’empêchera pas les soldats de la paix de poursuivre leur mission, périlleuse il faut le dire, a déclaré jeudi le commandant de l’opération, le général Agwai. Comme quoi un militaire, ça obéit vraiment aux ordres, littéralement, sans hésitation ni murmure, fût-ce au péril de sa propre vie !

Pour tout résumer, pénurie d’hélicoptères et de soldats sont donc le talon d’Achille de la Minuad. Dans ces conditions, pas étonnant que "La trahison de la Minuad par la communauté internationale" soit le titre d’un rapport, rédigé par l’humanitaire Thomas Withington, spécialiste de l’aviation militaire et de la défense, soutenu en cela, par rien moins que 36 organisations humanitaires et des droits de l’homme, pour tirer la sonnette d’alarme sur l’insuffisance des moyens mis à la disposition de la mission hybride ONU-UA. Et pourtant, selon Thomas Withington, près de 70 hélicoptères sont inutilisés et "prennent la poussière dans des hangars", par exemple en Ukraine, en Espagne, en République Tchèque, en Inde, en Roumanie ou en Italie, alors que seulement 18 suffiraient à la Minuad pour accomplir sa mission.

Mais l’ONU, plutôt que de prendre des mesures vigoureuses pour sauver le soldat Minuad pour qu’il puisse sauver à son tour la population civile du Darfour, s’est contentée d’espérer que la mission sera déployée à hauteur de 80% d’ici la fin de l’année ; un vœu pieux mis en doute par certains de ses responsables, sceptiques quant à l’atteinte d’un tel objectif. C’est dire que les pays contributeurs en hommes pourraient n’avoir que leurs larmes pour pleurer leurs morts, cependant évitables, au moins en partie. Faut-il, dans cette croisée des chemins, à laquelle se trouve la Minuad, accepter l’échec ou prolonger l’action ? That is the question.

Pour certains observateurs, les perspectives de paix au Darfour s’éloignent de plus en plus, le manque de moyens de la Minuad n’étant qu’un problème parmi d’autres, plus handicapants, à savoir "la mosaïque de factions et de groupes rebelles qui s’affrontent et sont prêts à se retourner les uns contre les autres, ou encore la politique du Soudan, hostile à une présence étrangère sur son sol". D’autant plus que, constatant qu’"aucune position n’a été prise par le Conseil de sécurité sur la question de l’opportunité d’agir, à la lumière de la proposition [de la CPI] pour faire inculper le président Al-Bachir", l’ambassadeur britannique, John Sawers, qui a dirigé les négociations, a indiqué : "Cette question sera abordée un autre jour".

L’Afrique du Sud et la Libye ont proposé, au nom de l’Union africaine, un amendement de la résolution, finalement rejeté, à savoir le gel, durant un an, des poursuites de la CPI contre le président soudanais ; puis sept membres du Conseil de sécurité - Afrique du Sud, Burkina Faso, Chine, Indonésie, Libye, Russie, Vietnam - ont insisté pour que le texte à voter évoque des "inquiétudes", liées à la perspective d’inculpation de notre homonyme Omar Hassan Al-Bachir, ce qui fut fait et poussa John Sawers à regretter que le texte voté ait mêlé mandat de la force de paix et demande d’arrestation éventuelle du général-président soudanais. Estimant que "les ajouts faits à la résolution [concernant la CPI] envoient un mauvais signal au président soudanais et sapent les efforts pour l’amener, lui et d’autres, devant un tribunal", Alejandro Wolff, ambassadeur américain adjoint à l’ONU, a expliqué ainsi le vote des USA à l’ONU.

Ce que l’Amérique du Nord ne dit pas, elle qui augmente, autant que nécessaire les troupes et les milliards de dollars pour soutenir son effort de guerre en Irak sans l’onction préalable de l’ONU, c’est que, inculpation de Bachir ou pas, ce n’est pas la très squelettique Minuad qui pourra convaincre les Djandjawids que, face à elle, ils risquent gros. En revanche, d’autres observateurs pensent que l’échec, momentané, de la Minuad n’est pas une fatalité, car, à les entendre, celle-ci est indispensable "pour aider à stabiliser la situation et à passer à un contexte où un véritable processus de paix est viable". Et des partisans de la force hybride de souligner que la Mission est tout de même parvenue, avec ses faibles moyens, à maintenir une certaine sécurité pour les civils en attendant que, si la communauté internationale le veut vraiment, cet essai de la Minuad soit transformé comme au rugby.

Ahl-Assane Rouamba

L’Observateur

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique