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“Ayoka* !” Monsieur le Président Koudou Laurent Gbagbo

Publié le mardi 29 juillet 2008 à 10h05min

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Comme un seul fromager, debout et fort, le peuple burkinabè accueille, les 27, 28 et 29 juillet 2008, le président Koudou Laurent Gbagbo de la République de Côte d’Ivoire, pour le féliciter, l’écouter et lui demander, en retour, de transmettre l’expression de sa fraternité indéfectible au peuple ivoirien.

Le féliciter. Il y a bien longtemps que nous attendions cette visite d’Etat, nous, populations de la base, “ignorantes” de ce qui s’entasse sur les bureaux présidentiels ou s’empile dans les tiroirs ministériels. En lieu et place d’une telle visite, nous avons eu droit à des visites “accidentelles” liées, les unes et les autres, à l’urgence, mais aussi à la détresse d’un conflit qui n’a que trop duré. De cette conjoncture historique, nous ne parlerons pas ici, car ce qui nous intéresse, au plus haut point, c’est de redonner à la fraternité ivoiro-burkinabè tout son sens et toute son importance. La visite d’Etat de Gbagbo va certainement dans ce sens, c’est pourquoi nous le félicitons : puisqu’il sait, à ce point, donner de l’importance à ce qui est important, que l’histoire lui réserve un destin important à la mesure de sa force d’âme (…).

Il y a longtemps que les populations burkinabè, parmi lesquelles des Ivoiriens et Ivoiriennes de cœur et de naissance, attendent de féliciter le président Gbagbo pour son élection à la tête de l’Etat ivoirien, pour ses options politiques courageuses en faveur de son peuple, pour sa diplomatie faite d’audace, de lucidité et de pragmatisme, pour son sens aigu de la souveraineté ivoirienne et africaine, pour les victoires économiques qu’il a remportées, malgré les réalités d’un conflit sociopolitique douloureux… Que de succès ! Que de rêves saint-exupériens !

Faut-il s’en étonner ? Il n’est pas donné à tout le monde de s’opposer à celui qui fut le “Cibouë” national. Pour comprendre la trempe de l’opposant, il faut se remémorer l’emblématique figure de l’opposé ! En tous les cas, nul n’écrit l’histoire s’il n’est vainqueur de rien ou de personne. Monsieur le Président, Ayoka-ka-ka … !

L’écouter. A cause de leur caractère protocolaire, les visites officielles, celles présidentielles notamment, peuvent paraître, parfois somptueusement ennuyeuses. Nous aurons, nous, la chance d’écouter un homme qui dit ce qu’il pense, avec ou sans protocole. Et sans doute, des mots forts seront dits, des gestes forts seront faits, des actes forts seront posés, dans le sens du renforcement des relations bilatérales entre la république de Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. Des relations qui ne datent pas d’aujourd’hui. Avant la colonisation, nos grands-pères, à pied et à dos d’âne, se rencontraient dans de grands marchés sous-régionaux pour le commerce. Entre la forêt, la savane et le Sahel, entre les actuels Côte d’Ivoire, Mali et Burkina d’une part et, d’autre part, entre le Ghana, la Côte d’Ivoire et le Burkina, il y avait de grandes aires de rencontres et d’échanges commerciaux et extra commerciaux. Et que dire de nos luttes et victoires communes contre la colonisation ! De nos fronts gémellaires, le colonisateur a chassé les mêmes mouches avec la même hache. C’est ainsi que notre passé immédiat a si bien scellé ce que la géographie a donné.

Et, paradoxalement, au fur et à mesure que l’histoire “progresse”, les mythologies et légendes se développent.
Parce qu’à partir du moment où nous avons des institutions modernes, une langue officielle commune (au moins en ce qui concerne la Côte d’Ivoire, le Mali et le Burkina), des ressources humaines hautement qualifiées, une vision commune africaniste qui coiffe et ouvre en même temps, les visions nationalistes vers l’unité, notre sous-région, si elle avait suivi l’exemple de nos pères, devait être aujourd’hui un modèle de fraternité pour le monde entier. Comment progresser ? Comment rendre effective cette fraternité aujourd’hui et demain ?

Le temps et l’histoire sont si précieux que nous aurions tort de les dépenser en querelles fraternelles. Monsieur le Président, parlez-nous, donnez-nous de l’espoir, beaucoup d’espoir. Comment unir nos deux jeunesses, ivoirienne et burkinabè pour qu’elles soient fortes comme vous ? Comment unir la matière grise de nos intellectuels et chercheurs en une seule bombe pour atomiser la pauvreté, l’ignorance et l’égoïsme ? Comment valoriser ensemble, nos talents artistiques si proches les uns des autres ? Et le sport : bien vrai, vous (Laurent) soutenez des Eléphants pendant que votre ami Blaise chevauche des Etalons. Mais n’est-ce-pas pour la même cause ? La victoire ! Monsieur le Président, parlez, vous êtes chez vous, nous vous écoutons.

Lui demander de transmettre l’expression de notre fraternité indéfectible au peuple ivoirien : nous savons que les Ivoiriens ne méritent pas le drame qui se joue dans leur pays, ces dernières années. Tout s’est passé comme si la Côte d’Ivoire était plutôt le décor d’un film d’horreurs. Dans la manière de gérer la crise, le peuple ivoirien a montré qu’il est un grand peuple, pétri de dignité, de maturité et de sagesse. Contrairement à ce qui s’est déjà passé chez des peuples donneurs de leçons universelles, la crise ivoirienne, vue depuis le Burkina d’en bas, a été gérée avec brio : sans débordements collectifs notoires, sans faiblesse, sans démobilisation immaîtrisable, sans perdre le “nord économique” qui eût été synonyme de désastre national. Par moments, on a eu l’impression que la longue et grande paix sous Houphouët avait masqué, aux yeux de certains, le prix réel de la paix, mais ce n’était qu’une impression.

Partout où nous irons, l’honnêteté nous commandera, nous Burkinabè comme Ivoiriens, de reconnaître qu’entre Abidjan et Ouagadougou, la tolérance, l’hospitalité, l’humour et la convivialité sont les vertus cardinales historiquement conjugués, pour notre propre fierté. Au-delà des douloureux soubresauts
conjoncturels.

Si l’histoire se retournait comme une veste, qui nous assurerait que des millions d’Ivoiriens viendraient travailler et vivre au Burkina, sans qu’il n’y ait “dra...” ?
Pour toutes ces raisons, exprimez à votre chaleureux peuple, Monsieur le Président, l’expression de notre reconnaissance. Comme un long fleuve tranquille, l’Histoire suit son cours. Mais, il nous appartient à nous, témoins et acteurs, de nous assumer, en intervenant d’une manière ou d’une autre, sur les évènements, afin de leur donner un contenu positif. Et cela, dans l’intérêt de tous.

(* Ayoka chez les Bété, Akwaba chez les Akans de Takikro, Fofo chez les petits cousins Peulhs, Ni waongo chez les Mossé et “Bienvenue” chez les Français …)

Par Ibrahiman SAKANDE (Email : ibra.sak@caramail.com)

Sidwaya

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