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Premier échangeur du Burkina : On passe par où même ?

Publié le vendredi 11 juillet 2008 à 11h57min

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Sans tambour ni trompette, le premier échangeur de Ouagadougou a été ouvert à la circulation le 29 juin 2008. Plus d’une semaine après sa mise en service, l’ouvrage continue de fasciner de par sa grandeur autant qu’il déroute nombre de ses usagers par l’entrelacement de ses voies. Et ceux qui s’y perdent ne sont pas toujours ceux que l’on croit. En attendant les 10 autres merveilles du genre, reportage sur le premier.

La fourgonnette de reportage avance difficilement. Comme à l’accoutumée, la circulation est infernale sur le tronçon de la circulaire qui va du rond-point de la Patte d’oie vers le SIAO. Les dépassements sont périlleux et les croisements, éprouvants.

Au niveau de Ouagarinter, un bouchon anarchique où chauffeurs, motocyclistes, piétons et charretiers rivalisent d’acrobaties. Malgré les feux tricolores, le désordre est permanent. Après moult coups de frein et de klaxon, nous voilà, nous voilà enfin sur une large chaussée à trois voies. La circulation est à sens unique.

Une semi-remorque lourdement chargée peine à entamer la côte. Son pot d’échappement crache nerveusement d’épais nuages noirs de dioxyde de carbone. L’horizon s’obscurcit. Le coefficient de visibilité avoisine zéro. Une légère pression sur le champignon, suivie d’un petit coup de volant à droite et notre chauffeur parvient à dépasser le mastodonte. Au sommet du pont en arc, il serre à sa droite puis immobilise le véhicule sur la bande d’arrêt d’urgence.

Bienvenus sur l’échangeur de Ouaga 2000, le premier de la ville. 10 h. Vendredi 4 juillet. Un policier municipal fend l’air de son bras droit. Le buste légèrement penché vers l’avant, les contorsions de son membre supérieur miment le tracé curviligne de la voie. A côté, un motocycliste suit, les yeux écarquillés, la gestuelle de l’agent, en mission de « sensibilisation ».

En provenance, ce jour, du quartier Samandin, Salif Nikièma veut rallier le quartier San yiri, au secteur 30, où habite un de ses frères. L’échangeur qui se trouve à mi-chemin des deux localités est désormais ouvert à la circulation et le jeune commerçant le sait. Une première fois il s’y était aventuré, mais comme beaucoup d’usagers qui empruntent pour la première fois l’ouvrage, il a complètement perdu son chemin. Ce jour-là donc, il s’était brusquement retrouvé, comme téléporté, sur la route qui mène à Pô, alors qu’il se rendait aux 1200 logements.

Alors qu’il croyait, cette fois-ci, pouvoir se passer de l’assistance des policiers, Salif Nikièma a encore perdu tout sens de l’orientation une fois sur le pont : « Vraiment je n’ai jamais rencontré des routes pareilles. Tantôt elles vous conduisent en haut, tantôt en bas », laisse échapper le bleu, qui n’en finit pas de s’étonner : « Des voies qui s’entremêlent comme des serpents, je n’en avais jamais vu si ce n’est dans les films ».

Une fois de plus, il dût son salut aux agents de la circulation. « Constamment, nous sommes sollicités pour orienter les gens qui empruntent l’échangeur. Malgré la présence des panneaux d’indication, l’ouvrage déroute nombre d’usagers », explique l’agent de la police municipale, Abdou Ouédraogo, portant un gilet fluorescent. Présent sur les lieux depuis 5 h du matin, et en attendant l’arrivée de l’équipe de relève à 14 h, le jeune policier s’entretient, par intermittence, avec l’équipe de reportage, tant il est constamment sollicité.

A peine a-t-il commencé à répondre à une de nos questions qu’un véhiculé articulé, transportant de la ferraille, s’immobilise de l’autre côté de la voie. Le camionneur veut se rendre à Abidjan, mais au beau milieu de l’échangeur, il est frappé d’une soudaine désorientation : « Je sais que je dois passer devant Ougarinter, dit-il en indexant le lieu à portée de voix, mais d’ici, par où passer pour rejoindre la route de Ouagarinter » ? « Suivez cette voie sans tourner à gauche, vous passerez ensuite sous le pont… », explique le policier, le bras droit toujours en mouvements circulaires.

Bernard Guirma est un homme instruit. Il dit connaître le code de la route. Il vient de la Patte d’oie, et veut se rendre à Kalgondin. Par mesure de prudence, il a opté de se fier aux indications de la police : « C’est la première fois que j’emprunte l’échangeur. Alors, je préfère me renseigner plutôt que de commettre des bêtises en cours de route ». Sur l’état du trafic, il affiche sa grande satisfaction : « La circulation est très fluide. Enormément ! Sur ce plan, il n’y a pas à redire. C’est le succès total ».

Sur un vélo sans porte-bagages, Alexis Nion, élève en classe de CE2, éprouve de la peine à faire avancer sa monture. Un gros sac en jute occupe tout le guidon, et un autre gosse est perché sur la selle. Les deux gamins avancent. L’agent de police ne les quitte pas des yeux.

Nous non plus. Vont-ils se retrouver là où bien d’adultes se sont égarés ? Ahanant à chaque coup de pédale, le jeune bicycliste parvient enfin à remonter la pente douce. Après un coup d’œil furtif sur la bretelle, à droite, le voilà dévalant, en toute confiance, la pente descendante en direction de son lieu de destination.

Interpellé, il ne parviendra à freiner sa monture, lancée à toute vitesse, qu’avec l’aide des pieds. « Plusieurs fois, j’ai emprunté les routes d’ici sans difficulté. Il suffit de garder à l’esprit qu’on ne doit pas tourner à gauche ni faire demi-tour sur la voie ». Sourire admiratif de l’agent.

En forme de trèfle, l’échangeur de Ouaga 2000 est un ouvrage à deux niveaux. Il est constitué de quatre bretelles ou tourne-à-droite, qui donnent tous accès aux deux voies express. Il comporte plusieurs bandes d’arrêt d’urgence. Cependant, tout arrêt de plus de 20 minutes sur l’échangeur sera considéré comme une infraction, passible d’une contravention dans un proche avenir.

Dans les mois à venir, un camion-grue sera chargé d’enlever tout véhicule immobilisé au-delà du temps imparti sur les lieux. Il est aussi prévu la construction d’une dizaine de postes de video-surveillance pour un meilleur contrôle de la circulation. Quatre gabarits, communément appelés portiques, seront placés chacun à chaque entrée de l’échangeur pour en empêcher l’accès aux véhicules lourds hors gabarit.

Déjà, trois jours après l’ouverture de l’ouvrage le 29 juin 2008 à la circulation, un camion transportant des marchandises est resté coincé sous le pont, dont la hauteur est pourtant conforme à la norme réglementaire de 4,5 m.

A l’exception de cet incident, mineur, aucun accroc n’a été enregistré, en tout cas jusqu’au moment de notre passage, sur le trèfle de béton, dont les travaux de finition sont toujours en cours : « Jusque-là, il n’y a pas eu d’accidents, et la circulation se déroule sans encombre. C’est vrai que les travaux de réalisation des caniveaux et de pavage se poursuivent, mais ils ont lieu dans des zones hors d’atteinte des voies », s’en félicite le DG des Etudes et du Contrôle des travaux d’infrastructures, Ibrahima Sangaré.

Toutefois, de nombreux usagers se plaignent de la petitesse des dimensions des panneaux d’indication. Si fait qu’il leur est impossible de reconnaître les signes au-delà d’une cinquantaine de mètres.

En attendant la réalisation des dix autres échangeurs dans la capitale, combien a bien pu coûter cette première merveille du Burkina Faso ? 12 milliards de FCFA, sur financement quasi national, contrairement à ce qui était prévu au départ. (Lire encadré)

Alain Saint Robespierre


La promesse non tenue de Kaddafi

Le directeur général des Etudes et du Contrôle des travaux d’infrastructures, Ibrahima Sangaré, apporte ici des précisions sur l’échangeur. Il évoque également le projet de construction d’une dizaine d’autres ouvrages de même nature dans la seule ville de Ouagadougou.

Est-ce qu’aujourd’hui (l’entretien a eu lieu le samedi 5 juillet 2008) on peut dire que l’échangeur de Ouaga 2000 est fin prêt ?

• On a ouvert l’échangeur le 29 juin 2008. A l’heure où je vous parle, la circulation s’y déroule normalement. Les gens en sont satisfaits. Mais si on l’a ouvert à cette date, c’est parce que les habitants des alentours de l’ouvrage ont pendant longtemps vécu des difficultés liées au chantier. Il est apparu impératif que nous posions des actes pour les soulager un tant soit peu avant la fin complète des travaux. Ce qu’il reste à faire, ce sont la réalisation des caniveaux, les pavages et la fixation d’autres panneaux.

Et ces travaux résiduels n’entravent en rien la circulation ?

• Il n’y a pas de problème à ce niveau. Jusqu’à présent, aucun usager de l’échangeur ne s’est plaint des travaux.

Il n’empêche, un camion a eu des difficultés à passer sous le pont. On a dû dégonfler ses roues afin qu’il puisse faire marche-arrière pour rebrousser chemin.

• Le conducteur a lui-même reconnu que son camion était hors gabarit. Il a malgré tout tenté de forcer le passage et il y a eu ce que vous savez. La hauteur du pont respecte la norme : au Burkina Faso, elle est de 4,5m. Mais il faut reconnaître qu’au moment de l’incident, il n’y avait pas de panneau indiquant la hauteur dudit pont.

On sait que le délai de réalisation n’a pu être respecté. Qu’est-ce qui a bien pu retarder l’avancée des travaux ?

• La construction a coïncidé avec la mauvaise conjoncture économique que tout le monde connaît. Le prix du pétrole n’a cessé d’augmenter. Or vous savez que le revêtement, c’est-à-dire le bitume, se fait à l’aide d’un produit dérivé du pétrole. Si fait que les prix que l’entreprise de construction avait arrêtés ont dus être revus à la hausse après des négociations. Et comme les financements ont été faits à partir du budget national, il y a eu des difficultés à juguler toutes ces variations.

Mais il avait été dit que c’était la Libye qui allait financer le projet.

• Effectivement, au départ, le projet devait être entièrement financé par la partie libyenne. Mais, dans les faits, la Libye n’a pris en charge que la réalisation du pont, qui a coûté à peu près un milliard de francs CFA. Pour le reste des travaux, c’est-à-dire le terrassement, l’assainissement, etc., ce pays n’a pas fait quelque chose. Alors, l’Etat burkinabé a dû financer tout le reste de l’échangeur, dont le coût total est de 12 milliards de francs CFA.

Ce faux bond de Kaddafi serait-il lié au froid qui existerait aujourd’hui entre Ouagadougou et Tripoli ?

• Moi, je me contente de vous parler des aspects techniques. Pour ce qui est de votre question, des voix plus autorisées que la mienne pourraient vous répondre.

D’autres projets de construction d’échangeurs ?

• Il est prévu une dizaine d’autres. En plus de ceux qui sont déjà en chantiers à l’ouest et à l’est de Ouagadougou, il y aura des échangeurs au niveau du rond-point de la Patte d’oie, du château d’eau situé sur Bassawarga, vers la Radio nationale, au rond-point des Nations unies, sur l’avenue Pascal-Zagré et au niveau de l’intersection entre Kwamé-N’Krumah et la voie qui passe devant l’aéroport.

Sidwaya

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