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Transparence dans les industries extractives : Faut pas trop rêver

Publié le mercredi 25 juin 2008 à 10h59min

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Le 20 juin dernier, le Burkina a officiellement lancé les activités de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives. C’est une étape importante dans l’engagement du pays, dans la mise en œuvre de cette initiative. Cela fait moins d’un an que le Burkina a adhéré à l’ITIE. (...) Et déjà, il en entame la mise en œuvre. Une diligence qui est à saluer dans la mesure où elle peut traduire le souci de transparence du gouvernement et sa volonté de gérer au mieux les revenus du secteur minier en plein boom.

Petit à petit, les Etats africains se soumettent à cette initiative internationale qui s’inscrit dans le cadre de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption qui est devenu le cheval de bataille des institutions financières telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, et d’une Ong comme Transparancy International. Certains y vont de façon volontaire, mais ils sont nombreux à y adhérer sous la contrainte et sous la pression des bailleurs de fonds dont certains désespèrent de la gestion de la chose publique sur le continent. Car les gouvernants n’ont pas toujours été à la hauteur des rêves de leurs populations. Les revenus de l’or, de l’uranium et du pétrole n’ont pas toujours pris la direction des caisses de l’Etat mais de certains bonzes des régimes qui en ont fait leur affaire personnelle.

C’est un phénomène connu de tous. Il a pris racine dès la signature des contrats, léonins pour la plupart. Des contrats opaques, dont les termes réels ne sont connus que par les initiés, ont fini de convaincre l’opinion publique du Nord de la duplicité des multinationales et des institutions de la finance mondiale dans leur rapport avec le continent. Une sorte d’alliance entre elles et les gouvernants africains contre les intérêts des populations. C’est dans ce contexte que de nouveaux vocables sont apparus : lutte contre la pauvreté, bonne gouvernance, développement durable, etc. Comme pour se donner bonne conscience, cette initiative vise à créer la transparence des paiements et des revenus générés par les industries extractives, à rendre l’information sur ces paiements et la gestion de ses revenus accessibles au grand public et surtout à favoriser le bon usage de ces richesses comme moteur de la croissance et de la réduction de la pauvreté. Les Etats qui ont adhéré à l’ITIE devront désormais publier les paiements qu’ils reçoivent des compagnies et en expliquer la destination. Une très belle intention que les organisations de la société civile africaine ont vite fait d’appuyer et de s’en faire les promotrices. Reste à savoir quelle est leur véritable marge de manœuvre dans ce dispositif de contrôle de la puissance publique africaine qui la considère pour quantité négligeable.

Pourtant, cette transparence est nécessaire pour construire la confiance entre gouvernants et gouvernés, mesurer les capacités du pays et programmer les actions de développement. Les populations en attendent beaucoup. C’est pour cette raison que la société civile ne doit pas faire de la figuration dans les instances de pilotage de l’ITIE au plan national. Elle doit se doter de l’expertise nécessaire pour réussir sa mission de contrôle, de façon indépendante et efficace. On le sait, les hommes politiques africains, qui se confondent d’ailleurs aux hommes d’affaires, ont une sainte horreur de la transparence. Faut-il s’attendre à ce que cette race de dirigeants réussissent la transparence dans des secteurs économiques où l’on brasse des milliards alors qu’ils ont été incapables d’asseoir une démocratie digne de ce nom ? Des gens qui ont trafiqué le suffrage universel, pris en otage la volonté du peuple et qui ferment toute voie à l’alternance démocratique sont–ils capables de transparence dans les affaires ?

On peut raisonnablement en douter. Car comment croire au succès de cette initiative quand, dans les pays africains, rares sont les dirigeants qui ont pu instaurer une démocratie digne de ce nom ? Alors que c’est elle, la base de toute action publique légitime. C’est pour cela qu’il faut s’attendre à ce que tout soit mis en œuvre pour acheter ces empêcheurs "de bouffer en rond".

De l’autre côté, cette transparence annoncée à cor et à cri ne fait pas forcément l’affaire des multinationales, qui, face aux enjeux géostratégiques et économiques, foulent parfois aux pieds le droit des peuples africains au développement malgré de vastes campagnes de communication sur le caractère citoyen de leur société. A leur décharge, leurs complices sont des Africains, au nom d’intérêts personnels.

C’est dire que la société civile joue gros en s’impliquant dans cette initiative. Elle joue sa crédibilité et c’est à elle de prendre conscience de son rôle dans l’instauration d’une certaine vertu en politique comme en affaires quand il s’agit de la gestion des deniers publics. Seule, la société civile ne pourra pas grand-chose non plus si de leur côté, les partenaires financiers n’exercent pas une sorte de pression sur les gouvernements. Certes, ils adhèrent à l’Initiative, mais ce que l’on attend d’eux, c’est une bonne gestion des revenus des richesses minières et pétrolières au service du développement.

Des pays comme la Guinée, scandale géologique s’il en est et le Congo Brazzaville sont engagés dans ce processus depuis quelques années, mais les résultats se font véritablement attendre. La Banque mondiale, une des alliées de cette Initiative, n’a-t-elle pas échoué lamentablement au Tchad lorsqu’elle a tenté de créer avec le gouvernement de ce pays un fonds alimenté par les revenus du pétrole au profit des générations futures ?

L’ITIE se présente comme un espoir pour redresser la gestion des Etats qui s’y sont engagés. Mais à la lumière des échecs subis par toutes les autres initiatives en matière de lutte contre la corruption et de promotion de la bonne gouvernance, la prudence conseille d’attendre l’épreuve du terrain où s’affronteront inéluctablement ambition personnelle et intérêt général. Le rêve ne sera permis que lorsque l’on commencera à mesurer l’impact de cette initiative dans le quotidien des populations.

"Le Pays"

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