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Banques : UBA lance une « OPA amicale » sur la BIB

Publié le mardi 24 juin 2008 à 12h28min

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Gaspard Ouédraogo, PDG de la BIB

L’affaire est pratiquement bouclée et il ne reste que la signature du ministre de l’Economie et des finances, Jean-Baptiste Compaoré pour que la Banque internationale du Burkina (BIB) tombe dans l’escarcelle de la plus grande banque du Nigeria, la United Bank of Africa (UBA). Ce qui ne devrait plus tarder. « Ca se fera sous peu, au plus tard à la rentrée », confie un cadre du ministère sous couvert d’anonymat.

Ayant opté depuis 1991 pour le libéralisme économique comme voie de développement du Burkina, le gouvernement s’est engagé auprès du Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM), soit à se retirer totalement des entreprises publiques, soit à ne pas détenir plus de 35% d’actions dans les sociétés industrielles et 25% dans les sociétés financières. Or, la puissance publique détient actuellement 47,84% du capital de la BIB dont 25% en portage par le Fonds burkinabè de développement économique et social et 23,84% des actions qui appartiennent proprement à l’Etat. Le gouvernement ne pouvait donc ignorer ses engagements sans être rappelé à l’ordre par les institutions de Bretton Woods.

Fin 2007, la Commission bancaire a ainsi reçu Price Waterhouse au compte de la United Bank of Afrika (UBA), Atisari Bank du groupe Bona et Ecobank Transnational, toutes candidates à l’acquisition des parts de l’Etat. C’est finalement l’offre de la banque nigériane qui a été retenue et sauf modification de dernière minute, le tour de table accorde 37,84% du capital à UBA qui devient le partenaire de référence, 28% pour le privé national, 24% pour la COFIBA, une entité regroupant des investisseurs africains, et 10% pour l’Etat burkinabè. Mais il est fort possible que les dirigeants d’UBA, qui ne cachent pas leur souhait de détenir la majorité du capital, tentent de convaincre les actionnaires de COFIBA de vendre leurs parts, ce qui leur donnerait une plus grande marge de manœuvre dans leur plan de conquête du marché ouest-africain. « Cette opération est une bonne chose pour nous », se réjouit Gaspard Ouédraogo, PDG de la BIB car « UBA a un total bilan autour de 4000 milliards de F CFA contre 200 milliards pour la BIB et c’est une banque qui a des partenariats très solides avec des institutions internationales dont la Société financière internationale (SFI) et la Banque africaine de développement (BAD). Et puis, il est toujours préférable de gérer une OPA amicale que de faire face à des OPA hostiles », plaide t-il.

L’avenir dira si cet énième « mariage » avec une banque étrangère sera le bon car dans le passé, l’expérience n’a pas été concluante et on ne comprend pas l’obsession du gouvernement à trouver à tout prix un partenaire à cette banque qui, après tout ne se porte pas si mal.

Issue de l’ex Banque internationale pour l’Afrique de l’Ouest (BIAO) qui disposait d’un réseau de banques dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, la BIB qui s’appelait la Banque internationale des Volta à sa création en 1974, s’est retrouvée sans partenaire suite à la faillite de la BIAO en 1990. Sollicité par Alassane Dramane Ouattara alors gouverneur de la Banque centrale des états d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) pour remplacer la BIAO, le groupe Méridien BIAO devait également tomber en faillite fin 1994, mettant plusieurs banques dans des difficultés financières selon le degré d’implication de la maison mère dans leur fonctionnement.

Après cet épisode douloureux, et comme si elle doutait de ses capacités à exister par elle même, la BIB s’est à nouveau mise en couple avec la Belgolaise en 1995. Mais très vite, les relations entre les deux structures sont exécrables, les divergences de stratégie entre les dirigeants étant insurmontables. Le divorce devenu inévitable, est finalement prononcé en 2000, juste avant que la Belgolaise ne tombe elle aussi en faillite. Libre de tout engagement depuis lors, la BIB qui était, selon le PDG, la troisième banque du Burkina est aujourd’hui la première en total finances (309 millions de dollars en 2006) en taille (21 agences ouvertes sur l’ensemble du territoire) et en terme d’innovations parmi les grandes banques de notre pays.

Si le PDG de la BIB se réjouit des noces annoncées entre sa banque et United Bank of Afrika (UBA), elles suscitent cependant des inquiétudes et des questions chez les clients et les petits porteurs de la banque. Sans doute, ce mariage permettra de canaliser une parie des énormes transactions financières entre les deux pays qui s’effectuent pour l’instant en dehors des circuits bancaires. Le marché burkinabè est inondé de produits venant du Nigeria (équipements de cuisine, pièces détachées, outils de travail…) et depuis l’éclatement de la crise ivoirienne, de nombreux commerçants, notamment de bétail se sont orientés vers Lagos.
Toutes ces activités, qui mobilisent des sommes considérables se font malheureusement en monnaie fiduciaire échappant ainsi au contrôle de la puissance publique.

Mais il faut bien l’avouer, les inquiétudes que le prochain mariage entre la BIB et UBA suscite ne sont pas infondées. Le Nigeria a mauvaise presse. Depuis une dizaine d’années, le pays figure dans le peloton de tête des pays les plus corrompus au monde quand il n’occupe pas la première place. Certes, depuis 2004, le secteur bancaire nigérian qui était une véritable jungle, a été assaini grâce à une loi fixant la capitalisation minimale des banques à 25 milliards de nairas contre 200 millions auparavant. Résultat : des 90 banques que comptait le pays, il n’en reste plus que 25.

Une opération de salubrité qui ne suffit toutefois pas à rassurer les actionnaires, les clients burkinabè de l’intérieur et surtout ceux de la diaspora, particulièrement de France et il faudra plus qu’une simple profession de foi pour établir une relation de confiance durable avec eux.

L’autre sujet d’inquiétude porte sur l’implication d’UBA dans le développement économique du pays, le financement et l’accompagnement des entreprises. Bien entendu, la vocation d’une banque privée n’est pas la lutte contre la pauvreté, mais le futur partenaire de la BIB consentira t-il à financer les projets à long terme que le gouvernement viendrait à lancer ? UBA a t-elle d’autres visées que la rentabilité financière ? Si le projet Ouaga 2000 a vu le jour, on le doit largement en partie à la BIB. En 1996, contre des adossements sur des dépôts à terme de certaines sociétés d’Etat, elle a financé les travaux de viabilisation des terrains (eau, électricité, téléphone, bitumage des routes etc.) De même, la BIB est depuis des années le chef de file du pool bancaire national qui finance la production et la commercialisation du coton, la principale source de devises du Burkina. UBA s’est-elle engagée à perpétuer cette « tradition ? ».

Au delà des inquiétudes que suscite toute nouveauté, le prochain mariage entre la BIB et UBA constitue un défi pour les deux parties, celui de réussir la fusion de deux cultures d’entreprises et de deux traditions de management. Avant de la choisir, le gouvernement burkinabè a t-il obtenu toutes les informations sur les « qualités essentielles » de son futur gendre ?

Joachim Vokouma
Lefaso.net

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