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Nomadisme politique au Burkina : On a peur de la démocratie !

Publié le vendredi 20 juin 2008 à 13h43min

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Le nomadisme politique, c’est le fait pour un élu municipal ou un député, de quitter le parti sous la bannière duquel il a été élu, pour un autre parti. Les prétextes les plus fallacieux sont avancés pour justifier cette transhumance d’un autre genre. Les questions d’idéologie ou d’idéal comptent peu dans ce mouvement de reniement de soi et de ses convictions. Ce sont des considérations oesophagiques qui soutiennent toutes les migrations politiques.

Mais que gagne le jeu politique sain ? Que gagne la démocratie dans ce jeu de balancier au cours duquel des députés, des conseillers municipaux, parfois l’ensemble du conseil municipal, du jour au lendemain, renie son appartenance à un parti, à une formation politique pour s’allier, avec armes et bagages, à un autre parti, à une autre formation politique ? Que dit le Code électoral burkinabè sur le problème que constitue l’inconstance et l’inconséquence de certains acteurs politiques ? Quelle est la position de la Constitution du 2 juin sur la question ? Que disent le parti de départ et le parti d’arrivée des transhumants politiques ? Enfin, peut-on enrayer le phénomène du nomadisme politique au Burkina Faso ?

C’est une évidence de premier ordre que le nomadisme politique est acte de trahison des électeurs qui ont porté leurs voix sur une femme ou un homme dans l’espoir que cette personne va défendre leurs points de vue au sein du conseil municipal ou au sein de l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Le nomadisme politique est un délit. Des dispositions devraient exister dans le Code électoral punissant ces comportements antidémocratiques. Car il est incompréhensible qu’un militant convaincu quitte sans raison apparente son parti pour un autre. La transhumance politique s’explique avant tout par un manque de conviction politique. La manière dont les partis politiques burkinabè recrutent et font le plein de leurs militants justifie aussi le nomadisme politique. C’est une preuve éclatante qu’à de rares exceptions, les partis politiques burkinabè ont de vrais militants. Les foules accourent dans le parti par intérêt, pour se placer le plus près possible de la table où trône le plat de soupe. Et si d’aventure cet intérêt tarde à se concrétiser, la tentation d’aller voir ailleurs devient grande. C’est ainsi qu’on a d’éternels migrants en politique. Ils veulent brouter à tous les râteliers. Surtout si des promesses se multiplient de l’autre côté.

Les partis qui accueillent les migrants encouragent et entretiennent le nomadisme politique. Les transhumants politiques sont des fossoyeurs de l’éthique démocratique. Ils soutiennent l’immoralité qu’est le nomadisme politique qui se révèle comme une perversion en politique. Ce fait à lui seul est suffisant pour expliquer le dégoût de nombreuses personnes pour le combat politique. Des partis refusant l’affrontement sur le terrain et dans les urnes, s’emploient à ce jeu malsain. En conclusion, ils ont peur de la démocratie. En février de cette année, on a assisté à la dissolution de quatre conseils municipaux. Ces dissolutions sont intervenues à cause du jeu malsain de la chaise vide des conseillers du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), sans que celui-ci ait daigné un seul instant lever le doigt pour demander le respect des principes démocratiques. Les refondateurs du CDP qui ont été suspendus l’ont du reste relevé.

Au Burkina Faso, la plupart des transhumances politiques enregistrées au cours des quatre législatures ont été faites au profit du parti majoritaire, le CDP, si ce n’est pas sur son instigation. En admettant ceux qui ont renié leurs convictions politiques en trahissant leur parti, leurs électeurs, en un mot le peuple burkinabé, le CDP a refusé un jeu démocratique sain. Il aurait ainsi participé à tuer l’idéal démocratique chez nombre d’acteurs politiques. Nous reposons la question : que disent la Constitution d’abord, le Code électoral ensuite sur les migrations politiques ? L’une et l’autre sont muets sur la question. Dans ce cas, on applique le principe qui dit que tout ce qui n’est pas interdit est permis ; tout ce qui n’est pas défendu est autorisé. Alors, un parti et ses députés s’accordent l’autorisation de falsifier la volonté des populations en mettant en place une stratégie de débauchages d’élus en profitant des failles de la Constitution et du Code électoral.

Ces failles, l’ensemble des partis politiques, notamment le parti majoritaire s’en accommodent joyeusement. Il en est de même de la question des candidatures indépendantes dont aucun parti politique ne veut entendre parler, pour l’heure. Des hommes et des femmes considèrent leur position au sein des partis comme des rentes viagères. En vue de les faire fructifier davantage, ils n’ont pas hésité à verrouiller le processus démocratique burkinabè de l’intérieur.

Il y a lieu de s’attaquer à ces citadelles si le peuple burkinabè veut se hisser au diapason en matière de démocratie. Il ne sert à rien d’encenser chaque jour un processus démocratique verrouillé de l’intérieur. Sachons être courageux. C’est un lien commun que de dire que l’avènement de la démocratie souffre cruellement de l’absence de démocrates au Burkina Faso. Nous avons peur de la démocratie et nous préférons creuser la tombe de la démocratie plutôt que celle de nos intérêts égoïstes. Même pour adopter le bulletin unique il a fallu que nous attendions que nos voisins le fassent d’abord. La peur et le mimétisme voilà ce qui caractérise aussi nos hommes politiques. La démocratie c’est aussi savoir innover dans l’intérêt de nos populations analphabètes considérées comme du bétail électoral dont on use en permanence pour ses intérêts du moment.

Le Fou

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