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L’ASFA-Y ne doit rien à personne pour ce titre

Bamour FALL (l’entraineur de l’ASFA-Y champion du Burkina Faso)

Publié le lundi 21 juin 2004 à 06h45min

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Bamour Fall

La première division du championnat national de football a pris fin le samedi 29 mai 2004 avec un verdict favorable à l’ASFA-Y.
Et de trois donc pour les « jaune et or » de la capitale qui ont pourtant connu des difficultés en début de saison.
Avec l’arrivée de Bamour FALL à la tête de l’encadrement technique, le club s’est bien accroché et a réussi à se succéder à lui-même.

Nous avons rencontré le technicien sénégalais de l’ASFA-Y, qui rappelons-le, est maintenant à son 2e titre burkinabè après celui remporté avec l’EFO, l’autre équipe rivale.
Bamour FALL a bien voulu nous recevoir. Dans un langage mesuré, décontracté et humble, il nous a relaté sa vision de notre football.

Vous avez pris l’équipe de l’ASFA-Y en plein milieu de championnat à un moment où les résultats n’étaient pas fameux, mais finalement vous avez enlevé le titre quel est votre secret ?

Bamour FALL (B.F) : C’est le travail, rien que le travail. Il n’y a pas de secret, il n’y a que le travail seul qui paie. Nous avons travaillé avec le soutien des dirigeants. Sur le plan technique, je n’étais pas seul.
C’est un travail de groupe qui a été fait avec mes collaborateurs Da Costa, Taonsa… il y avait toute une mobilisation. Chacun dans son domaine précis a beaucoup apporté, moi je n’ai fait que donner des orientations, dégager des pistes que nous avons acceptées dans une dynamique unitaire d’emprunter.

Vous avez affirmé après le match de la 21e journée contre l’USFA que l’ASFA-Y ne devait à personne ce titre de champion. Pourtant certains pensent que c’est la fédération qui par ses pratiques vous a favorisés. Qu’en dites-vous ?

B.F : Cela n’est pas vérifiable du tout. L’ASFA-Y a souffert comme tout le monde parfois de l’arbitrage. Il faut accepter l’arbitrage car il fait partie du jeu même si parfois il y a du bruit autour. Cela est normal ; nous avons aussi eu des cartons rouges comme tout le monde, nous avons eu des suspensions de joueurs découlant de trois cartons jaunes de suite… etc. Nous sommes partis de la 4e ou 3e place pour revenir en force dans le haut du classement. Ce n’est pas sur une avancée ou un recul d’un seul match qu’on a pris le titre.
Si on analyse l’ensemble du parcours de l’ASFA-Y, depuis que nous sommes là, l’équipe n’a fait que progresser, monter de la 4e à la première place pour lâcher tous ses poursuivants. Je ne vois pas comment certains voudraient coûte que coûte ternir cette belle performance.
J’essaye toujours d’être positif en tant que sportif mais je répète une fois de plus que l’ASFA-Y ne doit rien à personne pour ce titre.
Après ce titre de champion du Burkina, on vous attend maintenant en compétition africaine.

Est-ce que vous pouvez rassurer les uns et les autres quant à une bonne participation de l’ASFA-Y ?

B.F : La compétition africaine surtout la ligue des champions est une autre paire de manches. C’est là une culture de la haute compétition qu’il faut maîtriser.
L’ASEC d’Abidjan avant de remporter la ligue des champions a gagné au moins pendant 7 ou 8 années successivement le championnat de Côte d’Ivoire et elle s’est toujours fait éliminer à un 2e ou 3e palier.

Il faut partir, revenir, monter un escalier ; partir, revenir monter deux escaliers… maîtriser, se structurer, se donner les infrastructures de cette haute compétition, se donner les joueurs qui maîtrisent les données de cette haute compétition et se donner les moyens progressivement de cette haute compétition.

C’est donc dans la durée qu’on pourra gagner un jour cette ligue des champions. C’est dans la durée qu’on doit espérer un jour pénétrer le cercle très restreint des 8 meilleurs clubs d’Afrique. Tout le monde est passé par-là. On n’est jamais venu une première fois pour aussitôt gagner la ligue des champions. Forcement donc l’ASFA-Y passera par là. Mais je vous dis aussi qu’on peut raccourcir cette évolution qui semble longue en se donnant les moyens de ses ambitions.

Par rapport au temps que vous avez passé avec l’ASFA-Y, quelle opinion faites-vous de cette équipe ? (Ses dirigeants, ses supporters, son environnement…)

B.F : L’ASFA-Y est un grand club par rapport au football du Burkina Faso. C’est un grand club qui cherche toujours le pouvoir comme j’ai l’habitude de le dire. C’est une équipe ambitieuse qui fait beaucoup d’efforts pour se donner les moyens de sa politique.
Que ce soit dans le domaine du recrutement, de l’organisation, de ses structures et de ses infrastructures, elle cherche régulièrement à s’améliorer. C’est une bonne chose pour l’équipe et nous sommes tous inscrits dans cette dynamique. Quand je suis venu avec Da Costa, nous avons proposé et initié beaucoup de choses que les gens sans trop chercher à comprendre, ont accepté et nous ont suivis.

Nous allons continuer de proposer encore pour aller plus vite.

En football rien ne peut se construire sans discipline. Or en la matière, il paraît que les joueurs et les supporters de l’ASFA-Y ne sont pas des exemples ?

B.F : Comme tout grand club, l’ASFA-Y a une grande surface humaine difficile à contrôler. Tous les grands clubs du monde sont comme ça.
Si l’ASFA-Y est indisciplinée, Marseille est indiscipliné, le Réal de Madrid est indiscipliné…
Il est extrêmement difficile de contrôler tous ceux qui tournent autour de l’ASFA-Y. Mais concernant ceux qui sont les facteurs de performances immédiats, c’est-à-dire les joueurs, je pense que sur le plan de la discipline, de l’organisation et de tenue de ces acteurs, des efforts ont été faits.

J’ai eu des difficultés dans ce sens au début mais je m’en suis tenu à une conduite et les joueurs ont fini par nous rejoindre. Ce ne sont pas nous qui les avons rejoints, ce sont eux qui nous ont rejoints en bloc pour que nous puissions aujourd’hui nous contenter de cette performance même si elle est minimale.

Que pensez-vous du championnat burkinabè ? Est-il compétitif à votre avis ?

B.F : Il est de plus en plus compétitif. Il est pénétré par des entraîneurs de haut niveau et des étrangers comme c’est le cas avec le RCK, l’EFO, l’USO et l’ASFA-Y. Mais la présence absolue de ces grands clubs est de plus en plus contestée par de très bons entraîneurs de ce pays tels qu’au SANTOS-FC, USFA et tant d’autres. C’est un championnat qui est également pénétré par des joueurs venant de l’étranger et qui sont très bons.
L’ensemble de ces facteurs conjugués font que le football du Burkina progresse.

Qu’est ce qu’il faut pour le rendre encore plus compétitif ?

B.F : Il faut insister toujours et en la matière, la fédération a fait des efforts, il faut l’avouer, sur une plus grande maîtrise de la programmation des matchs. Mais une meilleure tenue des facteurs atmosphériques serait souhaitable. Parfois on joue sous des chaleurs accablantes. Ce n’est pas pour défendre quoi que ce soit mais il est difficile de jouer au football parfois sous 38 voir 40 degrés même pour les matchs en nocturnes. On fera donc avec mais il faut reconnaître que c’est très difficile.

Je pense que d’année en année, la fédération trouvera les moyens pour maîtriser ce facteur.
Il faut aussi pousser les clubs vers l’organisation et que le football trouve la possibilité aux équipes de se faire sponsoriser. Ce volet est très important. Il y a des efforts qui sont faits par l’ASFA-Y ; il y a une approche de Air Burkina avec l’EFO ; il faut que cela s’élargisse aux autres.
Il faut que la riposte des clubs de Bobo soit plus relevée.
Cette année, le RCK, l’USO, le SANTOS et l’USFA ont contesté l’hégémonie de l’ASFA-Y et de l’EFO.

D’habitude c’est entre ces deux clubs que se joue le championnat. A Ouagadougou le défi est relevé et ça va être plus dur pour ces deux clubs phares. Maintenant il ne faut pas que les clubs de Bobo disparaissent en attendant que d’autres équipes surgissent dans d’autres villes.
Bobo-Dioulasso est une ville de football, il faut que les grandes sociétés de la place puissent aider les clubs de cette ville pour qu’ils ne soient pas seulement des figurants mais qu’ils se battent pour le pouvoir comme l’a fait l’ASFB cette saison.

On dit généralement que pour avoir une équipe nationale forte, il faut des clubs forts. Est-ce votre avis ?

B.F : Cela est absolument une vérité indéniable. Mais il y a une tendance qui consiste maintenant à avoir aussi une bonne légion étrangère. Cette tendance s’élargit également au niveau du Burkina de façon progressive. Sinon avant, ce principe était fondamental : une bonne équipe nationale équivaut à des grands clubs très forts. Deux ou trois équipes comprenant des joueurs qui arrivent toujours en compétitions africaines et qui transfèrent leur compétence, leur savoir-faire et leurs expériences au niveau de l’équipe nationale.

Mais aujourd’hui c’est l’inverse ; ce sont les joueurs étrangers baignant dans le grand football d’Europe qui a de très grands moyens, de très bonnes installations, d’excellents climats, qui accélèrent le progrès de ces joueurs et qui les retournent dans le football de leur pays. A ce niveau, le Burkina a beaucoup de choses à faire, à savoir une plus grande organisation, un meilleur marketing de ses joueurs qui partent à l’étranger par le canal des agences de joueurs et une meilleure possibilité du retour de ces joueurs au pays natal.

En tenant compte des clubs burkinabè, comment jugez-vous les Etalons ?

B.F : Il y a eu des bouleversements au sein des Etalons. Il y a aussi l’instabilité qui habite cette équipe nationale. Le passage des juniors aux seniors n’a pas été très bien négocié.

Avec le départ des anciens, l’équipe se renouvelle.
Très souvent il y a une nouvelle équipe nationale au Burkina Faso. On va attendre de voir ce que cela va donner. Il y a de nombreux nouveaux joueurs qui ont été convoqués ; il y a des anciens qui sont partis.
Une nouvelle équipe nationale est en train de se mettre en place. Il faut reconnaître que le Burkina est dans une poule très difficile dans les éliminatoires combinées de la coupe du monde et de la CAN 2006.

Je ne pense pas que les choses puissent se passer comme d’habitude. Il faut donc mieux affiner l’organisation. Il faut qu’on soit beaucoup plus pointu dans la préparation parce que ça va être très dur dans la mesure où on a jumelé les deux compétitions.

Parlons de vous à présent ; avant de vous retrouver au Burkina Faso, quel a été votre parcours dans le métier d’entraîneur ?

B.F : J’ai été formé essentiellement dans mon pays, le Sénégal. J’ai participé pendant 10 ans au championnat de première division de mon pays. Je l’ai gagné deux fois, j’ai été deuxième trois fois, j’ai joué la coupe de l’UFOA jusqu’en demi-finale, je suis allé en ligue des champions où j’ai été éliminé au 3e tour… j’ai entraîné 5 grands clubs du Sénégal dont la Jeanne d’Arc et le Port autonome de Dakar.

Je suis membre de la direction technique nationale du football sénégalais jusqu’au moment où je vous parle (le 29/05/2004). J’ai été membre des équipes nationales, j’ai entraîné l’équipe nationale Espoir du Sénégal… Disons que l’essentiel de mon expérience, je la tire du football sénégalais.

Une fois au Burkina, vous prenez l’EFO durant deux saisons et après vous vous retrouvez en Guinée Equatoriale. Pourquoi ?

B.F : Parce que j’avais un contrat très intéressant là-bas et en accord avec la direction de l’EFO, je suis parti. J’y ai passé une année. Mais pour moi dans la vie ce n’est pas seulement l’argent qui compte. C’est vrai qu’en Guinée Equatoriale je gagnais beaucoup d’argent mais le football dans ce pays a un avenir qui n’est pas immédiat et on risque de s’y enliser et de perdre beaucoup là-bas.

L’Afrique du Sud a été choisie pour l’organisation de la coupe du monde 2010. Croyez-vous que c’est un bon choix pour le continent africain ?

B.F : C’est un bon choix. Il n’est pas facile de trouver en Afrique un pays qui réunit l’ensemble des conditions exigées par les cahiers de charges de la FIFA, mais l’Afrique du Sud n’est pas loin de là. Même si sentimentalement je penchais pour le Maroc, objectivement il faut reconnaître que l’Afrique du Sud semble réunir certaines conditions qui sont les plus relevées par rapport à d’autres pays africains.
Sauf qu’il y a le problème de la violence qu’il faut combattre.

Que pouvez-vous ajouter pour conclure cet entretien ?

B.F : Je souhaite toujours pouvoir apporter ma modeste contribution au football burkinabè et au football de la sous-région dans son ensemble. Je pense que le football du Burkina est un football qui mérite que tous les bras qui peuvent apporter quelque chose le fassent sans détour. C’est un football qui progresse. Il pouvait aller plus rapidement, mais il faut souhaiter que tous les techniciens soient fortement initiés. Que ce soient les techniciens du pays ou les techniciens étrangers, qu’ils soient tous davantage impliqués dans tout ce qui se passe. Ainsi, je crois que le football du Burkina Faso fera fortement parler de lui dans peu de temps.

Par Drissa Koné à Bobo-Dioulasso
L’Opinion

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