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Renaissance de la Francophonie : Espoirs et limites du rapport d’Hervé Bourges

Publié le lundi 16 juin 2008 à 14h00min

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La Francophonie est un grand rêve qui tourne, sinon au cauchemar, à l’indifférence. Le rêve n’agit plus sur les esprits comme le mythe pour forcer la réalité. C’est entre autres ce qui aura quelque part justifié qu’on commande un rapport sur cette grande idée d’Hamani Diori et de Léopold Sédar Senghor. Hervé Bourges, à qui le travail a été demandé et qui l’a effectivement réalisé avec ce nom de baptême évocateur « Renaissance de la Francophonie », a-t-il trouvé les déclics nécessaires ? L’histoire nous le dira. Mais les quelques mots qui suivent montrent que l’effort à fournir devra être de taille pour réanimer l’ambition.

Ce qui ressort en effet, c’est que la Francophonie souffre d’un de manque visibilité. Elle a fini par s’identifier à un concept pur, sans ancrage dans les opinions, et cela est particulièrement manifeste dans l’Hexagone. Il faut lui donner de l’intérêt populaire, et la seule voie pour cela, c’est de la démocratiser et de la rendre concrète. Mais Pour corriger sa réputation d’organisation inefficace, impopulaire (et on voudrait dire de planque pour ancienne personnalités en chômage), Hervé Bourges plaide pour qu’on en fasse une « agora, sorte d’antichambre expérimentale pour la politique internationale », ce qui relève d’une gageure !

Si Hervé Bourges par ailleurs, pour faire dans l’optimisme, avance que « Le français constitue une langue d’avenir », il n’en reconnaît pas moins cependant, avec honnêteté intellectuelle, l’affaiblissement. Pour sortir de la contradiction, il suggère de « redorer le blason du français en le développant à travers le monde, également dans les pays non francophones, afin d’en faire une langue d’envergure internationale et d’encourager le multilinguisme ». Pour Hervé Bourges (et à l’homme d’insister comme pour conjurer le mauvais sort) la Francophonie « n’est pas une cause perdue ».

Alors, quel est vraiment son remède de cheval ? Il faut seulement, selon lui, en plus de l’action de démocratisation de l’institution, réinscrire cette dernière dans une réelle dynamique, capable de pallier les frustrations des différents acteurs et de lui rendre une cohérence. Jusqu’à maintenant, elle semble avoir péché par manque d’esprit de conquête. Le rapport se veut donc la trame d’un véritable plan d’attaque avec notamment « 16 propositions facilement applicables », telles une manifestation culturelle en marge du Sommet de la Francophonie, la création d’un visa francophone, la tenue d’Etats généraux francophones…

Sauf à bénéficier de plus d’éclairage dans les jours qui viennent, il est peu probable que de telles exhortes suffisent seules à freiner la tombée de la Francophonie dans le coma. Il y a, il faut le dire, de gros problèmes structurels dans cette maison.

D’abord, cette bataille des grands, entre le Canada et la France, parce qu’on a beau dire, il y a quelque part, difficile à cacher et à maîtriser la dérive impérialiste, l’utilisation de la Francophonie comme instrument de rayonnement de conquête politique, économique, diplomatique…, non pas de la langue française, mais de la France. Cela s’en ressent dans la captation de certains instruments de la Francophonie et dans les tentatives souvent grossières de vouloir utiliser cet espace pour prêter secours aux préoccupations politiques et diplomatiques de la France. On a vu notamment, à l’occasion de la crise ivoirienne, comment Jacques Chirac a fait des pieds et des mains pour amener la Francophonie à rallier sa thèse anti-Gbagbo !

Mais s’il est vrai que quand les éléphants se battent dans la forêt, les herbes et les « fourmis » se tiennent bien à l’écart, il n’en demeure pas moins que dans l’espace francophone, beaucoup d’autres Etats, notamment africains, aimeraient bien qu’on sorte du diktat et de l’instrumentalisation pour entrer avec plus de vigueur dans le développement, dans le respect des différences…

On ne peut pas dire qu’alors que le soufflet de la Francophonie retombe, que la nomination d’Abdou Diouf ait été une bonne inspiration. Peut-être même que cette retraite dorée dont il a bénéficié pour compenser sa défaite face à Abdoulaye Wade, aura seulement contribué à accélérer l’aphonie, le conventionnel, de l’organisation ! La renaissance devrait peut-être alors commencer par une nouvelle dynamique à insuffler à la direction qui ne peut pas s’accommoder du maintien d’Abdou Diouf à sa tête !

Si on y parvient, encore que ce n’est pas gagné, il faudra, pour continuer à dire et à faire franchement les choses, obtenir que les bailleurs de la Francophonie donnent beaucoup plus de capacités d’intervention à l’organisation. Mais par ces temps qui courent, n’ont-ils pas d’autres chat à fouetter ? Il faut le craindre car cette satanée crise internationale qui frappe indistinctement les Etats, amenant même les plus puissants à connaître -comme bien d’Etats africains- des émeutes, peut inscrire dans les agendas d’autres ordres de priorité !

San Finna

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