Ils ne sont pas nombreux les artistes-musiciens au Burkina Faso à s’aventurer dans la grande cuvette (environ 3000 places) de la maison du Peuple, de peur de « prêcher », pardon, de chanter dans un désert. Ce n’est pas le cas avec les concerts de Zougnazamgda au cours desquels il faut user par moments de ses muscles pour se frayer un passage dans les allées ou pour, tout simplement, se procurer une place à même le sol, les chaises étant déjà occupées.

C’est exactement ce qui s’est passé le mardi dernier. Il suffisait de voir le grand monde, dont un couple venu du Ghana, qui a accouru pour se convaincre que la musique traditionnelle a un immense marché. Ce qui devrait inspirer nos chanteurs de la musique moderne à aller davantage chercher leurs inspirations dans le terroir. Cela fait donc une dizaine d’années que le chansonnier rencontre le public deux fois dans l’année (janvier et juillet) au même endroit.

Pour son deuxième concert de l’année, après le succès de « Zougnazagmda Tour 2008 » dans 12 villes du pays, le musicien a été soutenu par des collègues de la musique traditionnelle et moderne. Il s’agit de Kalmbanga, de K-Djoba, double lauréat lors des derniers Kundé d’or, de Bonsa (ex-membre de Negramers), de CS Bazaro, de Walilaï Ouédraogo, jeune talent et fils de Zougnazagmda, ainsi que de la voix d’or de Barsalogho, Habibou Sawadogo.

Le jeune groupe de rap Kalmbanga ouvre le concert avec une de ses chansons fétiches dénonciatrice de l’inconscience des gens riches qui ignorent leurs parents en difficulté. Le chœur est repris par des spectateurs, qui l’acclament. Il sera suivi d’un autre groupe de rap, à savoir K-Djoba, qui réveillera toute la salle. Quant au reggaeman CS Bazaro, il a été fortement ovationné par le public, envoûté par la beauté de son titre « Lisa ».

A l’issue du passage des artistes de la musique moderne, l’honneur est revenue à la cantatrice de Barsalogho, Habibou Sawadogo, de faire monter davantage la température dans la cuvette à la grande joie des mélomanes. Avec une voix perçante, elle et ses danseurs offrent une belle chorégraphie sur le rythme wed-bindé (danse des populations du Centre-Nord).

C’est le délire quand ses danseuses de 3 à 4 ans s’en mêlent : les billets de banque pleuvent de partout. c’était donc parti pour une nuit folle en spectacles. Walilaï Ouadraogo dit Zougnazagmda Junior (âgé d’une dizaine d’années) sort, avec son petit-frère, pour déblayer la scène pour son géniteur. Sa voix et ses paroles électrisent les spectateurs et c’est à peine si certaines personnes n’ont pas été victimes de coups de mains de leurs voisins ou voisines, emportés par l’euphorie.

Il est couvert, lui aussi, de billets. Mais avec son père, ce sera l’apothéose. Des envoyés du chef des Mossé montent sur le podium pour leur traduire les encouragements et lui remettre une enveloppe de Naaba Baongho. Le spectacle pouvait véritablement commencer avec le monument de la musique traditionnelle, dont les chansons étaient devenues une sorte de démonstration de puissance financière de la part du public.

Ainsi, des liasses de billets de 1000 F, de 2000 F, de 5000 F et de 10 000 FCFA pleuvaient à en pas finir. Watam Kaizer, sponsor officiel du concert, représenté par Omar Ouédraogo, offrira tour à tour 100 000 FCFA à Zougnazagmda, le même montant à Habibou Sawadogo et 50 000 FCFA au jeune Walilaï. Et ce n’était pas fini pour les surprises. En effet, un homme monte sur scène avec une mallette.

Il fait le tour du podium avant de la déposer pour, sans doute, faire durer le suspense. La foule, qui s’attendait certainement à voir de nombreuses piles d’argent sortir du coffre, est surprise d’apercevoir d’énormes serpents slalomer sur ses membres supérieurs et autour de son cou.

Un spectacle qui a, du reste, émerveillé le public. Ce fut donc une soirée pleine de passions pour un homme, pour une musique. L’artiste, tout en remerciant l’ensemble de ses fans, a traduit également sa reconnaissance à son sponsor officiel, à Jovial Productions de Kadi Jolie, qui a assuré de la plus belle des manières la sonorisation, et Jacob Bamogo pour les lumières.

Cyr Payim Ouédraogo

L’Observateur