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Remous au CDP : Crise de croissance ou mission commandée ?

Publié le mercredi 11 juin 2008 à 11h53min

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Pierre Tapsoba

La météo politique nationale au sein du parti majoritaire, le CDP (Congrès pour la démocratie et le progrès), n’est pas des plus rassurants. Le ciel est couvert de cumulus d’incertitudes. Les militants de base sont dans l’expectative , attendant l’éclaircie qui va leur montrer le chemin. D’où viendra-t-elle ? C’est là tout le mystère que vit le parti au pouvoir. Pourtant, la clarification ne saurait tarder. Dans moins de deux ans, le président du Faso aura probablement besoin de sa machine électorale qui n’a jamais perdu un scrutin depuis 1996.

Dans sa stratégie de conquête du pouvoir, le CDP a ratissé large, phagocytant un certain nombre de partis sans même tenir compte des différences idéologiques. Et c’est là que résident les contradictions de ce parti. Le but du jeu était d’éliminer toute véritable résistance. Ce travail fut fait et trop bien fait à tel point qu’aujourd’hui, le Congrès pour la démocratie et le progrès a vu accourir dans ses rangs toutes sortes de militants ou d’opportunistes en quête d’une place au soleil.

Mais voilà. L’albatros, comme l’a prévu feu Norbert Zongo, n’a plus les ailes qu’il faut pour transporter sa cohorte de militants. Et, les plus courageux, qui ont vite déchanté, ont quitté la barque avant. Les contradictions s’étalent désormais au grand jour. La prise de parole des "mécontents" surprend plus d’un, dans un parti qui avait fait de la discipline une vertu cardinale.

Le CDP va mal, et le silence des instances face aux graves accusations sur les dysfonctionnements internes entretient ce malaise qui empoisonne les relations entre les membres. Ceux qui récriminent aujourd’hui ne sont pas n’importe qui. Ce sont de fortes personnalités qui ont eu à occuper de hautes responsabilités au sein du parti et au plan national. On aura vite fait de les taxer d’"aigris ", en perte de vitesse. Mais , le diagnostic qu’ils posent n’en est pas moins sérieux et grave. Un parti de l’envergure du CDP serait-il antidémocratique ? Le mémorandum des mécontents a égrené, entre autres griefs, le non-fonctionnement des organes de gestion, la discrimination dans le mérite, le sectarisme, etc. Pour un parti qui gère les affaires de l’Etat, le chapelet de critiques laisse perplexe et interrogateur. Et la sortie des mécontents qu’on appelle abusivement ex-CNPPiste (même si, pour l’instant, les anciens membres de ce parti sont plus nombreux parmi les signataires), a le mérite d’ouvrir un débat sur des sujets jadis rangés dans les tiroirs au nom de la loi du silence. Une omerta qui était synonyme d’adhésion, sinon de complicité.

C’est pour cela que malgré le courage des frondeurs, ceux-ci ne sont pas exempts de tout reproche. Ils ont été de grands défenseurs de ce système quand ils étaient eux-mêmes aux affaires. En ces temps-là, tous ces problèmes n’existaient-ils pas au sein du parti ? En douze ans de règne sans partage, le parti dont ils critiquent le fonctionnement, n’est-il pas passé champion dans des pratiques parfois peu honorables ? Aujourd’hui, ils appellent à réformer le parti, soit. Mais dans quelle direction ? Dans le sens de plus de démocratie et de transparence ? Si tel est le cas, les mécontents prendront ainsi date avec l’histoire.

En tous cas, la mise en place difficile des structures du parti a réveillé un certain nombre de pratiques qui ne sont pas dignes d’un grand parti. Si l’aile conservatrice du parti, les anciens ODP-MT (Organisation pour la démocratie populaire-Mouvement du travail), est effectivement en campagne d’épuration, alors il n’est pas exclu que le parti majoritaire subisse une cure d’amaigrissement.

Les temps changent, dit-on, les hommes aussi. Et il faut avouer que le contexte est favorable à cette sorte de défiance à laquelle l’on assiste aujourd’hui. Il y a quelques années, ces militants auraient été sanctionnés rapidement pour éviter l’effet de contagion. Le silence du parti de l’épi et de la daba est troublant et ne pourrait s’expliquer que par deux hypothèses : le poids des protestataires qui nécessite un traitement spécial lors du prochain congrès, ou alors ceux-ci sont en mission commandée pour déstabiliser un parti qui est en train de s’interroger sur ses liens filiaux avec son fondateur Blaise Compaoré dont on soupçonne le frère cadet, François Compaoré, à tort ou à raison, de tenter une OPA sur le parti ou d’en créer un nouveau sur les cendres du CDP. C’est à y perdre son latin. On comprend dès lors le désespoir et la panique qui se sont emparés de certains CDPistes à un moment où la FEDAP-BC (Fédération des associations pour le progrès et la paix avec Blaise Compaoré) entretient un mystère sur sa vraie fonction et ses missions. Le Tout-Ouagadougou dit qu’elle est la création du frère cadet du président du Faso et qu’elle pourrait être le cheval de Troie du président pour se débarrasser d’un parti devenu aujourd’hui encombrant.

En tout état de cause, cette opposition au sein du CDP n’est pas anodine, et il n’est pas exclu qu’elle fasse partie d’un vaste scénario mis en scène dans l’ombre par certains et dont tout le monde attend l’épilogue.

"Le Pays"

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