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Refondateurs au sein du CDP : La greffe n’a apparemment pas pris

Publié le mardi 10 juin 2008 à 16h10min

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Oubkiri Marc YaoSi l’on disait aux partisans de la CNPP/PSD qu’en se sabordant le 5 février 1996 dans le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), ils se faisaient "sepouka" (1) comme disent les Japonais, ils auraient sans doute répondu par la négative.

A la décharge de la CNPP/PSD, elle n’avait peut-être pas le choix, le professeur Ki-Zerbo ayant taillé toutes ses croupières en partant avec 9 députés, ne lui en laissant que 4. Idem d’ailleurs pour les 11 autres formations politiques et les fractions de partis nées à l’époque par scissiparité qui ont décidé de faire route avec l’ex-ODP/MT.

Et pourtant, c’est le constat froid qu’on peut en tirer aujourd’hui, suite au grand pavé que les ex-CNPPistes ont jeté dans la mare en avril 2008, puis cette semaine, avec leur sortie épistolaire.

Il ne fallait, de toute façon, pas se faire d’illusions, car à sa création le mégaparti portait déjà les racines congénitales de son mal. Comme l’avouait un cacique au soir de la naissance du CDP, au Centre de conférences du Conseil burkinabè des chargeurs : "C’est un conglomérat de partis qui connaîtra tôt ou tard des courants centrifuges".

Le premier couac entre les Cdpistes originels et ceux qu’on appelle par un doux euphémisme "militants de la 25e heure" est survenu au lendemain de la formation du gouvernement de Kadré I : aucun d’eux n’y figurait. Marc Yao Oubkiri et Cie n’ont pas manqué, à l’époque, d’avouer leur amertume vu que des gens (c’était leur argument), comme Idrissa Zampaligré, Issa Dominique Konaté du Mouvement pour la démocratie et le socialisme et Alain Yoda du RSI, ont hérité de strapontins.

Ce qui, humainement, se comprend, mais la CNPP sait, par ailleurs aussi, qui est le deus ex-machina qui décide de tout au Burkina, et à l’époque si elle avait décidé ainsi, c’est qu’elle avait ses raisons.

Puis ce fut un long fleuve tranquille : quelques têtes de pont de la CNPP/PP et certains des actuels frondeurs purent accéder à de grands postes de responsabilités. Pierre Tapsoba sera ministre, Yao Marc Oubkiri plusieurs fois ambassadeurs, un grand diplomate, soit dit en passant ; "REK" a géré le portefeuille des sports pendant quelques années, ce que d’aucuns ont trouvé disproportionné, estimant que sa formation, le Parti de l’action pour le libéralisme solidaire (PACT-LS), n’a rien apporté de substantiel au CDP.

Passons également sur les lauriers ceints au front de certains grands militants du CDP lors du congrès d’il y a deux ans alors que pratiquement aucun des frondeurs, qui estiment qu’ils ont ferraillé, n’en a bénéficié. Ça leur est resté en travers de la gorge.

La rupture définitive semble être intervenue lors des législatives du 5 mai 2007, lesquelles ont consacré les "parachutages" au détriment de certains militants logés aux premières loges des institutions républicaines : on cite Yao Marc Oubkiri, 1er vice-président de l’Assemblée nationale, qui fut "mal classée" sur la liste des candidats CDP à la députation et qui déclina ainsi l’offre.

De façon schématique, les refondateurs formulent contre le CDP deux griefs :
le tâtonnement voire l’absence de gestion du parti : "Le CDP est un grand parti, mais qui fonctionne essentiellement comme une machine infernale à gagner les élections présidentielles, législatives, municipales... du fait du non-fonctionnement puis de la suppression des commissions spécialisés, le CDP, bien que parti majoritaire, ne constitue pas une force de propositions pour accompagner le gouvernement".

D’où l’inertie observée lors de la crise socio-politique consécutive au drame de Sapouy, aux crises issues de la situation en CI, et de la vie chère, que tout le monde voyait venir sauf les responsables du parti, frappés de cécité, qui criaient urbi et orbi qu’il y avait abondance de victuailles.

Il y a du fondé dans ces récriminations des refondateurs, mais ils ne sauraient s’absoudre eux non plus, qui devaient débattre de toutes ces questions lors des réunions des instances du CDP. Par exemple, concernant la suppression des commissions spécialisés, ces "rénovateurs" n’ont rien trouvé à redire alors que leurs maintien ou leur suppression était toujours posées en réunion.

Deuxième grand reproche fait au CDP : le partage du gâteau. Les mécontents estiment qu’il y a un tropisme partisan qui caractérise le méga parti, l’incitant à nommer ou à maintenir trop longtemps à des postes de responsabilités justement certains militants de la 25e heure, comme eux ; ou pire, à ne pas sanctionner les indélicatesses avérées. On n’a pas besoin de faire sciences-po pour comprendre que l’ire des ex-camarades s’explique par leur position, plus que bancale, actuelle.

Ni mie ni pain, ceux qui exigent une refondation du parti de l’épi et de la daba ont, comme dirait le défunt ministre ivoirien Balla Kéita, "un pied dedans, un pied dehors", et, à l’évidence, ils sont plus dehors que dedans.

Manifestement donc, la greffe de 1996 n’a pas pris et c’est donc un retour à la case départ, puisque ceux qui s’agitent de nos jours ont le sentiment d’être lâchés en rase campagne.

Ainsi écartelés, ils ont le choix soit de faire semblant d’être toujours de la famille, soit de carrément larguer les amarres. Car, comme le faisait remarquer l’actuel patron du CDP, Roch Marc Kaboré, qu’il y ait des problèmes à débattre au sein du parti, c’est certain, mais qu’on les porte sur la place publique par presse interposée pour en débattre est sans doute antiprincipiel.

Enfin, après tout, les refondateurs n’ignorent pas que les grandes décisions et les distributions de postes relèvent des prérogatives exclusives du grand horloger de Kossyam, qui est, même si on l’oublie souvent, le "grand militant émérite du CDP". D’où leur lettre à lui adressée. Seront-ils entendus ? Et si des réponses il doit y avoir, iront-elles dans le sens de leurs souhaits ?

Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

Note :

(1) Suicide en japonais, variante du hara-kiri.

L’Observateur

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