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BTP : Des "Bétises toutes pardonnées"

Publié le lundi 2 juin 2008 à 11h29min

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Le Fonds des Nations unies pour l’équipement (FENU) justifie en partie le sous-développement de l’Afrique par la faiblesse des infrastructures. Les pays du continent ont été alors invités à combler ce retard dans le cadre de l’atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Le Burkina Faso semble avoir attrapé cet appel du FENU au vol.

Le pays connaît son printemps des grands travaux. Il vit au rythme de vastes chantiers routiers, immobiliers, hydroélectriques, etc. C’est l’essor d’un secteur, celui du "Bâtiment et travaux publics" (BTP). Des multinationales et quelques rares sociétés nationales se sont longtemps disputé les marchés juteux avant que l’Etat n’exprime ces dernières années, sa volonté de promouvoir les Petites et moyennes entreprises (PME) en leur ouvrant ce secteur d’activités. Voilà la boîte aux pandores.

L’abeille vient d’entrer dans le masque des travaux publics, changeant négativement les règles du jeu. La quantité a été privilégiée au détriment de la qualité. Sans la moindre garantie d’un savoir-faire, de grands travaux sont confiés à des "parvenus" toujours prêts à respecter le critère tant recommandé des retenues financières pour contenter les décideurs. "Des tabliers et des vendeurs de cacahuètes se sont ainsi transformés en experts en BTP", pour reprendre les propos du Directeur général des routes (DGR), Alfred Idrissa Zampou, dans une interview accordée en septembre 2007 au quotidien Sidwaya. L’ouverture du secteur a sonné la ruée vers le BTP. Tous les coups sont permis ; l’essentiel étant de s’en sortir avec un gros profit. La recherche effrénée du gain facile a pris le dessus sur les exigences d’un domaine aussi délicat que le BTP.

Les marchés juteux ont suscité une race spontanée d’entrepreneurs délaissant leurs activités traditionnelles pour le béton. Ces derniers se bâtissent une renommée à travers leur boulimie à engloutir en toute impunité, les investissements publics. Ils n’ont ni expertise ou expérience reconnues, ni les capacités techniques et humaines en la matière mais leurs entreprises arrivent à s’arracher de gros marchés, grâce à la tactique combinée des "10%", voire plus et des dessous de table. Les fameuses PME qui ont éclos un peu partout ne seraient en réalité, pour la plupart, que des "Bétises toutes pardonnées" (BTP). Des maisons à peine construites s’écroulent ou se révèlent défectueuses, des ponts s’effondrent, des voies se dégradent de façon précoce, des digues de barrage cèdent… Telle est aussi l’une des faces sombres et cachées du boom du BTP au Burkina Faso.

Si le scandale de ces "Bétises toutes pardonnées" est plus visible et dénoncé dans les grandes villes, il est silencieux et mortel dans les campagnes. Les routes provinciales et départementales ne sont que des sentiers et des guêpiers pour les "pauvres" usagers. Avec des pelles tordues, des brouettes trouées, des râteaux édentés et de vieux camions, des "arrivistes" s’improvisent experts en entretien routier et investissent le Burkina Faso profond, pour s’accaparer les milliards de F CFA déversés annuellement dans le volet désenclavement. Au vu et au su de toute la population, aussitôt un travail public lancé, aussitôt il est bâclé et le financement "dîné".

Le mutisme, la passivité, voire la complicité de l’autorité publique sont souvent si flagrants qu’ils se passent de tout commentaire. Cette promotion de la médiocrité assène un violent coup à la notoriété des entreprises burkinabè sollicitées dans la sous-région pour la construction de divers ouvrages. L’exécution de certains travaux publics ressemble à des actes délibérés de sabotage. Soit le chantier est arrêté sans la moindre explication, soit l’infrastructure présente avant même sa réception, les stigmates évidents de sa destruction prononcée. La saison des pluies apparaît comme le baromètre idéal de ces ouvrages. Elle ne cesse de mettre à nu le mal du pays en ses infrastructures.

Les années passent, les mêmes observations sont formulées. Les échappatoires ne manquent pas pour berner l’opinion. Et puis plus rien. Pire, les entreprises s’illustrant dans les "Bétises toutes pardonnées"continuent d’arracher de fort belle manière, les"Jackpot" du BTP. Pourtant, tous autant mortels que sont les hommes, une route ou un bâtiment mal construit ne choisit pas sa victime. Elle peut être aussi l’entrepreneur véreux et inconscient qui a délibérément bâclé l’ouvrage. Cela donne à réfléchir, même dans une villa cossue ou une voiture grosse cylindrée.

Jolivet Emmaüs
joliv_et@yahoo.fr

Sidwaya

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