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Histoire des grands hommes du Burkina Faso : La mémoire de Dimdolobsom en voie d’être reconnue et réhabilitée

Publié le vendredi 30 mai 2008 à 11h31min

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La statue de Dimdolobson au siège de la BIB à Ouaga

La population de la province du Kourwéogo, des chercheurs, des étudiants et des hommes de culture, sur l’initiative de Me Titinga Frédéric Pacéré ont rendu hommage, dimanche 25 mai 2008, à Naaba Koutou, décédé le 13 juillet 1940. Plus connu sous le nom de Dimdolobsom, l’un des premiers écrivains voltaîques, Naaba Koutou a régné dans son village natal Sao, localité située à une cinquantaine de km de Ouagadougou.

Sao, capitale de la province coutumière du Kourwéogo, située à une cinquantaine de km de Ouagadougou, dimanche 25 mai 2008, a connu la pluie du matin au soir. C’était la première "vraie" pluie de la saison hivernale 2008-2009 dans ce village. Le même jour, Sao a rendez-vous avec un public diversifié et de toutes les couches socioprofessionnelles. Hommes de culture, chefs coutumiers, universitaires, chercheurs, étudiants (...) sont attendus.

L’événement, rendre hommage à Naaba Koutou de Sao, plus connu par l’administration et les intellectuels sous le nom de Dimdolobsom, écrivain, un des premiers hauts fonctionnaires de la Haute-Volta, actuel Burkina Faso. Sous la pluie, les invités de Sao arrivent les uns après les autres avec tout le bonheur qu’un beau temps peut procurer par l’absence de poussière et de chaleur. Toutefois, certains ont souffert. Des embourbements par-ci, par-là. "Je me suis embourbé plus d’une dizaine de fois", raconte un ancien ministre de la Culture. Tout cela n’a pas eu raison de la détermination des invités et de la population de la province de Kourwéogo à se recueillir sur la tombe de Dimdolobsom. Certains perchés sur leur bicyclette, qui sur leur moto, dans des charrettes, d’autres à pied sont venus à Sao.

Homme de culture, avocat, Me Titinga Pacéré est l’initiateur de ce grand rendez-vous. Il a été accueilli à l’entrée de Sao à 16 h 20 mn, toujours sous une fine pluie. Me Pacéré accompagné d’une forte délégation de chefs traditionnels, est conduit au domicile de l’actuel chef de Sao Naaba Kango, 3e successeur sur le trône après Dimdolobsom. De là, s’organise une procession vers les lieux sacrés de Sao. Le cimetière des rois où repose Naaba Koutou, Dimdolobsom. A la tête du mouvement, Me Pacéré et Naaba Kango. En ces lieux, ils viennent rendre hommage à Dimdolobsom, décédé il y a 68 ans. Ils viennent lui parler. Car en Afrique, au Burkina Faso plus encore, "les morts ne sont pas morts", croient-ils comme Biraogo Diop. "Ils sont dans l’ombre qui frémit, ils sont dans l’eau qui coule ; ils sont dans l’eau qui dort ; ils sont dans la case, ils sont dans la foule". Ainsi, accompagné du gardien des tombes royales, Me Titinga Pacéré, habillé en grand boubou brodé, chaussures traditionnelles, chapeau traditionnel, canne en main, s’avance vers la tombe de Dimdolosom.

Un grand silence s’installe dans l’assistance.

Quelques pas effectués, il se décoiffe et commence le rituel dont lui seul semble connaître le secret. Il s’incline devant la tombe de l’homme qu’il qualifie "d’un monument de l’histoire glorieuse et riche de notre pays ; de premier intellectuel au sens de la recherche et de l’expression moderne".

Sans tarder, il livre un message du Mogho Naaba Baongho, chef suprême des Mossé sous forme de poème. Dans ce message, le Mogho Naaba adresse ses félicitations à tous ceux qui ont lutté pour le Burkina Faso quelle que soit leur ethnie. Pour le petit-fils de Dimdolobsom, chef traditionnel de Sao, député à l’Assemblée nationale, Naaba Kango, cet acte rend hommage à Dimdolobsom et honore la famille royale de Sao.
"Nous sommes fiers de l’hommage qui lui est rendu et nous pensons qu’il va à l’endroit de toute la population de Sao", s’est exprimé Naaba Kango.

Il soutient qu’il est de la génération qui croit que les morts ne sont pas morts. "Je suis de ceux qui pensent que les morts nous voient et nous entendent. Je crois que du fond de leur dernière demeure, ils frémiront et sauront reconnaître l’intérêt que des hommes leur ont porté à un moment où des hommes ont l’habitude d’oublier les hommes".
En attendant une reconnaissance à la dimension de l’homme, son nom est déjà immortalisé dans plusieurs endroits.

Une des grandes artères de la ville de Ouagadougou et un établissement secondaire de la même ville portent son nom. Aussi, le lycée provincial du Kourwéogo est baptisé Dimdolobsom. Selon le représentant du ministère en charge de la Culture, Jean de Dieu Vokouma, "Dimdolobsom, homme de lettres, de sciences mérite amplement un hommage". A ce titre, dit-il, le ministre de la Culture, du Tourisme et de la Communication envisage dans les prochains mois, la mise en place d’un comité scientifique pour accompagner la réhabilitation et aider à une meilleure appropriation de l’histoire des grands hommes du Burkina Faso.

L’Université de Ouagadougou s’apprêterait à baptiser un de ses édifices du nom de Dimdolobsom. L’histoire de cet homme mérite d’être connue par les nouvelles générations.

Boureima SANGA
bsanga2003@yahoo.fr


Le parcours de l’homme, selon Me Titinga Pacéré

André Augustin Dimdolobsom Ouédraogo, plus connu sous le nom de Dimdolobsom est né en 1887 et mort en 1940 dans le canton coutumier de Sao. Il fut une intelligence et un travailleur hors du commun. "Commis des services administratif, financier et comptable de l’AOF", il travaille au cabinet du gouverneur à Ouagadougou près à Bobo-Dioulasso, etc. De 1928 à 1934 soit en 6 ans, il a publié en Europe dans les plus hautes maisons d’édition de nombreux ouvrages et travaux.
- Le Mogho Naaba et sa cour (juillet 1928) ;
- Les procédés divinatoires des Bagba (devins) au mossi (1933) ;
- Le secret des sorciers noirs (1934). Cet ouvrage important fait 306 pages. Jusqu’aujourd’hui, il n’ait aucun ouvrage francophone qui ait porté sur le thème du mysticisme, de la magie, de la sorcellerie, de notoriété qui ne s’inspire ou ne fait référence en ce qui concerne l’Afrique à cet ouvrage de nos jours, malheureusement introuvable au Burkina Faso. Dimdolobsom a aussi publié :
- Note sur les Yarsés au Mossi (1934) ;
- L’empire du Mogho-Naaba, coutumes des Mossi de Haute Volta (Paris 1933, Edition Domat- Montchrestien, 303 pages avec illustrations). Cet ouvrage reste jusqu’à nos jours, l’ouvrage de référence pour la connaissance de la base de l’histoire et de la civilisation des Mossé du Burkina. Dans le même temps, il a écrit deux manuscrits qui n’ont pu être édités :
- Les conditions d’existence de la région de Ouagadougou avant et après l’arrivée des Français (1926).
- L’organisation politique, administrative, militaire et judiciaire des groupes mossi avant la pénétration française. Droits coutumiers des Naaba mossi. Les travaux de l’homme ont porté sur l’éthnographie, la justice, les sciences, l’histoire, les lettres, la philosophie et les religions.

Reconnaissance...

En 1937, les travaux de cet homme ont fasciné le pays colonisateur, la France ; ainsi Dimdolobsom fut titulaire cette année-là de la distinction de "chevalier des Palmes académiques de la République française pour services rendus à la science". C’est la première fois qu’une telle distinction est décernée à un Noir. A cette période, la loi du 14 septembre 1916 accordait la citoyenneté aux originaires des seules communes du Sénégal (Rufisque, Gorée, Dakar, Saint-Louis) ; tous les autres habitants des colonies n’étaient pas des citoyens qui, seuls, avaient des droits, mais des "sujets français". Le "sujet", jusqu’à la loi Lamine Gueye du 7 mai 1946 "est une personne qui n’a que des devoirs pas de droits." C’est ce qui a légitimé les exactions contre les habitants de la Haute-Volta (Haute Côte d’Ivoire et Soudan français), les sinistres travaux forcés. Ainsi, Dimdolobsom de Haute-Volta, ne pouvait pas être décoré. Car, une décoration est plus qu’un droit pour un "sujet français", qui ne peut pas en bénéficier, un sens de la loi. On a dû faire établir un acte de naissance disant que Dimdolobsom est né en 1897 et était donc citoyen français avant qu’il ne puisse être décoré. C’est dire que cet homme est entré quelque peu par "effraction" dans ce droit parce que le pays colonisateur a hautement reconnu ses mérites et se disait reconnaître la valeur de cet homme.

Tuteur de Philippe Zinda Kaboré

En dehors de ces actes éminents, Me Titinga Pacéré a souligné que c’est Dimdolobsom qui a pris chez lui, Philippe Zinda Kaboré et l’a mis à l’école. Me Pacéré a eu à travailler avec les deux serviteurs (page et palefrenier) qui se sont occupés de Philippe Zinda Kaboré à l’enfance et l’emmenaient à l’école. Le page est décédé il y a une dizaine d’années. Le palefrenier vient de s’éteindre il y a quelques mois. Dimdolobsom mérite donc un hommage de notre nation.

B.S
Source : Document de Me Titinga Pacéré

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