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Sarkozy An I : Les résultats se font toujours attendre

Publié le mercredi 7 mai 2008 à 10h36min

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Déjà un an. Un an que l’endurant animal politique, au sens aristotélicien du terme, a enfin atteint l’oasis, l’Elysée, après un long parcours sinueux. Porté au pouvoir le soir du 6 mai 2007 par 53% de l’électorat au terme d’un second tour, le 23e président de France, Nicolas Sarkozy, avait un dessein : Celui de préfacier d’une société moderne, de démiurge qui réorganiserait le chaos dans lequel s’enfonçait chaque jour davantage la France. Tout un programme.

A coup de belles promesses électorales, le fétichiste de « la culture du résultat » a fini par séduire même certains de ses adversaires politiques, qui n’ont pas hésité à « passer à l’ennemi ».

Après douze mois d’exercice du pouvoir, celui qui avait fait de la rupture, tant en politique interne que dans le domaine de la diplomatie, son cheval de bataille peine à concrétiser le moindre de ses engagements.

Candidat, l’ancien secrétaire général de l’Union pour le mouvement populaire (UMP) a bâti sa campagne sur le relèvement du pouvoir d’achat des Français. Président, Nicolas Sarkozy est aujourd’hui en rupture de confiance avec plus de 62% de ses compatriotes, qui n’en finissent pas de déprimer face à la baisse continue de leur pouvoir d’achat sous l’effet conjugué de la hausse des prix du carburant et des denrées alimentaires. Il s’était également engagé à faire renouer son pays avec une forte croissance économique.

Un an après l’arrivée au pouvoir de « super-Sarko », les perspectives de croissance de la cinquième puissance économique mondiale sont des plus pâles : les prévisions les plus optimistes calent à 2% pour 2008, alors que le déficit public pourrait atteindre 2% du PIB en 2009.

Malgré le rythme ahurissant des réformes (55 lancées en un an), le navire français avance toujours à la godille vers la Terre promise. Pire, il semble aller à la dérive. Et malgré les signaux de détresse, lancés ici et là, le capitaine s’obstine à maintenir le cap, même s’il reconnaît avoir commis des erreurs.

Une témérité admirable, que le fonceur est obligé de payer de sa popularité, avec seulement 38% de côte de confiance. Une décote à travers laquelle s’exprime la lassitude voire la déception qu’a suscitée, au sein de l’opinion française, l’étalage médiatique de la vie amoureuse de l’homme le plus puissant de France.

Ses démêlés sentimentaux avec Cécilia, qui a fini par obtenir le divorce, son idylle avec Carla Bruni, qu’il a fini par épouser en troisième noce, sa propension à démystifier la fonction présidentielle, son omniprésence et ses velléités d’omniscience ont fini par l’enferrer dans les profondeurs des sondages.

Dans le domaine de la politique étrangère, notamment africaine, le séisme tant annoncé par le candidat de l’UMP tarde également à se manifester alors que le candidat Nicolas Sarkozy nous avait saoulés de ses promesses de rupture.

Dans un discours tenu à Cotonou au Bénin, le candidat s’était juré de secouer le cocotier du pré carré français. Une fois au pouvoir, il s’est vite accommodé avec les réseaux officieux de la « Françafrique », legs politique de ses prédécesseurs, que d’aucuns qualifient de France à fric.

Et pour avoir naïvement cru au propos politiciens de l’homme du 6-Mai, Jean-Marie Bockel, ancien secrétaire d’Etat à la Coopération et à la Francophonie, a été relégué aux Anciens combattants lorsqu’il a voulu voir un peu plus clair dans la gestion de la manne pétrolière du président gabonais, Omar Bongo.

Juste après une communication téléphonique entre l’Elysée et le palais du bord de mer, Robert Bourgi, nouveau hussard noir du président Sarkozy, a offert la tête de l’impertinent Bockel au grand moustachu de Libreville. Et depuis le remaniement de mars, le naïf est piteusement rentré dans les rangs, bien sûr après avoir bu jusqu’à la lie le calice de l’humiliation.

Une situation qui rappelle les mésaventures, en 1982, d’un autre membre du gouvernement sous l’ère Mitterrand : ancien ministre délégué chargé de la Coopération et du Développement, Jean-Pierre Cot a dû, lui aussi, payer de son poste lorsqu’il a voulu instaurer plus de transparence et de démocratie dans les relations franco-africaines.

Mais il faut rendre à Sarko ce qui est à Sarko, car si rupture il y a eu dans sa politique africaine, ce fut lors de son discours mémorable de Dakar, au Sénégal le 26 juillet 2007.

Devant des milliers d’étudiants, l’homme dont le « père a fui la Hongrie », pour reprendre les paroles du chanteur Z.S. (1), reprochait à l’Afrique de n’être jamais entrée dans l’Histoire, comme le soutenait le philosophe allemand Hegel au 18e siècle. Et poursuivant son sans-gêne diplomatique, où le paternalisme le disputait à un inconscient complexe de supériorité, l’« hyperprésident » indiquait la voie qui sauverait les Africains du fatalisme des saisons.

Certes, quelques mois plus tard, il a tenté de se rattraper au Cap, en Afrique du Sud, en parlant de renaissance. Mais le mal était déjà fait. La gifle de Dakar continue de résonner dans plusieurs oreilles africaines.

Toujours lors de sa visite au pays de Nelson Mandela, le locataire de l’Elysée a promis une autre rupture, cette fois sur le terrain militaire, en évoquant la révision des accords de défense entre Paris et nombre de capitales africaines. « La France, avait-il dit en substance, n’a pas vocation à garder éternellement des troupes en Afrique ». Mais là également, on attend de voir. Parce que, comme disent les militaires eux-mêmes, « c’est le terrain qui commande la manœuvre ».

(1) Musicien burkinabé, de son vrai nom Zongo Seydou. Résidant actuellement en France, son dernier album, paru lors de la campagne présidentielle française, comporte une chanson dont le titre, « Un Hongrois chez les Gaulois », rappelle les origines du candidat Sarkozy, dont un des thèmes de campagne était la limitation de l’immigration en France.

Alain Saint Robespierre

L’Observateur

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