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Crash d’un avion d’Air Gabon Express : Les secouristes arrivent… après les journalistes

Publié le mardi 15 juin 2004 à 07h42min

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Si le président Bongo est prompt du verbe, il n’en a pas été de même pour le sauvetage des passagers du GBE 221 le 8 juin 2004. En ce jour malheureux, 27 minutes après son décollage de Libreville, l’avion d’une compagnie privée, Gabon Express, à destination de Franceville s’abîme en mer à quelque 100 mètres de la plage. A l’intérieur de cet appareil volant imitant oiseau naturel, se trouvaient 26 passagers et 4 membres d’équipage qui se démenaient comme de beaux diables pour sortir de la carlingue.

D’intrépides pêcheurs locaux avec leurs embarcations de fortune volèrent à leurs secours. Ainsi, ils ont hissé dans leurs barques les passagers ayant réussi à sortir de l’avion. Cependant à deux kilomètres de là, les secours officiels, assermentés et payés aux frais du contribuable, se prélassaient.

En bons fonctionnaires, ils devaient sans doute se tourner les pouces d’ennui et éclusaient leur nième bouteille de bangui. Car en bon francophone, un bon commis de l’Etat ne doit faire que ce qu’on lui demande. Certainement que la plupart étaient assoupis. La clameur de la foule, révoltée par cette inertie, dut les extirper de leur songe.

La mise en place de la foule terminée, les journalistes présents, voici que nos braves secouristes arrivent, toutes sirènes hurlantes sur le lieu du drame. Comme dans un mauvais remake d’un film de série B. Mais ils ne disposaient ni d’embarcation ni de moyens sous-marins.

Au Gabon, pays de pétrole, de forêt et de terre meuble, seuls les sapeurs-pompiers comptent des plongeurs dans leurs rangs. Encore ne sont-ils que quatre, et les moyens dont ils disposent, désuets. Mais le mal était déjà fait : 19 passagers de l’avion ont eu le temps de boire l’eau à en mourir.

Le lendemain, la logique sournoise de l’administration continue, toujours prompte à réquisitionner à tour de bras : un camion-grue, la barge sur laquelle ledit camion était installé, des bateaux pousseurs et des engins d’un chantier sont réquisitionnés auprès de services étatiques et d’entreprises privées.

Comme pour dire que l’Etat est souverain et maître de tout, sauf de ses propres conneries et turpitudes. En conseil des ministres, des obsèques nationales sont décrétées, et une commission interministérielle est mise en place pour -ne rions pas - éviter tout type de catastrophe à venir.

Ce refrain, la population l’a maintes fois entendu dans nos contrées africaines. Les familles gabonaises éplorées, qui ne veulent pas être les dindons de la farce, ont urbi et orbi rejeté les obsèques nationales proposées, mais elles ont quand même eu lieu hier.

Mais de qui se moque - t-on ? Ce n’est quand même pas la veille de l’accident que le Gabon a eu la mer ! Une intervention rapide aurait permis de sauver bien des vies à l’intérieur de la carlingue.

Quatre raisons expliqueraient le manque de promptitude de la part des secouristes, qui sont arrivés une bonne heure après le naufrage : la distance entre leur point de stationnement et le lieu du drame, la vétusté du matériel utilisé pour y parvenir, le manque de communication et les lourdeurs administratives.

Les trois premières raisons, courageusement, nous les balayons du revers de la main. Le crash a eu lieu à seulement deux kilomètres de leur point de stationnement, et un avion qui est en train de couler, ce n’est pas comme un martin-pêcheur qui plonge son bec pour cueillir un poisson. Cela se fait un peu voir de loin sans compter le grand plouf en sus.

On n’a pas besoin d’un Motorola dernier cri pour le savoir. Les journaleux qui ont devancé les secours ne dormaient tout de même pas sur la plage de la Sablière, devant laquelle est tombé l’avion ! Si fait que le scénario suivant ne nous étonnerait point : le conducteur du navire de secours attend le OK de son commandant de bord, qui avise l’amiral.

Ce dernier appelle son ministre de tutelle qui doit avoir le feu vert de Bongo himself, qui décide du sauvetage. Cette décision doit suivre le même cheminement pour redescendre. Avant que le chauffeur du navire, qui a eu le mérite d’avoir respecté la procédure administrative, commence à chercher la clef de contact.

Les naufragés auront ainsi le temps de se noyer à cause de la procédure administrative. Cet avion GBE a d’ailleurs eu plus de chance dans la promptitude à être secouru. Si on le compare au triste sort qu’a connu le Joola au Sénégal, qui a eu droit à la visite des secouristes... 36 heures après. Ainsi va l’Afrique.

Issa K. Barry
L’Observateur

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