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Vie chère : Les députés "auscultent" le pouls du pays profond

Publié le vendredi 25 avril 2008 à 13h35min

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La commission ad hoc de l’Assemblée nationale chargée de faire des réflexions et des suggestions sur la vie chère a séjourné à Bobo-Dioulasso dans les Hauts-Bassins du 20 au 22 avril 2008. La délégation des députés, conduite par Benoît Ouattara, président de ladite commission, a rencontré les acteurs économiques de la ville de Sya.

Après avoir rencontré les acteurs de premier plan du secteur économique de Ouagadougou, les députés membres de la commission ad hoc de l’Assemblée nationale chargée de réfléchir et de faire des suggestions sur la vie chère étaient du 20 au 22 avril 2008, à Bobo-Dioulasso. Dans la capitale de la région des Hauts-Bassins, les députés ont échangé avec les opérateurs économiques, les industriels, les représentants des structures de marchés de la ville, en vue de recueillir leur opinion sur l’impact des mesures gouvernementales pour atténuer les effets néfastes du phénomène et leurs propositions pour y faire face...

Les députés, pour cette sortie, ont marqué à l’aller, deux arrêts à Sabou et à Boromo et, au retour, un à Houndé, pour s’informer des prix des denrées de première nécessité. Dans l’ensemble de ces communes rurales, les prix se situent dans la fourchette des prix fixés. Seul le prix du sac de riz de 50 kg varie, en fonction de la qualité, entre 16 000 et 16 500 francs CFA. A Boromo, dans les boutiques, on peut trouver par exemple, la boîte de lait sucré à 800 francs CFA, la bouteille d’huile à 900 francs CFA, le paquet de sucre à 625 francs CFA.

Outre ces arrêts, le programme de séjour des membres de la commission qui s’est essentiellement exécuté le lundi 21 avril 2008 était assez chargé. Il a débuté à 9 heures par une visite de courtoisie au gouverneur de la région des Hauts-Bassins, Mathieu Bébrigda Ouédraogo. Visite au cours de laquelle les députés ont expliqué à leur hôte, les raisons de leur séjour à Bobo-Dioulasso. Les échanges avec les acteurs économiques et industriels ont ensuite commencé à la Chambre de commerce. Le bureau de la Chambre de commerce de cette ville au grand complet, était présent. C’est d’ailleurs le président de ladite institution, Djanguinaba Barro qui a conduit la délégation. "Nous sommes venus pour avoir votre appréciation sur le phénomène de la vie chère, surtout l’impact que les mesures prises par le gouvernement a eu sur vos activités et vos propositions pour faire face à la crise de la vie chère...", a laissé entendre le président de la commission.

Combattre la fraude à tout prix

La première réaction suite à cette introduction est venue du président du Groupement professionnel des industriels de Bobo-Dioulasso, Abdoulaye Nabolé. Les mesures sont venues rétablir les prix de certains produits, selon lui, mais il convient de les maintenir car à son avis, des solutions durables à cette crise viendraient s’il y a une incitation à produire local. Avec ces mesures, beaucoup d’industriels ont vu leurs chiffres d’affaires, qui étaient au rouge s’améliorer. Il a été soutenu par Lazare Soré, vice-président de la Chambre de commerce de Bobo-Dioulasso et président-directeur général de la Société africaine de pneumatiques (SAP). Au-delà des mesures prises par le gouvernement pour faire face à la crise, celui-ci a préconisé que l’accent soit davantage mis sur la lutte contre la fraude qui a toujours été le principal sujet des débats lors des rencontres gouvernement-secteur privé. De septembre 2007 à février 2008, la SAP avait en stock des produits finis d’une valeur estimée à un milliard de francs CFA qu’elle ne pouvait pas vendre à cause de la fraude.

Pour donner une idée de l’ampleur du phénomène, Lazare Soré a présenté des chiffres fournis par un service de l’administration. Au cours de l’année 2007, la valeur totale des importations sur les pneumatiques a été de cinq millions cinq cent cinquante quatre mille (5 554 000) F CFA. La SAP qui, habituellement, tourne avec trois équipes constituées chacune d’une centaine de personnes a été obligée depuis septembre 2007, d’envoyer deux des équipes au chômage pour ne garder qu’une seule. Actuellement, avec l’inspection obligatoire des marchandises importées par COTECNA décidée par l’Etat, les entreprises comme la SAP remontent tout doucement la pente. "Nous venons de constituer une deuxième équipe et si les mesures se poursuivent, il est certain que nous nous retrouverons au même niveau qu’avant...", a noté Lazare Soré qui précise que ce qui est arrivé à la SAP n’est pas un cas isolé.

Effets perceptibles des mesures du gouvernement

Pour ce qui est des mesures prises par le gouvernement afin de permettre au consommateur de faire face à la vie chère, leurs effets sont perceptibles, surtout sur les produits oléagineux. De l’avis des représentants des unités de transformation de ces produits, les prix de l’huile et du savon connaissent une baisse sensible suite aux mesures. Le bidon de 20 litres d’huile varie d’une unité à l’autre, entre 12 495 F CFA et 13 000 F CFA contre 15 400 F CFA avant les mesures. Une unité comme la SN-CITEC qui exporte une partie de sa production au Mali a suspendu cette filière depuis les mesures. "Nous avons produit 1000 fûts d’huile rouge pour le Mali, mais avec les mesures prises par le gouvernement, nous ne pouvons plus honorer cet engagement. Il faut alors retransformer cette production pour la consommation nationale...", a indiqué Mamadou Sanou de la SN-CITEC.

Mais, la production pourrait prendre un coup, faute de matières premières. La graine de coton , la principale matière pour la fabrication des huiles et le savon, fait défaut cette année. La SOFITEX, principal fournisseur en graines des unités de fabrique n’arrive pas à honorer ses engagements. La SN-CITEC qui a estimé ses besoins à 140 000 tonnes de graines n’en aura que 75 000. La SOFIB en a demandé 57 000, mais n’a obtenu jusqu’à présent, que 2 000 tonnes. Le Groupement des transformateurs de produits oléagineux du Burkina (GTPOB) a estimé, lui, ses besoins à 43 000 tonnes mais est presque sûr de ne pas avoir la totalité de ses besoins. Jossira, un autre groupement de transformateurs de produits oléagineux n’a rien reçu de la SOFITEX qui leur livrait les graines à crédit. "La SOFITEX a décidé cette année, de ne plus nous vendre les graines à crédit. Cette condition nous permettait de tourner. Nous employons 200 permanents et 400 saisonniers, soit au total, 600 employés. Nous les avons tous renvoyés…", a expliqué le président du groupement de Jossira, Maxime Kaboré.

Les autres unités, même si elles n’emboîtent pas le pas de Jossira, vont connaître des ruptures de production, à cause du manque de graines. La CITEC arrêtera de tourner en juillet et ce, jusqu’à la prochaine récolte de coton. A la SOFIB, on parle de mai. Face à ces difficultés, les responsables de ces unités sont unanimes qu’il faut importer l’huile et le savon pour combler le manque à gagner.

Bobo-Dioulasso reste la ville la plus marquée par le phénomène de la vie chère, du fait des violences y relatives survenues les 20 et 21 février 2008. Avec les structures des marchés de la ville, les députés membres de la commission ont voulu comprendre ce qui s’est passé. "Nous avons vu les événements venir à cause de certains indices…", a souligné Amadé Ouédraogo du Comité de gestion du marché central de Bobo-Dioulasso.
Selon lui, quelques jours avant les événements, la rumeur d’une marche courait la ville. "Un commerçant est venu un jour me remettre un tract qui appelait les commerçants à sortir pour une marche. Nous avons rencontré les autorités pour leur dire ce qui se préparait…", a soutenu Amadé Ouédraogo.

Pour lui, la vie chère n’a rien à voir avec les événements des 20 et 21 février 2008 à Bobo-Dioulasso qui ont eu lieu suite à l’application d’une loi de finances. "C’est la loi de finances 2008 qui a engendré ces violences. Des commerçants qui ont payé 25 000 francs CFA l’année dernière comme impôts se sont vu imposer 400 000 francs CFA en 2008. D’autres qui ont payé 7 000 francs CFA en 2007 ont vu leur imposition monter à 60 000 francs CFA en cette année 2008…", a expliqué Amadé Ouédraogo aux députés. Un commerçant imposé à 25 000 francs CFA peut-il voir cette imposition évoluer à 400 000 francs CFA d’une année à l’autre ? s’est-t-il interrogé en remettant les preuves de ce qu’il a avancé au président de la commission. Le directeur du marché central de Bobo-Dioulasso pour sa part, a affirmé qu’il y a eu un déficit de communication. "La direction régionale des Impôts n’a pas suffisamment communiqué. Il aurait fallu qu’elle explique aux commerçants cette loi…", a-t-il dit. Pour les commerçants, c’est après qu’il y ait eu des violences que les autorités ont tenu des séances d’explication.

Ils ont soutenu que les mesures prises par le gouvernement n’ont pas eu une incidence sensible sur les prix des produits. La mesure de compensation ne profite pas également, selon eux, aux petits commerçants. C’est pourquoi les prix connaissent toujours une augmentation. Le sac de 50 kg de riz se négocie, à les en croire, à 16 000 F CFA voire 17 000 F CFA par endroits.

Amadé Ouédraogo et ses camarades affirment que si les conditions d’importation du riz sont assouplies, les consommateurs pourraient avoir le riz moins cher.
Comme solutions durables à la vie chère, opérateurs économiques, industriels et commerçants proposent de mettre l’accent sur la production nationale. Pour les uns et les autres, le Burkina Faso sortira définitivement de cette vie chère si les consommateurs adaptent leurs habitudes alimentaires aux produits locaux.

Paraté Etienne NASSA


Le président de la commission fait le bilan

Benoît Ouattara, président de la commission ad hoc sur la vie chère : "C’était des rencontres absolument nécessaires pour permettre aux membres de la commission d’avoir une idée précise sur l’apport du secteur industriel dans la solution à la vie chère. Vous avez pu constater que, parmi les mesures prises par le gouvernement, les unités industrielles représentent une bonne part. Nous sommes donc venus nous rendre compte par nous-mêmes de ce que ces mesures prises ont eu comme impact".
Et nous pouvons dire qu’elles ont eu un effet de baisse pour ce qui concerne les produits oléagineux comme les huiles et le savon.

C’est une baisse sensible que nous avons notée et confirmée par les différents acteurs que nous avons rencontrés.
Avec les commerçants, c’était surtout pour comprendre leur perception du phénomène de la vie chère à Bobo-Dioulasso . Mais avec la direction du marché, c’était de savoir qu’elles ont été leurs anticipations pour permettre aux différents acteurs de se préparer à faire face aux événements malheureux survenus au mois de février 2008 qui auraient pu être évités s’il y avait eu davantage de concertation entre les différents acteurs comme nous l’avons noté.

Dans l’ensemble, les propositions visent à ce que notre économie se tourne vers davantage de productions, de solidarité aussi entre les différents acteurs économiques eux-mêmes.
Et cela représente un pas important à notre sens, dans une démarche collective visant à apporter une réponse durable au phénomène de la vie chère.

Sidwaya

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