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Industries extractives en Afrique de l’Ouest : L’harmonisation des régimes juridiques en chantier

Publié le jeudi 24 avril 2008 à 12h02min

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Dakar a abrité du 17 au 19 avril, un atelier de validation d’un projet de convention minière entre Etats de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). La CEDEAO et Oxfam America ont convenu d’élaborer un code minier commun afin de réduire les disparités existant entre les économies ouest-africaines en ce qui concerne les industries extractives.

La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Organisation non gouvernementale (ONG) Oxfam America sont dans une dynamique de réglementer le secteur des mines dans les quinze pays membres de l’espace régional. Une délégation d’acteurs de la société civile burkinabè a pris part à l’atelier aux côtés d’autres acteurs de l’espace CEDEAO, de la Mauritanie et du Tchad.

Quatre vingts participants en provenance de onze pays de la CEDEAO plus la Mauritanie et le Tchad. Des acteurs des communautés de base, des associations de défense des droits humains, des organisations de femmes et de jeunes, des ONG de développement ont pris part à cette rencontre.

Plusieurs raisons expliquent la présence des acteurs de la société civile à ce processus qui, généralement concerne les experts des Etats et des parlements. Selon Mamadou Bitèye, directeur régional d’Oxfam America : « Les industries extractives dans leur forme actuelle, n’ont pas contribué efficacement à la lutte contre la pauvreté, à l’augmentation du taux de croissance économique, bref à l’amélioration significative des conditions de vie des populations en Afrique. Or, elles représentent les trois quarts des échanges commerciaux entre l’Afrique et le reste du monde ». Ensuite, la disparité des cadres réglementaires et législatifs nationaux et la faible contribution du secteur (-1%) au budget sont considérées par les promoteurs de ce nouveau code comme étant les plus fondamentales. « Même si les industries minières dominent les économies ouest africaines, et même si la demande en métaux est en augmentation, la contribution du secteur au budget de ces pays est en train de décroître.

Dans certains cas, elle est moins de 1 % du produit intérieur brut (PIB) », a souligné Mamadou Bitèye de l’ONG Oxfam America à l’ouverture de l’atelier. Les experts estiment qu’en 2015, la contribution de l’Afrique subsaharienne aux exportations des ressources naturelles va passer de 17 à 25% des importations totales de pétrole et de gaz de ces pays.
Ces chiffres, indiquent les responsables de la CEDEAO et d’Oxfam America, interpellent les Etats, les investisseurs et les acteurs de la société civile sur leur responsabilité commune, quant à la mise en place des instruments de politique minière porteurs de développement durable au profit des populations.

Plusieurs explications sont avancées pour justifier l’état dans lequel se trouve l’Afrique de l’Ouest en matière d’industries extractives : la faiblesse des investissements, le désengagement de l’Etat de la propriété des mines au profit des compagnies multinationales, la fraude fiscale et le rejet par certaines compagnies de concessions de la part des gouvernements qui essaient d’attirer des investissements privés. « Les pays ouest-africains riches en ressources naturelles sont confrontés au défi de réconcilier la nécessité d’offrir des incitations pour attirer les investisseurs et celle de protéger la base des revenus », a fait remarquer le représentant de l’ONG américaine.
Mamadou Bitèye soutient que la plupart des codes miniers des pays membres de la CEDEAO disposent d’un régime fiscal qui vise à doper les investissements au niveau du secteur minier par une plus grande participation du secteur privé transnational

L’Emprise des multinationales

« Malheureusement, le régime fiscal en question est très souvent dominé par des accords séparés, signés auprès de certaines sociétés. Ces accords isolés offrent trop de concessions aux opérateurs privés et peu de protection pour les communautés, pour l’environnement et le budget national », a déploré pour sa part, le directeur de l’intégration économique régionale de la CEDEAO, Mamadou Makhtar Guèye. « Par conséquent, il faudrait un régime minier cohérent pour veiller à ce que le secteur contribue davantage à l’économie de façon durable, sans faire courir des risques déraisonnables à l’environnement et aux communautés », a-t-il préconisé.D’autre part, M. Guèye a déploré l’attitude des multinationales qui consiste à opposer les pays sur la question des investissements. « Afin de réaliser de tels investissements et de produire les codes miniers en question, les compagnies multinationales opposent les pays les uns aux autres et, ce faisant, utilisent leurs capacités de négociation du reste plutôt réduites », a-t-il dénoncé. Et Makhtar Guèye d’indiquer ainsi la voie à suivre : « Pour accorder une plus grande autonomie aux Etats, il y a lieu de concevoir une stratégie commune à travers un code minier conjoint, fondé sur des normes élevées de responsabilité pour les sociétés minières et les gouvernements.

Ceci permettra d’éviter une concurrence malsaine et la course vers le bas en matière de taux d’imposition, de normes environnementales et sociales, et des droits des travailleurs ».Les disparités existant entre les économies ouest-africaines en ce qui concerne les industries extractives et celles relatives aux cadres législatifs et réglementaires sont de grands chantiers auxquels la CEDEAO et l’ONG américaine cherchent à trouver des solutions. En élaborant notamment un cadre juridique communautaire dans l’espace régional devant régir le secteur minier. Ces deux entités se sont engagées à mettre en commun leur expertise et leurs ressources pour produire un code minier régional commun qui garantit au moins la stabilité sociale, la stabilité macroéconomique des économies nationales des pays membres de la CEDEAO et la protection de l’environnement.

La tâche est ardue, ont estimé les participants à l’atelier de Dakar, car le processus est long : il faut convaincre les gouvernements, les parlements, les institutions financières internationales, les investisseurs nationaux et transnationaux. Et l’épreuve ne fait que commencer avec cet atelier de validation destiné à la société civile. D’autres consultations du genre sont prévues pour les autres acteurs concernés, avant de soumettre le projet à l’appréciation de la Commission de la CEDEAO. Si celle-ci l’adopte, la balle restera dans le camp des Etats membres qui auront la tâche de ratifier le nouvel instrument juridique devant mettre de l’ordre dans le secteur minier en Afrique.

Tiergou Pierre DABIRE
Envoyé spécial à Dakar

Sidwaya

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