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Loi de finances 2008 : Les provisions des banques et compagnies

Publié le jeudi 13 mars 2008 à 11h01min

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La loi de finances 2008 a introduit une innovation importante pour les banques et établissements financiers notamment dans l’analyse de leurs charges comptables : il s’agit des provisions qu’ils constituent pour faire face à certaines charges jugées spécifiques comme les sinistres ou les dépréciations de créances.

Les provisions sont des déductions opérées sur les résultats d’un exercice en vue de faire face ultérieurement, soit á la dépréciation ou á la perte d’un élément d’actif, soit á une charge dont l’objet est nettement précisé qui, á la clôture de l’exercice, n’est pas encore effective, mais que les évènements en cours rendent probable. Ainsi définie, la provision est un élément essentiel dans la gestion de l’entreprise, en ce qu’elle permet de prendre en compte des charges dont la survenance peut révéler un manque de prévision de la part du chef d’entreprise. Pour être cependant prise en compte, il faut des conditions que toutes les entreprises ont du mal á respecter, non pas parce qu’elles ne le veulent pas, mais parce que dans de nombreux cas, leurs préoccupations ou leurs spécificités ne sont pas toujours prises en compte par la loi fiscale. Sont de ces situations, certaines provisions réalisées par les banques et établissements financiers.

1- L’apport de la loi de finances 2008

Le Code des impôts définit les conditions générales de déductibilité des provisions, ceci en son article 6, paragraphe 3 dans les termes suivants : ‘’les provisions constituées en vue de faire face á des pertes ou charges nettement précisées et que des évènements en cours rendent probables, á condition qu’elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l’exercice et figurent au relevé des provisions prévues á l’article 17 ci-après’’.

Ainsi décrit, le législateur donne en fait les conditions générales de déductibilité des provisions, c’est-á-dire les conditions de leur prise en charge dans le calcul du bénéfice industriel et commercial. Ces conditions se résument en deux grands points :

- il faut que ce soit des provisions qui couvrent des pertes ou des charges très clairement précisées et que des évènements rendent probables : cette condition en réalité n’est que la réaffirmation des principes généraux applicables aux provisions dans son sens comptable. Il n’y a donc pas á proprement parler de nouveauté.

- les provisions doivent être constatées par la comptabilité et faire l’objet d’un relevé détaillé : on en revient encore á la comptabilité dont le recours est essentiel pour éviter la fraude éventuelle que le contribuable peut accomplir á l’occasion de ces opérations. En partant de la comptabilité, le législateur pense pouvoir mettre également les actionnaires dans la lutte contre la fraude. Une deuxième sous-condition apparait également, c’est la nécessité d’un relevé de l’ensemble des provisions, comme annexe au bilan de l’entreprise.

Ces deux conditions générales de déductibilité ont l’avantage d’être relativement claires dans leurs principes. Le comptable de l’entreprise sait á quoi s’en tenir. Mais l’inconvénient majeur est qu’elles ne font pas cas de certaines situations particulières que l’on rencontre dans des secteurs d’activités de l’économie nationale. Et c’est ce point que la loi de finances 2008 a voulu corriger par la disposition suivante : ‘’sont en particulier déductibles :

- la provision pour annulation de prime et les provisions pour sinistres tardifs constituées par les entreprises d’assurance suivant la méthode de la cadence,

- la provision pour dépréciation de créances constituées par les banques et établissements financiers, en application des normes de prudence édictées par l’institut d’émission de la monnaie.

Ces provisions ne sont pas cumulables avec des provisions déterminées forfaitairement. La déduction des provisions pour dépréciation des créances ne font pas échec au droit de contrôle des conditions d’octroi et de suivi des crédits consentis".

2 - Observations

La loi de finances 2008 prend donc en compte les provisions que l’on peut juger particulières, constatées dans les sociétés d’assurance, les banques et établissements financiers. Elle élargit le champ d’application des charges soumises á déduction et donc permet á des contribuables d’intégrer des éléments de réduction de leurs bénéfices industriels et commerciaux. Ces entreprises, au regard de la spécificité de leurs opérations (par exemple elles spéculent avec l’argent des autres dans un environnement financier mouvant et tenant compte de l’évolution de l’économie international). Si ces provisions sont prises en compte, le législateur les a assorties de conditions (somme toute normales) générales de déductibilité, afin de pouvoir les remettre en cause. L’administration fiscale se réserve ainsi le droit de contrôler la mise en œuvre des conditions d’octroi et particulièrement le suivi des crédits consentis. Même s’il apparait que le suivi des crédits consentis par l’administration fiscale risque de s’avérer difficile, ce droit (que l’on peut qualifier de privilège) lui permet d’intervenir á tout moment pour ‘’rappeler á l’ordre’’ les bénéficiaires de la mesure.

Cette disposition de la loi de finances 2008 (que certains de l’administration fiscale ont vite qualifiée de concession) est une évolution majeure dans la prise en compte des préoccupations du monde des affaires maintes fois réitérées. On peut citer á ce propos les conclusions de le rencontre entre le gouvernement et le secteur privé á Bobo-Dioulasso en 2006, dont le thème portait exclusivement sur la fiscalité. A cette occasion, on se rappelle que ces points ont été débattus et promesse avait été faite par les pouvoirs publics d’y prêter une oreille attentive.

Doit-on s’en féliciter ? Dans le cas d’espèce, l’allègement des charges des entreprises d’assurance, des banques et établissements financiers est accompli, car elles n’étaient pas prises en compte. Le législateur s’est préoccupé et de manière spécifique, d’une catégorie importante de contribuables, d’un secteur particulier, en lieu et place des mesures et conditions de type généralistes, dont l’inconvénient majeur est de mettre ‘’tout le monde dans le même sac’’. Il faut surtout espérer que cette dynamique se poursuive, cet esprit du législateur soit désormais une continuité. En effet, l’un des reproches faits á notre système fiscal, est son caractère un peu trop généraliste, qui ne prend pas en compte (du moins pas suffisamment) les spécificités des secteurs d’activités. Même si les raisons de cet état de fait sont parfaitement compréhensibles, il faut évoluer vers une fiscalité plus proche des particularités des secteurs d’activités.

Amadou N. YARO,

Professeur, Directeur général du Centre d’Enseignement à

distance de Ouagadougou

Rectificatif :

Une coquille s’est glissée dans l’article intitulé ‘’loi de finances 2008 :baisse de l’impôt sur les bénéfices et de la retenue sur les vacations’’ paru dans ‘’Le Pays’’ du jeudi 14 février 2008. Dans le point 1-2, dans la tranche ‘’plus de

600 000, il faut plutôt lire 1 320 000 (un million trois cent vingt mille) et non 132 000 (cent trente deux mille). Merci á tous ceux qui ont attiré notre attention.

Le Pays

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