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Gestion du monde : Le Coq français défie l’Aigle américain

Publié le vendredi 11 juin 2004 à 08h39min

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Au lendemain du vote unanime de la résolution 1546 de l’ONU
sur l’Irak, le G8 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France,
Grande-Bretagne, Italie, Japon, Russie) a fait étalage de ses
divergences sur la manière de gérer les problèmes dans ce
pays et au Moyen-Orient en général, en dépit de l’adoption d’un
partenariat pour aider cette région à se démocratiser.

Dans la villégiature huppée de Sea Island (Georgie, sud-est
des Etats-Unis), les points de désaccords ont été
particulièrement flagrants entre le président américain, George
Bush, et son homologue français, Jacques Chirac, qui fut l’un
des adversaires les plus résolus de la guerre en Irak.

Le chef de
l’Etat français avait déjà annoncé les couleurs en étant le seul à
refuser de s’habiller de façon décontractée comme l’avait
suggéré le président américain à ses pairs. Une manière pour
lui de marquer son territoir et de souligner sa différence. Cet
anodin "incident vestimentaire" cachait en réalité une profonde
divergence entre les deux hommes quant à la manière de
conduire les affaires du monde.

Pendant que le locataire de la
Maison Blanche voit dans le projet du grand Moyen-Orient qui
doit s’étendre du Pakistan à la Mauritanie en passant par l’Iran,
l’Irak, l’Arabie Saoudite, la Syrie et le Maghreb, un cadre pour
soutenir les réformes démocratiques dans la région, son
homologue de l’Elysée, particulièrement critique, estime que le
Moyen-Orient n’a pas besoin de "missionnaires de la
démocratie", plaidant plutôt pour le respect des processus
locaux d’ouverture politique.

L’harmonie qui prévalait à l’ouverture du sommet après
l’adoption de la résolution onusienne sur la transition en Irak
s’est rompue sur des questions sensibles comme la réduction
de la dette irakienne ou l’implication de l’Otan dans ce pays.

George Bush a voulu profiter de son premier succès
diplomatique dans la crise irakienne ( vote de la résolution
1546) pour faire passer en force ses points de vue. Mais il s’est
heurté à l’opposition de la France qui ne tient pas à dépasser un
seuil de 50% de réduction de sa dette envers l’Irak alors que les
Américains (à qui Bagdad ne doit pas grand chose), plaident
pour une annulation de 80 à 90%.

Quoi qu’il en soit, Jacque Chirac, en digne héritier du gaullisme,
n’entend pas, contrairement à un Tony Blair ou un Sylvio
Berlusconi, être à la remorque de l’oncle Sam. Les Etats-Unis
qui demandent presque l’annulation complète de la dette de
l’Irak estimée à environ 120 milliards de dollars, sont pourtant
les principaux fossoyeurs de l’économie de ce pays.

En menant
cette guerre injustifiée contre Saddam Hussein, George Bush
dont le pays a toujours soutenu des dictatures à sa solde (en
Amérique Latine, dans les Caraïbes, en Asie et en Afrique) et
ses faucons du Pentagone, ont largement contribué à appauvrir
davantage le pays. D’ailleurs, l’Irak, même en ruines, est encore
plus riche que beaucoup de pays d’Afrique, d’Asie du Sud-Est et
d’Amérique Latine. Pourquoi doit-on annuler la dette irakienne
alors que la Maison Blanche se montre reticente à le faire pour
les pays les plus pauvres comme ceux d’Afrique ?

La France qui se veut le défenseur du Tiers Monde auprès des
instances internationales, ne pouvait accepter un tel écart de
traitement. En affichant sa nette différence avec la méthode
cavalière de Washington de vouloir conduire l’humanité, Paris
cherche avant tout à proposer autre chose que l’affrontement.

Dans un monde abruti par le diktat d’une certaine pensée, la
France préconise la diversité et le dialogue inter-continents au
moment où l’ONU ressemble de plus en plus à une coquille
vide. Si la présence à ce sommet du G8 de six chefs d’Etat
africains (Ghana, Ouganda, Afrique du Sud, Nigéria, Algérie,
Sénégal) a été prise à l’initiative des Etats-Unis, la France y a
entièrement souscrit. On le voit bien.

Ce sont les principaux
leaders du NEPAD (nouveau partenariat pour le développement
de l’Afrique) qui ont été conviés au pied des collines de la
Georgie pour discuter avec les argentiers de la planète, de
l’avenir du continent noir.

Pourvu que leur présence ait servi à quelque chose et surtout
qu’ils n’aient pas été invités à Sea Island comme objets
exotiques pour distraire les grands de ce monde.
Car en vérité, les problèmes de l’Afrique sont bien connus de
tous ces grands. Si leur bonne foi était toujours de mise, ils
commenceraient par permettre au continent noir un accès
équitable au commerce mondial et pratiqueraient une juste
rémunération de nos matières premières.

Le refus quasi-permanent de la France de se laisser conter par
l’Amérique, apparaît comme un élément de régulation des
ardeurs hégémoniques de la Maison Blanche. Et cela est très
heureux pour la paix de ce monde, suffisamment défiguré par
les fantasmes de Georges Bush.

Le Pays

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