Scepticisme mêlé de dédain, voire carrément un rejet, tels sont les sentiments qui animent ces opposants face à ce soudain intérêt à leur égard que manifeste le fondateur du PDS, après une longue ignorance méprisante.

La posture adoptée par « le Front Siggil Sénégal » (actuel regroupement des partis de l’opposition) est somme toute compréhensible, car on sait que depuis la réélection de Wade, le ressort déjà fragile qui existait entre eux et lui s’est cassé. Le casus belli est justement « ce passage en force » dont l’opposition qualifie, cette reconduction de Wade au palais de l’ex-Avenue Roume.

Car pour les Ousmane Tanor Dieng (PS), Amath Dansokho (PIT), Abdoulaye Bathily (LP/MPT) et d’autres comme Moustapha Niasse (AFP), l’actuel locataire du palais présidentiel a usé « d’un vol informatique et de fraudes massives » pour rempiler. Et ce n’est pas tout.

Car si le premier mandat de Wade (2000-2007) fut marqué par le naufrage du Joola, les criquets et les inondations, avec une accalmie tout de même sur le front politique et social, aidée en cela par le verbe présidentiel qui envoûtait comme un sortilège, le second, lui, est gros de tous les dangers :crise énergétique (des quartiers de Dakar sont régulièrement dans le noir), problématique des industries chimiques du Sénégal (ICS), plan REVA (retour vers l’agriculture) qui ne fait plus rêver, le tout baignant dans un contexte sociopolitique délétère.

En effet, les marches contre la vie chère et les grèves itératives font partie, depuis quelques mois, du quotidien de l’ancienne capitale de l’Afrique occidentale française (AOF). Un pathos ne venant jamais seul, l’ambiance politique au sein du parti « wadiste » sent souvent le soufre.

Il y a eu d’abord le vrai faux rapprochement entre Wade et son ex-dauphin Idrissa Seck, qui s’en est allé, jusqu’à preuve du contraire, en eau de boudin même si l’on susurre que le « Gorgui » (vieux) veut créer un poste de vice-présidence pour Idy, question de ramener véritablement le « Gorsi » (petit) dans le parti libéral.

S’y ajoutent les manœuvres politiciennes à la petite semaine dont le dernier avatar est « l’affaire Macky Sall », du nom de l’actuel président de l’Assemblée nationale. Pour avoir voulu entendre Karim Wade, le fils du président, sur sa gestion des fonds de l’Agence nationale de l’Organisation de la conférence islamique (ANOCI), l’actuel occupant du perchoir a perdu son poste de N° 2 du PDS et a même failli être éjecté de son fauteuil à l’Assemblée nationale, n’eût été les bons offices du nouveau Khalife général des Mourides, Mouhamoudou Lamine Mbara M’Backé, qui a obligé Wade à « pardonner » à Macky Sall.

Ce miniséisme au sein du PDS a encore ramené sous les feux de la rampe Karim, que d’aucuns soupçonnent à tort ou à raison de vouloir remplacer son père. Vrai ou faux, l’intéressé joue pour le moment la stratégie du silence.

Pourquoi alors Wade veut-il soudain mettre fin à son irrédentisme ? Ce regain d’activisme trouve peut-être une explication dans le sommet de l’OCI, prévu pour les 13 et 14 mars 2008. Les opposants voulant aussi tenir leurs assises nationales à la même période, ce qui ne manquera pas de troubler un peu ce raout de la Ouma islamique, le chef de l’Etat veut brandir cet écran de fumée, le temps d’accueillir ses Emirs avec leurs pétrodollars. Un traquenard que semble avoir éventé ses adversaires.

Z. Dieudonné Zoungrana

L’Observateur