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Emeutes contre la vie chère : Il faut siffler la fin des passe-droits dans le monde des affaires

Publié le lundi 3 mars 2008 à 11h15min

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La « vie chère » est une réalité. En tout cas si on s’en tient à l’inflation enregistrée ces temps derniers. Prendre donc des mesures pour la maîtriser s’impose. Pour autant, les manifestations violentes dans trois villes et principalement à Bobo-Dioulasso, la semaine dernière ont ému la quasi-totalité des Burkinabè. Difficile de les passer alors sous le prétexte d’une marche contre la hausse des prix.

Cette hausse des prix est vraiment un phénomène. Phénomène parce que la montée subite et vertigineuse des prix a surpris plus d’un. Cela est arrivé tel un tsunami et comme une sorte de maladie hyper contagieuse. Autant, on peut dire que le gouvernement n’a pas fait montre d’anticipation- même si le principe fondateur de l’économie libérale est que le marché se régule de lui-même - autant la remarque s’impose à toutes les composantes politico-socio-économiques.

A commencer par une opposition, grand spécialiste du médecin après la mort. Comme d’habitude, les journaux ont été envahis par une cascade de communiqués, déclarations venant des milieux politiques. Chaque chapelle donnant à l’occasion sa lecture d’évènements d’une rare gravitée. Une gravité qui commande que ne soit pas fait l’apologie de la violence, tentation forte chez une opposition disposée à absoudre même les casseurs et les bandits de grands chemins, prompts à profiter de la moindre opportunité pour piller et voler. Ce manque de discernement dans l’analyse, toute honte bue, est devenu à force d’être ressassé d’une banalité affligeante.

Ne pas stigmatiser un tel aveuglement dans la vision voulant que le pouvoir soit toujours coupable, contribue à installer la culture des analyses simplices et d’absolutions des casseurs. Pour ces derniers c’est comme si l’impunité pouvait passer. Et pourtant. Comment l’opposition peut-elle ne pas se rendre compte que ce décalage dans ses réactions publiques face aux péripéties de l’actualité pose la problématique de sa capacité à diriger et à contribuer à l’émergence d’une citoyenneté responsable. A force de se décrédibiliser, au motif de crucifier le pouvoir, c’est plutôt sa légèreté qu’elle étale et partant son incapacité à élever le niveau de l’analyse face à la complexité du monde d’aujourd’hui.

A défaut de soutenir le premier ministre…

On a beau être contre la « vie chère », il est difficile de soutenir que les manifestations transformées en casses organisées étaient portées par le citoyen lambda. Les populations, notamment les scolaires, pour une fois n’ont pas été dupes et ne se sont pas laissées entraîner par les commerçants véreux. A supposer qu’il y ait eu une augmentation des droits de douanes et des impôts, rien ne peut justifier ce déferlement de violences, si ce n’est la recherche délibérée du chaos. Des individus encore tapis dans l’ombre veulent un « munich social » parce que la fin du cafouillage dans le monde des affaires, signifie pour eux, la fin des haricots. Il existe une race de commerçants qui avec des prête-noms s’enrichissent sans honte en contournant la réglementation douanière et fiscale.

Comme, il n’est jamais trop tard pour bien faire, seuls ceux à qui profite « ce crime » peuvent cautionner des manifestations de ce type et s’aveugler à vouloir les faire passer par pertes et profits. Non, l’Etat doit sévir et avec toute la rigueur de la loi. Il doit aller au-delà des petits tartempions pour démasquer les bonzes tapis dans l’ombre. Sur ce point, nous sommes d’accord avec ceux qui soutiennent qu’il serait grand temps que l’ordre règne dans le monde des affaires et que soit sifflé la fin des passe-droits. Le Premier ministre est décidé à aller vers ce combat. A défaut de l’aider, ne mettons pas des bâtons dans ses roues par des réactions à contre-courant.

A quelque chose malheur est bon

L’action entreprise par le gouvernement pour le respect de la concurrence prouve bien que les prix ont augmenté de manière inconsidérée. Profitant de cette tendance, les commerçants ont dépassé les bornes et tout argument est bon à prendre pour le justifier, notamment la prétendue hausse des taxes. Cette réalité de la flambée de prix ne saura occulter une autre qui est celle de l’augmentation du cours des denrées de première nécessité au niveau mondial, entre 10 et 50% selon les cas. Avoir une juste compréhension de cette crise mondiale, c’est d’abord savoir que l’action gouvernementale aura des limites. Les étiquettes ne reviendront pas aux niveaux initiaux, mais il s’agit de traquer la surenchère qui a cours, faisant que de nombreux produits sont hors de prix.

Lutter contre ce dérèglement, voire ce désordre général se traduit par un retour à des propositions reflétant la réalité du marché. Un marché dictant une augmentation des prix, mais certainement pas la couleuvre que les spéculateurs veulent qu’on avale, en crevant le plafond des prix sans scrupule. A quelque chose malheur est bon. Les évènements de Bobo-Dioulasso pour cela auront accéléré un processus inéluctable de remise en ordre de la donne économique nationale. Rien n’est pire pour une nation, que lorsque des individus, notamment ceux dits puissants ou se prenant pour tels, agissent chaque jour contre la communauté nationale. La recherche du profit dans le commerce est incontestable, mais en faire une finalité obsessionnelle ne peut que rompre le fragile équilibre si difficilement acquis. En tout cas, ils ont permis d’ouvrir les yeux aux dirigeants et à tout le moins de les conforter dans leur choix d’assainissement d’un milieu où la permissivité désole les populations.

Il ne faudra ni reculer, ni faillir. Car une société a, à se nourrir des péripéties de son histoire et particulièrement lors des traversées de graves épreuves. Apprendre lorsqu’on trébuche est la moindre des choses. Ne pas le faire appelle à aller à sa perte. Au moment où les signaux exigent que la gouvernance serve enfin aux intérêts collectifs et non particuliers, ramener les commerçants dans le droit chemin serait un signal fort. Que les uns et les autres sachent que sera bannie à jamais, cette morgue des gens sans distinction se croyant au-dessus des lois.

Souleymane KONE

L’Hebdo

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