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George Bush en Afrique : Visite d’adieu aux relents électoralistes

Publié le mardi 19 février 2008 à 10h17min

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George W. Bush effectue sa deuxième et dernière tournée africaine en tant que président des Etats-Unis. Une tournée qui le conduit au Bénin, en Tanzanie, au Rwanda, au Ghana et au Liberia. Au cours de ce périple entamé depuis le 15 février et qui devrait prendre fin le 21 du même mois, il sera principalement question d’économie, de santé et de sécurité. Pour parler de son voyage, George Bush avait volontiers accepté de s’entretenir avec la prestigieuse radio française RFI.

A entendre le président américain, on aurait presque eu envie de dire qu’on ne connaissait pas cette autre facette de George Bush. Car, contrairement à l’image de belliciste qu’il a toujours renvoyée au reste du monde, Bush s’est présenté sous les traits d’un président au grand coeur. On aurait dit qu’il n’a jamais été visité par la haine, la brutalité et la vengeance. En somme, un président ayant toujours été disposé à faire le bien et rien que le bien. Dans l’entretien accordé à RFI, George Bush dont le ton tranchait avec les précédents discours va-t-en-guerre, a assurément fait dans ce que les Grecs appellent le pathos, pour désigner cette méthode oratoire faisant appel à l’émotion. Morceau choisi du message adressé aux Africains : "Je veux que les populations du continent africain sachent que les Américains se soucient beaucoup de la condition humaine. Lorsque l’on voit de la souffrance, cela trouble nos consciences, et nous voulons aider. Et je crois que ceux à qui il a beaucoup été donné doivent faire beaucoup".

Dans quelques mois, ce président que 34% des Américains qualifient de plus mauvais depuis 1945 (selon un sondage réalisé par l’Université Quinnipiac), va dire adieu à la Maison-Blanche. Un blâme qui cache cependant une éclaircie : au cours de ses deux mandats, Bush aura été l’artisan de la promotion de l’intelligentsia afro-américaine. Les Afro-Américains Condoleezza Rice, Colin Powell et bien d’autres encore sont autant d’icônes coulés dans le moule de l’artisan Bush.

Cela dit, s’est-il pénétré de l’idée que l’heure est venue pour lui d’associer son départ à une impression forte, en portant un regard plus attendri sur l’Afrique ? En tout cas, il serait difficile de dissocier ce périple de la campagne électorale que vit en ce moment le pays de l’Oncle Sam. La tournée du président américain pourrait en effet avoir des visées électoralistes. Connaissant l’intérêt grandissant des Afro-Américains pour l’Afrique, Bush voudrait bien faire un clin d’oeil à cet électorat pour le compte de sa famille politique, le parti républicain. Une façon pour le dirigeant américain de chasser sur les potentielles terres du démocrate noir, Barack Obama, dont les chances de se voir investir par son parti pour le compte de la présidentielle, sont loin d’être minces. Même si, pour l’heure, rien n’indique que les Américains sont prêts à placer un Noir à la tête des Etats-Unis, si, bien sûr, Obama, était investi par le parti démocrate. Contrairement au Bénin et au Ghana, deux pays qui furent, il faut le souligner, de grands pourvoyeurs d’esclaves pour l’Amérique, le Burkina ne figurera pas sur la liste des Etats africains à visiter. Une fois de plus, et comme en 2003, il n’aura pas l’insigne honneur de recevoir George Bush. On peut remarquer que le président burkinabè n’a jamais non plus été reçu en visite officielle par son homologue américain. Blaise Compaoré en a-t-il manifesté l’intérêt ? Bush lui en a-t-il offert l’occasion ? Son homologue géographiquement très proche, Amadou Toumani Touré, ne dira pas le contraire, lui qui vient de serrer la main à l’homme le plus puissant du monde. Toujours est-il qu’on ne peut pas dire qu’il y a des frictions dans les rapports entre le Burkina et les Etats-Unis, comme comme ce fut le cas autrefois. Bien au contraire, les deux pays semblent, en ce moment, filer le parfait amour, en témoigne notamment l’éligibilité du Burkina au Compte challenge du millenium (MCA) et autres approches d’assistance dont le pays bénéficie pour son développement. Dans la dynamique du rapprochement entre les deux pays, ce n’est pas un secret que les Etats-Unis et le Burkina regardent dans la même direction à propos du coton transgénique, et ont rapproché leurs positions en ce qui concerne le terrorisme international, au risque de mécontenter l’organisation terroriste Al Qaida.

Bref, l’un dans l’autre, la visite de Bush en Afrique occidentale aurait au moins du valoir une escale technique de quelques heures à Ouagadougou. Certes, quelques grandes figures de l’administration Bush, tel le secrétaire d’Etat adjoint du département d’Etat américain, John Negroponte, se sont rendues au Burkina. Mais que représentent ces hauts commis de l’Etat américain, à côté de l’homme qui dirige le pays le plus puissant du monde ? Nul doute que sa visite au Burkina aurait donné le sentiment d’une amitié renforcée entre les deux pays, quand bien même Bush s’apprête à quitter la scène.

Du reste, comme on le dit en Afrique, ce n’est pas si grave qu’entre amis, on ne se rende pas visite. Mais çà l’est, quand votre ami passe devant votre porte sans daigner vous adresser un salut. Une escale du président américain au Burkina n’aurait pas été de trop, d’autant plus que Blaise Compaoré a été reconduit à la tête de deux grandes organisations sous-régionales, à savoir la CEDEAO et l’UEMOA, après avoir été investi de la confiance de ses pairs africains, pour avoir activement contribué au retour de la paix au Togo et en Côte d’Ivoire. Cela devait faire de lui un interlocuteur incontournable. Mais ce n’est pas tout : chouchou de la France, du moins du temps de Jacques Chirac, le Burkina a quelque peu dû sacrifier son amitié traditionnelle pour la France pour se tourner également vers les Etats-Unis. Ce qui aurait aussi pu servir de prétexte à une halte au Pays des hommes intègres. Mais qui sait ? Peut-être est-ce parce que le Burkina n’a pas associé à tous ces atouts, le statut envié de pays producteur de pétrole ? Peut-être est-ce aussi parce que le Burkina n’a pas suffisamment atteint le niveau de démocratie souhaité par l’Amérique, pour taper dans l’oeil de l’Oncle Sam ? Ou bien, faut-il tout simplement croire que le Burkina n’est pas au coeur d’une quelconque stratégie des Etats-Unis ? Car, après tout, les relations entre Etats ont toujours été fondées sur les intérêts.

"Le Pays"

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