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Abraham Nignan, le burkinabè de Sao Tomé

Publié le mercredi 9 juin 2004 à 07h38min

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Il se nomme Abraham Nignan. Né en 1968 à Wayou dans la province du Ziro, Abraham Nignan, parti à l’aventure en 1977, est aujourd’hui l’un des rares opérateurs économiques burkinabè à avoir choisi São Tomé et Principe comme lieu de résidence. Rentré au Burkina Faso voilà cinq mois, il dévoile dans cet entretien ses projets d’investissement et surtout la situation des compatriotes burkinabè vivant au Gabon et à São Tomé.

Sidwaya (S.) : Pourquoi avez-vous choisi d’aller à l’aventure ?

Abraham Nignan (A. N.) : Comme pourrait le faire tout autre Burkinabè, je suis allé à l’aventure dans l’espoir de trouver une vie meilleure quelque part dans le monde. Et je pense l’avoir trouvée dans mon aventure. Actuellement, je suis basé à São Tomé et Principe et j’arrive à venir en aide à mes compatriotes qui y résident ou qui vivent au Gabon.

S. : Vous portez souvent secours à des compatriotes en difficultés. En quoi consiste votre aide ?

A. N. : Vous savez que le Burkina Faso ne dispose d’ambassade ni au Gabon ni à São Tomé et Principe. Nous avons un consulat au Gabon qui s’occupe également des compatriotes vivant en Guinée Equatoriale et à São Tomé. Je travaille avec le consulat pour amoindrir les difficultés de nos frères burkinabè. Environ sept mille cinq cents (7 500) Burkinabè sont actuellement reconnus par les services consulaires. Ils vivent tous au Gabon. Ceux qui se sont fait enregistrer par le consulat et qui vivent à São Tomé sont au nombre de mille cinq cents (1 500). Ce sont des chiffres officiels. Notre tâche consiste à faire en sorte que les difficultés relatives aux documents administratifs ou à l’emploi que peuvent connaître les Burkinabè, soient aplanies. Lorsque j’apprends que des frères burkinabè souffrent au niveau du consulat pour obtenir l’établissement de leurs pièces administratives, j’interviens depuis São Tomé pour faciliter leur tâche.

S. : Quelle appréciation faites-vous de la cohabitation entre Burkinabè et Gabonais d’une part et d’autre part, entre Burkinabè et Saotoméens ?

A. N. : Je suis fier d’être Burkinabè. Nos compatriotes sont très bien vus au Gabon comme à São Tomé et Principe. Parmi tous les Africains venant de l’Afrique de Ouest et qui résident au Gabon ou à São Tomé, je peux vous affirmer que les Burkinabè sont les seuls à n’avoir pas trop de problèmes en matière de cohabitation. Ce qu’on n’aime pas au Gabon, c’est surtout l’immigration clandestine. Il y a des gens qui arrivent au Gabon sans visa et ils sont considérés comme des fraudeurs et traités comme tels. Un Burkinabè qui rentre au Gabon par la voie normale avec toutes ses pièces en main, n’a absolument rien à craindre.

J’ai fait presque le tour du Gabon et je n’ai pas appris qu’un acte xénophobe a été perpétré contre un Burkinabè. Quand un Burkinabè atterrit aujourd’hui au Gabon, on lui souhaite la bienvenue depuis l’aéroport parce que les Burkinabè sont de grands travailleurs.

S. : Au Gabon comme dans d’autres pays, les rafles sont souvent préjudiciables aux communautés étrangères. Comment le consul gère-t-il la situation des sans-papiers burkinabè au niveau du Gabon ?

A. N. : Le problème que rencontrent certains compatriotes au Gabon ou à São Tomé est celui des documents administratifs. En cas de contrôles policiers, lorsque des Burkinabè sans-papiers se font rafler, le consul qui est un Français appelle le commissariat central pour connaître leur identité. Si c’est un Ouédraogo qui est raflé, il entre en contact avec un autre Ouédraogo qui va se charger de sa libération. Pour l’établissement des cartes d’identité par exemple, il faut quitter São Tomé pour se rendre à Libreville. Pour un travail qui nécessite au maximum trois heures (parce que tout est déjà conçu dans un ordinateur), un Burkinabè qui vient d’une province gabonaise ou de São Tomé passe trois jours à Libreville avant de l’obtenir. Je suis intervenu l’année dernière auprès du consul pour accélérer le temps mis pour délivrer les documents administratifs. Le consul a pris acte et a promis de revoir les choses pour faciliter l’établissement des actes administratifs. Je pense que les choses vont maintenant bien mais il serait mieux que les autorités burkinabè songent à créer ou à installer une ambassade au Gabon. Nous avons sérieusement besoin d’une ambassade au Gabon. Cela permettra de mieux répondre aux besoins des compatriotes résidant au Gabon, à São Tomé ou en Guinée Equatoriale.

S. : Quelle image le Burkina Faso donne-t-il à l’extérieur ?

A. N. : Je puis vous assurer que le Burkina Faso a une bonne image à l’extérieur. Que ce soit au Gabon, à São Tomé ou ailleurs, notre pays est bien perçu. C’est pourquoi je vous dis que je suis très fier d’être Burkinabè.

Quand je suis arrivé au Burkina Faso, j’ai rencontré beaucoup de gens que j’ai connus à l’étranger. Ils ne sont pas Burkinabè. Lorsque je leur pose la question de savoir comment ils trouvent mon pays, le Burkina Faso, ils me répondent que nous devons être fiers d’être Burkinabè. Le Burkina Faso est un pays de paix que beaucoup d’étrangers apprécient très bien.

Personnellement, c’est la première fois que je viens rester cinq mois au pays. Chaque année, je rentre voir les parents mais je fais juste un mois et je repars à São Tomé. J’apprécie l’évolution actuelle du Burkina Faso et je parie que si notre pays maintient la même allure, nous n’envierons aucun autre pays dans vingt (20) ans.

S. : Qu’avez-vous constaté de changé dans ce Burkina considéré comme l’un des pays le plus pauvre au monde ?

A. N. : Quand vous parlez de pauvreté, je dis non. Le Burkina Faso n’est pas le seul pays pauvre. Il y a la pauvreté partout ; même aux Etats-Unis. On ne peut pas parler de pauvreté dans la mesure où on a la possibilité d’aller manger chez son cousin ou chez son oncle. Ailleurs ce n’est pas possible. On peut au Burkina aller passer la nuit chez quelqu’un qu’on ne connaît pas. Je vais vous raconter une anecdote. Au cours d’une réunion que nous avons tenue avec des Maliens, des Guinéens, Sénégalais au Gabon, on m’a demandé de présenter mon pays, le Burkina Faso. Quand j’ai fait cette présentation, beaucoup ont pris la décision de venir connaître le Burkina. Ils sont venus constater qu’il y a la paix, moins de tracasseries policières et la population est très accueillante. On ne trouve pas cela dans tous les pays. C’est pourquoi nous devons nous féliciter et encourager les dirigeants du Burkina Faso.

S. : En tant qu’opérateur économique, avez-vous des projets d’investissement au Burkina Faso ?

A. N. : Bien sûr. Je suis venu au Burkina Faso pour tâter le terrain et voir dans quel domaine je pourrai investir. Cela fait cinq (5) mois que je suis arrivé au pays. Je me suis rendu à Bobo-Dioulasso où j’ai l’intention d’investir dans le zoo situé derrière le commissariat central de police. J’ai constaté que les animaux qui s’y trouvent sont en voie de disparition. C’est pourquoi j’estime qu’il faut faire quelque chose. Il y a aussi le manque de logements que j’ai pu remarquer à Bobo-Dioulasso. J’ai donc en projet la réhabilitation du zoo de Bobo-Dioulasso et la construction de logements pour créer un véritable site touristique.

S. : Avez-vous déjà entrepris les démarches auprès des autorités compétentes de Bobo-Dioulasso en vue d’obtenir une autorisation d’exploitation ou de réhabilitation de ce zoo ?

A. N. : Oui. J’ai rencontré le maire Célestin Koussoubé, son conseiller juridique et d’autres autorités de la ville dans le cadre de ce projet. Je leur ai présenté mon plan de travail et j’espère que le projet aboutira. Si j’obtiens l’autorisation des premiers responsables de la ville de Bobo-Dioulasso, je concrétiserai le projet en un an de travail. Au-delà des paillotes, du restaurant et des logements que je compte y construire, j’envisage aussi de créer un espace de distraction pour les enfants. Maintenant, j’attends le feu vert des autorités de Bobo-Dioulasso pour apporter ma contribution au développement de cette ville.

S. : Y aurait-il un dernier aspect sur lequel vous aimeriez intervenir ?

A. N. : J’ai parcouru plusieurs pays de l’Afrique surtout ceux du Centre. On dit que nous sommes dans un pays pauvre parce que nous n’avons pas de pétrole, pas de gaz, pas non plus de café ou de cacao mais nous devons être fiers. Si nous comparons ce que nous avons comme infrastructures (scolaires, routières, sanitaires, etc.) à celles dont disposent d’autres pays riches en café, cacao, en pétrole et en gaz, en tant que Burkinabè, nous pouvons nous enorgueillir. D’autres pays nous envient et nous ne pouvons qu’encourager les dirigeants du Burkina Faso.

Entretien réalisé par Enok KINDO
Sidwaya

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