LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Lutte contre la corruption : Les suggestions du député Mahama Sawadogo

Publié le mardi 12 février 2008 à 10h30min

PARTAGER :                          

La lutte contre la corruption est, une fois de plus, sous les projecteurs au Burkina avec la récente publication du Rapport 2006 du Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC) sur l’état de la corruption dans notre pays. Face au caractère endémique de ce fléau, le député Mahama Sawadogo du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), parti au pouvoir, a sa petite idée pour l’éradiquer ou, à tout le moins, l’endiguer. Il fait une série de suggestions dans les lignes qui suivent.

"Parmi les questions de l’agenda politique, la lutte contre la corruption passe pour la question la plus consensuelle. En effet, les institutions de la République, la classe politique, les organisations de la société civile se prononcent sans nuance apparente sur la nécessité de déclarer "la guerre totale généralisée" contre ce fléau omniprésent (à des degrés divers) dans l’espace et le temps qu’est le phénomène de la corruption.

Cette guerre comporte, naturellement, deux batailles : d’une part la répression et, d’autre part, la prévention. Ces deux batailles doivent être menées concomitamment mais en mettant l’accent sur la prévention et cela, pour au moins trois raisons :

- d’abord, pour réprimer il faut disposer de coupables, ce qui n’est pas chose facile, puisque les enquêtes n’aboutissent pas fréquemment à des poursuites du fait que les délinquants sont généralement des personnes physiques ou des organisations extrêmement puissantes ( grâce à des liens avec des puissances politiques et financières) capables de défier et les enquêteurs, et les juges ;

- ensuite, comme le disent certains spécialistes de la lutte anti-corruption, la sanction pénale qui est censée à la fois punir, intimider, éliminer ou neutraliser, au moins provisoirement, amender et resocialiser le délinquant, tout en exerçant un effet de dissuasion sur les imitateurs éventuels, a des limites car ces diverses fonctions de la sanction ne sont, en réalité, guère compatibles ;

- enfin, selon le précurseur de la criminologie, M. Beccaria, il vaut mieux prévenir les crimes que les punir.

Ainsi, dans l’optique de mettre l’accent sur la prévention de la corruption, on pourrait suggérer, entre autres, ce qui suit :

Sur le plan de l’Administration

Le fonctionnement de l’Administration est générateur de deux causes de corruption : il y a, d’une part, la lenteur née de la complexité des structures administratives qui crée des tendances chez les usagers à vouloir l’accélération du traitement de leurs affaires ; ce qui les amène à proposer des cadeaux et présents à des agents publics. Il y a, d’autre part, le fait que la prérogative de puissance publique permettant à l’Administration d’imposer des obligations, de délivrer des autorisations et de conférer des droits crée des tendances chez certains usagers à vouloir modifier les décisions administratives dans un sens qui leur soit favorable ; ce qui conduit ces usagers à proposer des pots-de-vin à des agents publics.

Comme antidote de la cause découlant de la lenteur administrative l’on pourrait, par exemple, soumettre l’Administration à des délais à l’issue desquels son silence vaudrait réponse positive. A titre d’illustration, une demande d’autorisation, après un certain délai, est considérée comme ayant reçu un accord tacite de l’Administration.

Quant à la cause découlant de la prérogative de la puissance publique, une analyse critique des actes de l’Administration, par secteur administratif, (douane et impôts, examens et concours, justice...) permettrait de réduire la volonté de corruption des usagers de l’Administration. A titre d’illustration :

- au niveau de la douane et des impôts, des taxes et procédures non très contraignantes amoindriront la volonté de corrompre des usagers de ces services ;

- au niveau des examens et concours : la double ou triple correction décourageront les potentiels corrupteurs ;

- au niveau de la justice : le recours à l’arbitrage, à la conciliation et à la médiation pourra ( en matière civile) limiter la volonté de corruption.

L’arbitrage est une sorte de justice parallèle permettant aux parties en contestation de confier le soin de trancher leur contentieux à une ou plusieurs personnes (arbitres) qui, par leurs qualités (compétence, expérience, intégrité), leur inspirent confiance.

La conciliation est une procédure qui permet d’éviter le procès. Elle se pratique sous l’autorité soit d’un juge, soit d’un conciliateur soit d’un médiateur.

A titre d’information, on peut retenir qu’une cour d’arbitrage et de conciliation a été créée à Paris en 1992.

La médiation est assurée par un médiateur qui peut être soit désigné par le juge, soit d’office, soit à la demande des parties. Le médiateur a un rôle plus actif que celui du conciliateur dans la mesure où il recherche et propose aux parties des éléments d’une entente.

Sur le plan économique

Il est aisé de comprendre que la libéralisation des marchés, la compétition entre entreprises rendant plus agressives les méthodes de direction d’entreprises, soit source de causes de corruption et, principalement, de la grande corruption.

Dans ce contexte, il est également aisé de comprendre pourquoi le domaine des marchés publics est un terrain propice à l’exercice de la corruption, dans la mesure où l’Etat est le plus important client des entreprises, tous secteurs d’intervention confondus. C’est pour cela que l’Administration et la gestion des marchés publics nécessitent une révolution dans les procédures et méthodes. Dans ce sens, on pourrait suggérer qu’en sus de l’examen habituel des dossiers d’appel d’offres, les commissions d’attribution des marchés se déportent systématiquement sur le terrain afin de vérifier les capacités techniques, humaines et financières des entreprises et autres bureaux d’études. De cette façon, on pourrait décourager de potentiels corrupteurs.

Au plan des agents publics

En vue de décourager les corrompus potentiels, on peut suggérer le recours à la méthode de l’inventaire des biens et avoirs de prise et de cessation de fonctions. Cette méthode constitue un contrôle a priori et a posteriori des fonctionnaires publics dans le cadre d’une action de moralisation de l’Etat et de l’Administration publique. Seuls les hauts responsables politiques et administratifs seront assujettis à cette mesure."

Mahama SAWADOGO,
Député

Le Pays

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique