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Tchad : Pourquoi la rébellion a échoué

Publié le jeudi 7 février 2008 à 10h28min

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Une coalition de groupes d’opposants au président tchadien, Idriss Deby, engagés dans une rébellion armée, est parvenue la semaine dernière à entrer dans la capitale N’Djaména, à occuper divers quartiers de la ville, jusqu’aux portes du palais présidentiel. Puis, ils ont dû reculer, et on peut penser qu’ils ont échoué dans leur tentative de prendre le pouvoir.

Encore une fois, l’Afrique a fait la Une des médias pour des maux qui lui semblent coller à la peau. Combats en pleine ville, tentative de prise du pouvoir par la force, cadavres, corps calcinés ou déchiquetés. D’abord au Kenya, ensuite au Tchad. C’est, on pourrait le penser, un mal consubstantiel à l’Afrique : la lutte pour le pouvoir est normalement violente, seulement parfois exceptionnellement pacifique ; elle semble devoir , de ce côté-ci de la planète, entraîner le malheur des populations innocentes.

La faute ? Bien entendu elle revient aux Africains eux-mêmes, qui semblent incapables de s’émouvoir des souffrances de leurs concitoyens et s’affranchir de la tutelle des forces étrangères qui, on le sait, défendent leurs propres intérêts. Les pouvoirs africains assument la plus grande responsabilité. Quand ils musellent leurs oppositions, quand ils font du jeu démocratique un paravent derrière lequel ils se livrent à une corruption effrénée, quand le principe de l’alternance devient un piège à gogo, la révolte violente est toujours potentielle. Les oppositions aussi assument une responsabilité. En général, elles sont incapables de s’unir pour offrir aux populations une perspective crédible. Souvent, elles cèdent à la corruption, aux efforts que les pouvoirs déploient pour les diviser et offrent aux peuples une image déplorable. Un jeu politique confus, illisible incite les gens à penser que les hommes politiques sont tous pareils. Or, il n’y a rien de pire que le sentiment du "tous pourris", qui laisse une nation sans espérance. On comprend qu’il n’y a qu’un pas, de ce sentiment à la résolution de recourrir à la violence. Si les jeunes gens sont disponibles pour les violences de toutes sortes, c’est, en partie, que nos politiques sont incapables de leur donner un espoir crédible.

Enfin, il est clair que les puissances étrangères qui sèment le vent pour récolter des fortunes dans l’exploitation des sous-sols de certains pays ont aussi une grande part de responsabilité quoi qu’en dise Nicolas Sarkozy.

Mais pourquoi la rébellion a-t-elle échoué si près du but ?

On peut avancer une première raison. C’est que, contrairement à ce qu’elle a peut-être eu la naïveté de croire, la France n’a pas changé sa politique africaine, au point de laisser une scène politique se jouer sans elle. Elle qui a toujours été maître de la situation. L’armée française a laissé avancer les troupes rebelles sans les gêner dans leur progression. Il est possible que celles-ci aient pu penser que les derniers événements liés à l’aventure de l’arche de Zoé avaient déstabilisé les relations entre les deux Etats au point que les Français pouvaient les laisser faire. Et il est vrai que, dès le départ, l’attitude des autorités françaises a été extrêmement ambiguë : d’un côté le ministère de la Défense affirmait que les accords entre la France et le Tchad ne les autorisaient pas à intervenir ; de l’autre, le communiqué du ministère des Affaires étrangères affirmait le soutien total à Idriss Deby, présenté comme un président légitimé par le suffrage universel. Peut-être, les Français, en laissant avancer les troupes rebelles jusqu’au coeur de N’Djamena, ont-ils voulu envoyer un message fort au président tchadien : il ne doit pas se montrer trop indépendant de la France car, il n’en a pas les moyens.

On doit reconnaître aussi que les temps ont changé. Bien entendu, la conquête du pouvoir est toujours passée par la rébellion armée. L’actuel locataire du palais présidentiel tchadien est bien placé pour le savoir. Mais la situation internationale n’est plus la même. On peut se demander en effet si l’on peut accepter ces morts que l’on a vus sur tous les écrans de télévisions, si l’enjeu est la conquête du pouvoir. Qu’est-ce que les opposants sont si sûrs d’apporter de bien au Tchad pour que des milliers de vies brisées ou ôtées soient considérées comme prix payer ? Quelle fin désirable peut être servie non seulement par ces morts, mais encore par le spectacle atroce de ces cadavres déstructurés ? Aussi bien l’Union africaine, fidèle à ses engagements, a-t-elle condamné l’action. Et la France n’a pas eu de mal à obtenir une condamnation par la communauté internationale. De telle sorte que le temps joue maintenant contre la rébellion.

Plus le temps passe, plus il est clair qu’elle a manqué son but. Elle ne peut plus revenir à la charge sans se heurter à l’armée française, puisque Nicolas Sarkozy s’est à présent assuré de pouvoir intervenir légitimement, du moins aux yeux de la communauté internationale.

Il reste à espérer que le président Deby, dont l’incontestable courage de chef de guerre lui a permis de rester droit dans ses bottes, quand tout semblait perdu, en prendra de la graine et qu’il deviendra, ayant traversé cette épreuve, un véritable homme d’Etat : sensible à l’air du temps, au service des intérêts véritables de son pays.

"Le Pays"

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