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Campagne agricole 2006-2007 : la gestion des conflits agriculteurs-éleveurs

Publié le vendredi 18 janvier 2008 à 10h39min

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Dans cette lettre qu’il adresse au Premier ministre, signataire de l’arrêté conjoint n°2000_31/MRA/AGRI/MEE/MATS/MEM/MIHU, portant création des commissions de règlement des différends entre agriculteurs et éleveurs, Lambert Djiguemdé dresse le bilan des conflits entre agriculteurs réglés à l’amiable au titre de la campagne agricole 2006-2007

La gestion des conflits, notamment entre les agriculteurs et les éleveurs, est devenue ces derniers temps une préoccupation majeure des autorités burkinabè, surtout après les évènements sanglants de Gogo. Il est vraiment louable de constater l’encouragement actuel des autorités pour venir à bout de ce genre de conflits et instaurer la paix sociale entre ces catégories socioprofessionnelles qui sont par ailleurs les plus nombreux en milieu rural et se confondent à la limite en une seule tant leur différence est souvent difficile à établir ; chacun de ces acteurs pratiquant quasiment les deux activités dont l’importance peut varier en fonction du temps.

Cependant, les évènements dramatiques de Sideradougou, Baleré et Gogo relèvent que la prévention et la gestion des différends souffrent d’insuffisances de tout ordre et que, si on n’y prend garde, on pourrait aboutir à de nombreuses situations d’urgences du genre à travers le territoire ; ce qui serait dommageable à la bonne gouvernance de notre pays.

Pour atténuer et éradiquer cette tendance, il est souhaitable que soit adoptée une véritable démarche de prévention et gestion des conflits entre agriculteurs et éleveurs ; cela suppose une bonne conception et la mise en œuvre d’un certain nombre de dispositifs réglementaires, institutionnels et techniques.

En la matière, des efforts sont effectivement réalisés dans plusieurs axes parmi lesquels le renforcement des capacités institutionnelles et techniques des acteurs au niveau des villages et des départements. En effet, dans la province de la Bougouriba, de la Kompienga et du Soum, une opération pilote de gestion et de prévention a été initiée sur la base de textes réglementaires. Il s’agissait de tester l’application du dispositif réglementaire et institutionnel existant, afin de faire des propositions d’amélioration et de généralisation. Bien qu’inachevée, les résultats de cette opération sont assez intéressants et supposent qu’on y porte une attention.

En application de l’arrêté conjoint N°2000_31/MRA/AGRI/MEE/MEF/MATS/MEM/MIHU des commissions villageoises et de règlement de différends entre agriculteurs et éleveurs, les articles 4 et 5 stipulent ceci : "Il est créé des commissions villageoises et départementales de conciliation de règlement amiable des conflits entre agriculteurs." La commission villageoise de conciliation est composée :

- du responsable administratif du village concerné ;

- de deux représentants des éleveurs,

- de deux représentants des agriculteurs ;

C’est ainsi qu’à l’échelle des trois provinces, et cela à la demande des autorités locales, les commissions ont été mises en place. Particulièrement dans la province de la Kompienga où l’expérience a débuté en 2004 sur fond de crise sociale, plus de 90% de conflits sont réglés à l’amiable au niveau de chaque village (Cf. tableau) et les commissions s’essaient à la procédure de règlement, à la rédaction des PV de conciliation ou de non- conciliation, au fonctionnement, et tiennent des cahiers sous forme de registres sur le règlement des conflits.

Une telle démarche se doit de tenir compte des évolutions actuelles, à savoir la communalisation intégrale et le nouveau cadre politique de sécurisation foncière en milieu rural. La relecture de l’arrêté conjoint portant création des commissions villageoises de règlements à l’amiable en tenant compte de l’arrêté N°2007-032 /PRES/PM/MATD portant création des comités villageois de développement(CVD) qui stipule à l’aricle 10 : dans leur attribution, il est chargé particulièrement de "participer à la recherche des solutions aux problèmes fonciers et gestion de l’espace villageois" et conformément à une des orientations de la politique nationale de sécurisation foncière qui a pour mission de « clarifier le cadre institutionnel de gestion des conflits au niveau local et améliorer l’efficacité des instances locales de résolution des conflits" pourra avec l’implication de tous les acteurs réduire ou atténuer les tensions qui perdurent et provoquent souvent des pertes en vies humaines et des déplacements de populations.

Lambert Djiguemdé

djiguemdelambert17Encadré

Tableau récapitulatif de conflits réglés à l’amiable campagne agricole 2006-2007

Départements Nombre de conflits recensés Conflits réglés à l’amiable niveau village Conflits transférés et réglés au niveau du département Pourcentage de conflits réglés à l’amiable

Kompienga 113 105 08 92,29%

Pama 84 76 08 90,47%

Madjaori 34 29 05 85,29%

Total 231 210 21 90,90%

Dans certains registres et par village, on peut constater quinze à vingt conflits déclarés en moins d’une année. Pour les acquis, l’impact est sans précédant :

- adhésion considérable et effective des populations et des autorités lors des séances d’information, de sensibilisation et formation des commissions,

- l’existence des arrêtés de reconnaissance dans des villages, la réduction du temps de règlement,

- le coût relativement faible,

- la confiance aux commissions dans l’exercice de leurs fonctions,

- la concertation régulière entre les acteurs,

- l’augmentation de la cohésion sociale pour une paix durable,

- la diminution de la charge de travail des autorités locales et des forces de l’ordre,

- en outre, l’amorce d’une sécurisation foncière des sites d’implantation des investissements communautaires (parc de vaccination, zone de pâture, piste de bétail, aménagements agricoles...), l’élaboration de procès-verbaux par une démarche participative étaient importantes pour la prévention et la gestion des conflits.

L’expérience a toutefois permis de relever au stade actuel certaines difficultés de mise en œuvre de l’arrêté relatif :

- la composition de la commission : le président de la commission villageoise prévu par les textes est le délégué du village qui n’existe plus en tant que responsable administratif,

- le fonctionnement de la commission : il s’agit surtout des moyens financiers (désintéressement des membres),

- la procédure de saisine de la commission,

- l’absence d’outils juridiques : formulaires de PV, registre, réquisition, règlement intérieur,

- le rapport de collaboration entre les commissions et les autres instances de règlement de différends (tribunaux départementaux, tribunal de grande instance,

- analphabétisme des acteurs dans la rédaction des procès-verbaux de conciliation,

- la diffusion des textes en langue nationale au profit des bénéficiaires,

- au regard de ces doléances de terrain, il serait indiqué de consolider les expériences en cours afin de tirer les enseignements nécessaires pour améliorer le cadre réglementaire et institutionnel de prévention et de gestion des conflits au niveau local et procéder éventuellement à l’extension de l’expérience à l’échelle du pays à travers un plan d’action savamment conçu.

N.B. : les éléments de cette lettre sont issus d’une capitalisation d’expériences terrain de l’opération pilote sécurisation foncière (Opsf /Pngt2 Kompienga)

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