LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Elections en Afrique : La machette et la démocratie

Publié le mercredi 9 janvier 2008 à 10h11min

PARTAGER :                          

L’année 2008 s’est ouverte, au Kenya, sur des chemins de travers. Les images d’une cruauté inhumaine dont le pays est le théâtre sont passées en boucles, la semaine dernière sur les chaînes de télévision dans le monde.

On a encore là, la preuve manifeste que la "démocratie africaine" peine toujours à se mettre au service du bien et du plus grand nombre. Une quinzaine d’années après, le redoutable appel de la Baule, on a comme l’impression que les urnes contiennent des ombres menaçantes qui maintiennent, tenaces, les forces du mal. En Afrique, les échéances électorales vont généralement de paire avec les secousses des institutions républicaines et la manipulation des esprits. A la faveur de la fièvre électorale, on peut dépecer à la machette, et on dépèce effectivement avec une aisance certaine, son prochain comme un épicier le fait de son saucisson. La règle est connue : la méthode et la pratique font partie des évidences de la démocratie africaine. Cette singularité funeste qui s’accommode difficilement d’ailleurs à la démocratie dite universelle en ce qu’elle est la même dans ses fondements et ses principes dans toutes les sociétés humaines, serait donc en définitive une "marque déposée" de nos Etats.

Ce verrou psychologique est politiquement aliénant à l’instauration progressive d’une culture démocratique en Afrique. La mise en pratique, en effet, de notre démocratie réside dans sa banalité et surtout l’accumulation des circonstances douloureuses des populations qui offrent ainsi, le cas échéant, à la communauté internationale un univers surréaliste et torturé. Aujourd’hui encore comme hier, si notre démocratie balbutie et connaît des convulsions, cela, estimons-nous, est essentiellement le fait de trois composantes fondamentales qui sont censées nourrir justement la démocratie : les partis politiques, la crédibilité des leaders politiques et l’alternance
politique.

Une société plurielle n’est pas forcément une société démocratique

Au strict plan du droit, un parti politique est une organisation durable et de dimension nationale. Son objectif stratégique est orienté sur la conquête du pouvoir d’Etat par le soutien du suffrage populaire. Un parti politiquement dynamique est celui qui exclut l’exclusion des formations éphémères, conjoncturelles et d’assise régionale... Ensuite, il ya aussi que le chemin qui conduit au pouvoir d’Etat passe d’abord par l’expression de la volonté populaire, la formation et l’éducation politiques et idéologiques de l’électorat, les militants et les élus du parti. Les partis politiques constituent donc la chair de la démocratie. Voilà pourquoi d’ailleurs de nombreux régimes démocratiques en Afrique ont opté pour le multipartisme intégral. En 1992, on comptait 214 partis dans l’ex-Zaïre, 75 au Gabon. En octobre 2007, 127 partis politiques avaient déclaré leur existence auprès des services techniques du ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation (MATD) au Burkina Faso.

Cependant, le multipartisme en Afrique est généralement un boulevard suicidaire pour toutes sortes de dérives socio-politiques en ce qu’il tire sa force d’une région, d’une religion, d’une ethnie et de l’épaisseur du matelas financier... Si ailleurs le multipartisme répond historiquement au besoin d’instaurer un équilibre entre les forces en présence (bipartisme entre la couronne et les chambres en Grande Bretagne, bipartisme pour l’équilibre des forces au sein du gouvernement fédéral aux Etats unis et multipartisme en France entre la noblesse, la droite, les socialistes et les communistes), en Afrique, il est cause quelquefois de confusion dans l’esprit étriqué des électeurs à majorité analphabètes. Cela pose d’ailleurs le débat sur la qualité de l’électorat. Faut-il à la démocratie africaine, pour la sécuriser, un suffrage universel restreint, censitaire ou capacitaire ?

Il y a ensuite la crédibilité des leaders des partis politiques et de leur programme d’activités. Les multiples campagnes électorales au Burkina nous ont donné l’opportunité d’observer qu’il se trouve des chefs de partis congénitalement incapables de rédiger et de présenter, avec la force des convictions et des ambitions politiques, leurs projets de société à la télévision. C’est ahurissant ! Quand un leader politique passe au petit écran non pas pour porter son programme d’activités à la connaissance de l’électorat mais pour chanter joyeusement comme un écolier endimanché, on appelle cette forme de communication mélodrame politique !

Des partis de belles familles

La plupart des partis politiques d’opposition, sans assise nationale et sans siège social sont constitués des membres de la famille du "président", de ses grands parents, ses tantes et ses belles-soeurs... Nos leaders politiques à travers leurs partis se refusent de jouer constitutionnellement leur rôle de contre- poids, de contre-proposition au fonctionnement et à l’animation permanents des instituions républicaines.

On a vu des opposants opportunistes patentés qui ont crée leurs partis le matin et exigé le pouvoir d’Etat le soir venu. Le socialiste François Mitterrand a passé vingt-trois (23) ans (1958-1981) dans l’opposition en France. La conquête coûte que coûte du pouvoir d’Etat crée toujours, on le sait, une fixation qui ne donne pas souvent le temps matériel ni les moyens et les stratégies politiques à l’opposition pour définir, préciser et proposer une formule alternative pour réaliser "son" alternance politique. Justement, l’alternance en question. L’alternance politique est indiquée par la voie des urnes dont le corps électoral est seul juge de l’opportunité et de la durée.

Mais, c’est vrai aussi, il y a des chefs d’Etat sortants ou sortis qui ne supportent pas de perdre la face. C’est vraiment une calamité quand un président- candidat s’estime être en droit de s’auto proclamer vainqueur d’un scrutin en dépouillement, fut-il transparent ! Dans une démocratie respectueuse du principe de la séparation des pouvoirs, il ya des organisations commises à cette tâche électorale. L’alternance germe dans le lit des acquis démocratiques à consolider.

L’alternance suppose l’existence en amont d’une opposition structurée et suffisamment représentative. Dans la ligne politique et idéologique des partis d’opposition, le type d’alternance doit transparaître pour la propre gouverne des populations : l’alternance absolue, l’alternance relative et l’alternance médiatisée. Le premier type d’alternance est le transfert du pouvoir de la majorité à l’opposition à la fois au gouvernement et à l’assemblée parlementaire élue au suffrage universel. L’alternance relative concerne le transfert du pouvoir de la majorité à l’opposition concernée soit dans le gouvernement soit au parlement. L’alternance médiatisée, elle, est le résultat d’un subtil jeu d’alliances entre les partis représentés à l’assemblée nationale.

Idrissa NOGO
idrissanogo@yahoo.fr

Sidwaya

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique