LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

RD Congo : Le retour des vampires

Publié le vendredi 4 juin 2004 à 08h15min

PARTAGER :                          

Laurent Désiré Kabila

Le diable congolais est sorti de la bouteille. La ville de Bukavu,
localité située dans l’Est de la République démocratique du
Congo (RDC), limitrophe du Rwanda, est tombée aux mains de
soldats insurgés contre le gouvernement de Kinshasa. Les
insurgés sont constitués pour la plupart de Banyamulenges
(Tutsi congolais proches des Tutsi au pouvoir à Kigali et
peuplant l’Est de la RDC). Du coup, beaucoup d’observateurs
voient la main du Rwanda dans cette occupation, ce que
dément, comme il est de coutume, Kigali.

De toute façon, le régime de Paul Kagamé aura du mal à
convaincre la communauté internationale de son innocence
dans cette nouvelle crise au Congo. Cela d’autant plus que la
majorité des soldats dissidents appartiennent au RCD-Goma,
la principale faction rebelle dans la guerre qui a déchiré le
Congo pendant cinq ans (1998-2003).

Ces rebelles ont
toujours été soutenus par le Rwanda, même si aujourd’hui leur
chef, Jean Pierre Bemba, est l’un des quatre vice-présidents de
la RDC.
Si les généraux en poste à Kigali s’autorisent à soutenir
l’occupation d’une ville d’un pays souverain, c’est certainement
parce qu’ils s’abritent sous le parapluie d’une grande
puissance, en l’occurrence les Etats-Unis. Le Rwanda, de par
sa position stratégique au coeur de l’Afrique, fait partie des
alliés majeurs de Washington.

Et tant que Paul Kagamé
bénéficiera de la protection de la Maison Blanche, le Rwanda
continuera de jouer les trublions dans la région sans s’inquiéter
d’éventuelles mesures de représailles. Certes, le pays
traumatisé par le génocide de 1994 travaille à sécuriser sa
frontière avec la RDC où se sont réfugiés plusieurs
génocidaires Hutu, ceux-ci n’ayant jamais fait mystère de leur
volonté de reconquête du pouvoir.

Dans ces conditions, on peut
comprendre la position du Rwanda. Mais cela l’autorise-t-il à
déstabiliser un pays voisin souverain ?
Quoi qu’il en soit, cette invasion met une fois de plus à nu
l’impuissance des Casques bleus de l’ONU. Le millier
d’hommes déployés sur le terrain et chargés de protéger la ville
n’a pu rien faire face à l’avancée des soldats dissidents.

Ce qui
est sûr, ces violences portent un sérieux coup au processus de
paix en RDC, où un gouvernement de transition comprenant
d’anciens rebelles tente de renforcer le pouvoir central. Ce
pays-continent, "un scandale géologique" pour la richesse
extraordinaire de son sous-sol, suscite des convoitises de
toutes parts. Et sa déstabilisation ne peut que réjouir tous les
vampires qui rôdent autour des gisements d’or, de diamant, de
cobalt....

Comme par hasard, c’est au moment où le Congo
démocratique tente de reprendre les choses en main, après
cinq ans de pillage en règle de ses ressources, qu’intervient
cette nouvelle crise. Tout porte donc à croire que beaucoup de
personnes ne tiennent pas à voir le pays recouvrer son intégrité
physique.

Les richesses en jeu sont très énormes.
Le Rwanda ne pourrait être en réalité qu’un pion qu’on déplace
au gré des intérêts du moment. Visiblement, les véritables
commanditaires semblent tapis dans l’ombre, laissant Kigali et
ses supplétifs du RCD-Goma commettre la sale besogne. A
l’évidence, la volonté du président congolais, Joseph Kabila,
d’unir son pays et d’en chasser certains vautours, ne plaît pas
beaucoup.

On sait que son père a été assassiné pour avoir
notamment refusé de brader son sous-sol aux multinationales.
Et son fils qui, visiblement, suit ses traces, rencontrera toujours
sur son passage ce genre de difficultés.
Une fois de plus, pendant que des voix s’élèvent partout pour
condamner cette agression (même si ces réprobations sont de
façade), l’Afrique reste étrangement silencieuse.

Les chefs d’Etat du continent n’ont pas conscience d’appartenir
à un même ensemble géographique comme c’est le cas en
Europe. Chacun prêche pour sa chapelle et souhaite même
discrètement la chute de l’autre. A ce jeu, l’Union africaine qui se
met difficilement en place ne sera alors qu’un clone de la
défunte Organisation de l’unité africaine.

Le Pays

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique