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Procès Arche de Zoé : Quand la politique entre au prétoire...

Publié le vendredi 28 décembre 2007 à 13h45min

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Après quatre jours de procès, la Cour criminelle de N’Djamena, au Tchad, a rendu son verdict, le 27 décembre 2007, dans l’affaire dite de l’Arche de Zoé. La sentence étant sans appel, ce sera huit ans de prison assortis de travaux forcés pour les six Français, et quatre ans de prison ferme pour Mahamat Dago, un chef de quartier de Tiné au Tchad, et Souleïmane Ibrahim Adam, un Soudanais qui a servi d’intermédiaire.

Les huit coupables ont été également condamnés à verser solidairement aux familles des 103 enfants un total de 6,3 millions d’euros, soit 4,12 milliards de FCFA de dommages et intérêts.

Rappelons que dans son réquisitoire, le parquet avait requis entre sept et onze ans de travaux forcés pour chacun des six Français et des peines légères pour les deux intermédiaires. Ce sont là des condamnations jugées globalement lourdes par de nombreux observateurs. Et au-delà des récriminations habituelles, les avocats quand ils perdent un procès, posent la question d’une bonne administration de la justice.

Il faut dire que toutes les conditions étaient réunies dès le début de l’affaire pour qu’on aboutisse à ce résultat. Rappel des faits : des Français d’une ONG française, "Arche de Zoé", sont arrêtés le 25 octobre 2007 à Abéché, principale ville de l’est tchadien, alors qu’ils s’apprêtaient à embarquer 103 enfants à bord d’un Boeing 757 afin de les emmener en France, où les attendaient des familles d’accueil. 48 heures après, les 19 personnes concernées sont inculpées pour "enlèvement de mineurs", "escroquerie" ou "complicité" des mêmes faits.

Le président Idriss Deby Itno entre dans la danse, fait dans la surenchère et, sans le moindre début de preuve, parle de pédophilie et de trafic d’organes. Son homologue français, Nicolas Sarkozy, quelques jours plus tard, effectue un voyage éclair à N’Djamena pour faire libérer une partie des mis en cause, notamment les trois journalistes français et les quatre hôtesses espagnols.

Et ce n’est pas tout, le locataire de l’Elysée va enfoncer le clou en déclarant, au détour d’une rencontre avec des marins-pêcheurs au Guilvinec, dans le Finistère, qu’il repartirait chercher les autres. "Quoi qu’ils aient fait. Quoi qu’ils aient fait" ; une attitude arrogante et méprisante d’un zorro de pacotille qui a eu le don d’agacer et de braquer ses interlocuteurs tchadiens au premier rang desquels le président, qui devait lui aussi composer avec son opinion publique.

Tout de suite donc, la politique, même pas souterraine, a pris le pas sur le judiciaire. Or, c’est bien connu, quand la politique entre dans le prétoire, la justice en sort par la fenêtre. L’issue de ce procès est la conséquence, somme toute logique, de cette agitation politico-diplomatique qui s’est emparée du dossier et ceux qui râlent aujourd’hui ont bon dos de crier comme des putoies. N’est-ce pas un dimanche, contre tous les usages en la matière, qu’on a battu le rappel des juges du parquet de N’Djamena pour signer le précieux document qui libérait ceux que Sarkozy devaient ramener dans ses bagages ? Alors, qu’on ne s’étonne pas aujourd’hui de la tournure désastreuse prise par les événements.

A l’évidence, la procédure a été baclée de bout en bout, des enquêtes préliminaires à l’instruction TGV, en passant par l’audience expresse. Entre la commission du forfait et le verdict, il ne s’est écoulé en tout et pour tout que 60 jours. Trop peu pour cerner tous les contours d’un problème forcément complexe qui touche au droit humanitaire international. Mais puisque tout le monde était pressé alors que la justice aime bien souvent prendre son temps...

Le procès n’a d’ailleurs pas véritablement permis de situer de façon indiscutable les responsabilités de tous les protagonistes, notamment l’Etat tchadien, les communautés concernées et les parents des 103 présumés orphelins darfouris, qui ont sans doute plus de chose à se reprocher qu’ils n’en ont l’air.

Maintenant que la cause est entendue, que les magistrats ont donné le sentiment de faire un tir groupé là où il fallait sans doute sérier au cas par cas, c’est la politique et la diplomatie qui vont de nouveau prendre le relais après cette parenthèse judiciaire. En effet, après le verdict, le ministère français des Affaires étrangères a immédiatement annoncé que la France était prête à demander le transfèrement de ses ressortissants en vertu d’une convention judiciaire de 1976 entre les deux Etats, notamment son article 29. Mais les peines telles que prononcées posent problème dans ces conditions dans la mesure où les travaux forcés n’existent pas dans la loi française. Dans tous les cas, on est bien parti pour des tractations politico-diplomatiques entre les deux pays.

Adama Ouédraogo

Damiss

L’Observateur Paalga

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