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Querelles autour de la marque JC : Megamonde réclame 170 millions de F CFA

Publié le vendredi 28 décembre 2007 à 13h34min

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C’est une affaire à multiples inconnues. Une affaire aussi dans laquelle l’accusateur est en train de devenir l’accusé. En clair, le Groupe Megamonde entend inverser la tendance. Jincheng Corporation, une société chinoise, l’accuse de « contrefaçon et de concurrence déloyale ». Elle a même décidé de traduire son « ex-partenaire » en justice.

Mais Megamonde rejette en bloc ces accusations, affirmant mordicus que la marque JC lui appartient et que « JC est différent de Jincheng ». Et il n’entend pas s’arrêter là. Il demande au tribunal de « prononcer la radiation (pure et simple) de la marque Jincheng sur le territoire du Burkina Faso ». Pas seulement ça…

Le groupe Megamonde réclame 150 millions de F CFA à titre de dommages et intérêts. Il veut aussi que le tribunal condamne la société Jincheng Corporation au paiement de 20 millions de F CFA « au titre des frais non compris dans les dépens ». Et qu’il « ordonne la publication du jugement dans tous les quotidiens de la place aux frais de la société Jincheng ». Il souhaite vivement aussi que cette société soit « condamnée aux entiers dépens ». Dans sa contre-offensive, le Groupe Megamonde estime que les réclamations de Jincheng corporation sont « infondées ». Il n’y a pas, dit-il, de « contrefaçon ni de concurrence déloyale ». Et il s’en explique : « Le logo de la marque Jincheng est CJ alors que celui du groupe Megamonde est JC ».

Il suffit de consulter les certificats d’enregistrement auprès de l’OAPI pour s’en rendre compte. Mais Jincheng Corporation affirme que sur le certificat du Groupe Megamonde, figure, en plus de la marque Jincheng, le logo JC, et que Megamonde, en procédant ainsi, veut en faire sa propriété. A ce sujet, la réaction de Megamonde est tranchante : « Il s’agit là d’une aberration dans la mesure où l’enregistrement n’a jamais été fait clandestinement, la société Jincheng ayant été informée et a même donné son autorisation pour l’apposition du mot Jincheng sur le certificat d’enregistrement de JC (…). Jincheng a même sollicité qu’il en soit ainsi dans le sens de ses intérêts commerciaux ». En tout cas, selon Megamonde, cela ne saurait être une raison suffisante pour dire que « JC serait égal Jincheng ». Le mot Jincheng a été mis « seulement à titre indicatif. Il en a été ainsi dans l’intérêt exclusif de ce groupe qui se voyait désigné comme le fabriquant des pièces qui ont servi au montage des motocyclettes. La preuve est que la prétendue marque Jincheng est inconnue du marché des motocyclettes au Burkina Faso et n’a aucune valeur marchande ».

« L’enregistrement chasse la contrefaçon »

Le Groupe Megamonde est formel : depuis la rupture de ses relations avec Jincheng Corporation, il « n’a jamais commercialisé de motocyclette marqué « Jincheng » et (qu)’il est loisible de constater que tous ses produits sont marqués JC et non Jincheng qui n’est pas sa marque ». D’ailleurs, selon Megamonde, Jincheng Corporation fait bien d’évoquer, « de façon claire », dans son assignation, l’article 3 de l’annexe III de l’accord OAPI. Selon cet article, « une marque ne peut être enregistrée valablement si : b) elle est identique à une marque appartenant à un autre titulaire et qui est déjà enregistrée ou dont la date de dépôt ou de priorité est antérieure, pour les mêmes produits ou services ou pour des produits ou services similaires, ou si elle ressemble à une telle marque au point de comporter un risque de tromperie ou de confusion ». Le groupe Megamonde, convaincu que « la recherche d’antériorité auprès de l’OAPI empêcherait un double enregistrement de la marque pour marquer les mêmes produits de la même classe », se dit confiant et serein, et espère que cela convaincra le tribunal « qu’il n’y a ni ressemblance, ni rapport, (a fortiori) entre les marques JC et Jincheng ». Et Megamonde d’ajouter que Jincheng Corporation « ignore totalement que le groupe Megamonde a, en plus de l’enregistrement de la marque JC, procédé auprès de l’OAPI, à l’enregistrement de la marque JC Best sous le N°48506, JC Citi sous le N°48505, JC Fortune sous le N°48507, JC Best II sous le N°49854, JC Super sous le N°49855, etc.

Sur aucun de ces certificats d’enregistrement, il n’est apparu le mot Jincheng comme la société Jincheng le prétend ».

L’article 37 de l’annexe III de l’accord de Bangui est clair : « sont punis d’une amende de 1 000 000 à 6 000 000 de F CFA et d’un emprisonnement de trois mois à deux ans, ceux qui, frauduleusement, apposent sur leurs produits ou les objets de leur commerce, une marque appartenant à autrui ». En clair, il n’y a contrefaçon que dans le cas où le commerçant, le fabricant ou le vendeur n’est pas propriétaire de la marque qu’il appose ou qui est apposée sur les produits ou effets de son commerce. Or, toutes les marques exploitées par le groupe Megamonde sont enregistrées à l’OAPI. Il « a donc acquis la propriété desdites marques et dispose à cet effet de leur utilisation exclusive ». D’ailleurs, « cette exclusivité au profit de Megamonde a été confirmée par décision du Directeur général de l’OAPI, le 24 juin 2004, dans l’affaire SIMMO-BF contre la société OMA-SENISOT relativement à l’utilisation de la marque JC Best par la société OMA-SENISOT ». Le groupe Megamonde est formel : « L’enregistrement chasse la contrefaçon en assurant à son titulaire une exploitation licite de la marque enregistrée. »

Pas de contrefaçon, pas de concurrence déloyale

Et même si « par extraordinaire » il y avait contrefaçon, Megamonde ne manque pas d’ arguments : la contrefaçon est un délit qui se prescrit au terme de trois ans. C’est l’article 8 du Code de procédure pénale qui le dit : « En matière de délit, la prescription de l’action publique est de trois années révolues. » Pourtant, entre le 30 décembre 2003 (date d’enregistrement fait par Megamonde) et le 29 octobre 2007 (date d’assignation par la société Jincheng), il s’est écoulé plus de trois ans. L’article 10 du Code de procédure pénale est tout aussi clair : « L’action civile ne peut être engagée après l’expiration du délai de prescription de l’action publique. »

« Que la marque Jincheng soit radiée ! »

Et la concurrence déloyale dans tout ça ? Selon Jincheng Corporation, « la contrefaçon de la marque Jincheng constitue en elle-même un acte de concurrence déloyale ». A ce sujet, Megamonde réplique : « Il n’y a pas de contrefaçon entre des marques aussi différentes dont chacune d’elle a fait l’objet d’enregistrement auprès de l’OAPI. A l’évidence, en l’absence de contrefaçon, il ne saurait y avoir de concurrence déloyale pour une marque régulièrement enregistrée. » La société Jincheng Corporation reconnaît elle-même que « tous les produits de Megamonde sont marqués JC ». De plus, « si le groupe Jincheng était de bonne foi et avait des moyens sérieux à faire prévaloir, il l’aurait fait depuis janvier 2004, date de publication de l’enregistrement au bulletin officiel de l’OAPI ». Même après cet enregistrement, le groupe Megamonde a envoyé une correspondance à la société Jincheng pour l’en aviser. Mais pas de réaction de sa part. Le Groupe Megamonde estime que l’action que mène actuellement Jincheng Corporation lui porte préjudice. Et il entend revendiquer ses droits en la matière au nom des articles 1382 du Code civil, et 15 du Code de procédure civile.

L’ article 1382 dit ceci : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Quant à l’article 15 du Code de procédure civile, il stipule : « L’action malicieuse, vexatoire, dilatoire, ou qui n’est pas fondée sur des moyens sérieux, constitue une faute ouvrant droit à réparation (…). » Et Megamonde s’en justifie : Jincheng Corporation, « à travers ses propos mensongers et diffamatoires, a terni l’image et la notoriété dont jouit le Groupe Megamonde dans le secteur de la commercialisation des motocyclettes au Burkina Faso. » Elle l’a traité de société qui « importe des motocyclettes de piètre qualité sur des marchés parallèles, les revêt de la marque JC pour profiter de sa notoriété (parlant de Jincheng) et les commercialise sur le marché burkinabè en trompant les consommateurs ».

Pour tout cela, le Groupe Megamonde demande que le tribunal condamne la société Jincheng Corporation. Il demande que le tribunal « prononce la radiation de la marque Jincheng sur le territoire du Burkina Faso concernant les produits de la classe 12 de l’arrangement de Nice sur la classification internationale des produits ». La raison est simple : selon l’article 23 alinéas et suivants de l’annexe III de l’accord OAPI, « à la requête de tout intéressé, le tribunal peut ordonner la radiation de toute marque enregistrée qui, pendant une durée ininterrompue de 5 ans précédant l’action, n’a pas été utilisée sur le territoire national de l’un des Etats membres pour autant que son titulaire ne justifie pas d’excuses légitimes, la radiation peut être appliquée à tout ou partie des produits ou services sur lesquelles ladite marque a été enregistrée ». Or, la marque Jincheng a été enregistrée le 8 janvier 1998 et l’arrêté consacrant cet enregistrement date du 31 mars 1999. Entre cette dernière date et le 29 octobre 2007 (date d’assignation), la marque Jincheng reste, selon Megamonde, « une grande inconnue du marché des motocyclettes sur le territoire du Bukina Faso ; le délai de 5 ans précédant l’action en vue de la radiation est ainsi révolu ». Il y a donc lieu de prononcer « la radiation de cette marque sur le territoire du Burkina Faso.

L’avocat de Megamonde est Me Mamadou Traoré. Celui de Jincheng corporation est le cabinet Mamadou Savadogo.

Par Armel IBOUDO (collaborateur)

Le Pays

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