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"Terrorisme" au Niger : L’appel du pied de Tandja

Publié le lundi 24 décembre 2007 à 08h57min

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Le président de la république du Niger a opéré un glissement sémantique qui ressemble à un virage à 180 degrés dans sa guerre contre les rebelles touaregs. De simples bandits, les rebelles touaregs sont désormais qualifiés de terroristes. Ce revirement n’est pas innocent. Le choix de ce qualificatif est une forme d’alignement sur le discours du président américain qui voit du terrorisme partout pour justifier son action militaire à des fins géostratégiques bien précises.

Niamey n’a plus affaire à des bandits, mais plutôt à des" terroristes". La riposte qui va en découler sera-t-elle à la hauteur de l’engagement du président nigérien ? On ne combat pas les terroristes avec les armes qu’on utiliserait contre de simples bandits du désert qui vivent de rapine.

Ce discours est un aveu d’impuissance. Une capitulation des forces armées qui n’ont pas pu ou su contrer les velléités guerrières des rebelles touareg. Ce type de discours a été déjà servi par le président Gbagbo au lendemain de la tentative ratée du coup d’Etat de décembre 2002.

Entres autres éléments pour justifier cet échec militaire au Niger, un pays très grand, il est vrai, , figure le manque de moyens militaires.

Mais l’armée nigérienne ne paie-t -elle pas là l’incurie des hommes politiques qui, depuis la dernière trêve entre le gouvernement et les rebelles, n’ont pas su apporter la réponse idoine aux préoccupations de cette partie de la population ? Ce Changement de ton cache mal les intentions de Niamey qui veut s’attirer la sympathie de l’administration américaine dans sa croisade contre le terrorisme et Al Quaïda. Il n’est un secret pour personne que le Sahara est devenu le refuge des islamistes algériens et peut-être de membres d’Al Quaïda. Le soutien des Américains est visiblement souhaité par Niamey. Il s’exprime en équipements performants, en logistique et en renseignements militaires.

Mais de là à confondre rébellion touareg et terrorisme, il y a un pas que le président nigérien a vite franchi. Reste maintenant à savoir si les résultats escomptés seront à la hauteur du calcul politique de Niamey qui, depuis le déclenchement de cette affaire, multiplie les gaffes. Ses souffres- douleur restent les médias. Deux journalistes nigériens font actuellement les frais de l’entêtement du pouvoir de Niamey. Relater les échauffourées entre les forces gouvernementales et les rebelles est devenu une faute grave. Ce que vise Niamey, c’est de faire un black out total sur cette crise qui menace l’intégrité territoriale , si tant est que les "terroristes" ont vraiment les moyens de prendre le pouvoir ou de faire sécession. Le règlement de cette crise passe forcément par le dialogue, en vue de la résolution des problèmes posés par les rebelles.

Par ailleurs, force est de reconnaître que l’immobilisme des autorités de Niamey tranche avec la célérité avec laquelle elles embastillent les hommes de médias. Dernièrement, ce sont des journalistes de la chaîne franco-allemande "ARTE" qui ont été incarcérés à Niamey pour avoir voulu enquêter sur le dossier touareg. Cette attitude est difficilement compréhensible. Niamey est en passe de devenir le Guantanamo des journalistes, qu’on enferme sans autre forme de procès.

Tant que c’était le journaliste local Moussa Kaka, correspondant de RFI, contre qui une campagne de presse a été savamment orchestrée l’intérieur pour le présenter à l’extérieur comme un conseiller des rebelles touareg, on peut croire que c’est un problème nigéro-nigérien. Mais pour les deux journalistes de "ARTE", il n’est pas exagéré de parler d’acharnement et de censure contre la presse.

D’ailleurs , le monde n’est pas dupe et on peut en juger par le la sympathie et le soutien dont bénéficie aujourd’hui Moussa Kaka enfermé dans les geôles de Niamey depuis plus de 90 jours.

C’est le concept même de la liberté de la presse qui est remis en cause dans ce pays. Qu’ on ne vienne pas nous dire que ces deux journalistes français ont, eux aussi des liens avec les rebelles.

Sacré Tandja ! Avec cet autre exemple de recours au terrorisme, on peut affirmer sans risque majeur de se tromper, que ce concept nébuleux est un pain béni pour tous les despotes et qu’il ne fera jamais l’objet d’une définition claire dans le cadre d’une conférence internationale.

Le Pays

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