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Bintou Diallo, DG de la SN-CITEC, chargée de communication du GPI : "Il ne suffit pas d’acheter des équipements pour être sûr d’avoir des marchés"

Publié le mercredi 12 décembre 2007 à 09h32min

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Première responsable d’une unité industrielle de fabrication d’huile et de savon du Burkina Faso, la SN-CITEC, Bintou Diallo est également la chargée de communication du Groupement professionnel des industriels (GPI). Dans cette interview, Mme Diallo évoque les raisons de la tenue des Etats généraux de l’industrie burkinabè, organisés les 5 et 6 novembre 2007. Elle aborde également entre autres sujets, les préoccupations actuelles de la politique industrielle au Burkina Faso.

Sidwaya (S) : Qu’est-ce qui a motivé l’organisation des états généraux de l’industrie burkinabè ?

Bintou Diallo (B.D) : Les travaux ont eu lieu du 5 au 6 novembre 2007. C’est en 2005 lors de la rencontre "secteur privé-gouvernement" que le Groupement professionnel des industriels a demandé au gouvernement la tenue d’une rencontre des états généraux pour mettre à plat tous les problèmes de l’industrie burkinabè. La politique industrielle du Burkina Faso date de 1984. Elle n’est plus adaptée.
Il faut donc remettre tout à niveau.

S. : Quelles sont les principales préoccupations de l’industrie burkinabè ?

B.D. : Nous avons résumé les objectifs en six points. Il fallait d’abord faire le point des différentes politiques publiques prises par l’Etat pour soutenir l’industrie nationale leur niveau de cohérence, évaluer leur pertinence et les stratégies pour le développement industriel dans leur ensemble. Deuxièmement, il fallait présenter le bassin industriel, caractériser l’environnement international du secteur industriel, de son implication pour le développement et les performances des industries au Burkina Faso dans un troisième temps. Le quatrième point, faire l’analyse des termes du climat des investissements privés dans l’industrie et proposer les mesures à prendre pour améliorer ce climat. Cinquièmement, identifier les domaines de ce type qui méritent un traitement diligent pour inviter les investisseurs à s’inscrire dans la compétitivité du secteur et l’adaptation du tissu industriel conforme aux exigences du marché.
Et en dernière position, évaluer les perspectives stratégiques en rapport avec l’ouverture de plus en plus grande du marché et leur implication sur le secteur industriel.
Nous avons regroupé ces objectifs en trois thèmes principaux : l’environnement des affaires, les facteurs de production et leur rigidité.
Et le dernier thème sur le financement même de l’industrie du Burkina Faso.

S. : Qu’est-ce que vous souhaitez, en termes de priorité, que le gouvernement mette en œuvre le plus rapidement possible pour permettre à l’industrie de survivre dans un contexte difficile ?

B.D. : Il faut assainir l’environnement des affaires pour nous permettre d’être compétitifs sur le plan sous-régional et international. Aussi, nous avons déterminé les priorités et le gouvernement doit absolument les prendre en compte. La fraude est également un enjeu de taille en plus de la corruption, etc. Nous voulons qu’on reconnaisse la place de l’industrie dans l’économie du Burkina Faso et que nous puissions avancer. Car elle contribue en bon an, mal an 14% du PIB.

S. : Les présentes assises se tiennent dans un contexte de négociations des APE. Comment voyez-vous ces accords ?

B.D. : La question a été évoquée. Nous sommes les bons élèves parce que nous nous contentons d’appliquer de façon systématique les mesures qui sont prises à l’international, alors que nous avons nos problèmes spécifiques. Quand nous parlons de la sauvegarde des industries locales, ça part à quelque fois de la suppression des mesures à l’internationales. Si nous voulons que nos industries se développent, nous ne pouvons pas accepter que des produits de concurrence rentrent. Nous sommes ouverts à la mondialisation, nous ne sommes pas contre les APE, mais il faut protéger nos industries. Il ne faut pas transformer notre pays en un territoire de consommation. Si nous acceptions que l’industrie apporte quelque chose à l’économie du pays, il ne faut pas l’amener à fermer ses portes. Ce qui signifie qu’il n’y aura plus d’emplois, ni d’impôts etc...

S. : On dit que les industries burkinabè sont vieillissantes, avec du matériel qui ne répond plus. Que faites-vous pour être plus compétitive, notamment en ce qui concerne la modernisation de l’outil de production ?

D.D. : C’est assez difficile. Il y a 86 unités industrielles au Burkina Faso, selon le dernier recensement. Chacun a son management je pense, sur la modernisation. Nous tendons tous à moderniser nos équipements. C’est le problème de la rentabilité qui se pose. Il y a aussi ceux du marché et du financement. Il ne suffit pas d’acheter les équipements pour être sûr d’avoir des marchés. Si nous nous endettons pour moderniser les appareils et nous n’avons pas le marché lié à la fraude, à la corruption ou à la concurrence déloyale, nous ne pouvons pas nous mondialiser et être compétitif sur le plan international. Mais il y a beaucoup d’industries, ici au Burkina Faso qui sont à la pointe de la technologie moderne. Nous sommes à des normes européennes et même américaines. Seulement, il y a des disparités entre les industries. Certaines ont des accès faciles aux financements parce qu’elles sont adossées à de grands groupes.

S. La fraude et la corruption sont devenues des thèmes récurrents depuis une dizaine d’années. Qu’est-ce qui peut permettre de mettre un frein à ces fléaux ?

D.D. : Il faut une volonté politique pour éradiquer ces fléaux. Il y a la fraude et la corruption partout mais à des degrés différents. Ils ne faut pas qu’elles empêchent les structures pourvoyeuses de richesses d’évoluer. Il faut minimiser leur degré de nuisance. Quand l’économie d’un pays se trouve paralysée par ces phénomènes de fraude et de corruption, ça pose problème. Sinon nous tendons vers l’éradication de la fraude. Mais l’éradication complète sera difficile. Des dispositifs existent au Burkina Faso. Il y a la Coordination de lutte contre la fraude. Les opérateurs économiques disposent aussi de méthodes officieuses de lutte contre la fraude. Mais tout cela doit être bien organisé. Car si une entreprise gagne de l’argent, c’est l’Etat burkinabè qui gagne.

S. L’Etat se défend en disant que les fraudeurs sont parmi vous et que vous ne les dénoncez pas ?

D.D. : Qui est chargé de punir les fraudeurs ? Chaque fois qu’il y a eu des dossiers avec des dénonciations d’entreprises ou de personnes pour des questions de corruption et autre, le dossier ne va nulle-part. Donc quel est le rôle que doivent jouer les autorités politiques ? Il faut que chacun joue son rôle. Même si les fraudeurs sont parmi nous, nous ne pouvons que les dénoncer, mais pas les réprimer. Nous n’avons pas les moyens de les saisir.

S. : Après la tenue des états généraux, est-ce qu’il y aura une ouverture qui permettra une certaine concertation, une synergie d’action sur le terrain ?

D.D. : Nous sommes une association professionnelle avec un bureau élu par l’assemblée générale qui se tient régulièrement. Nous faisons chaque fois des communications à tous les membres pour accueillir leurs avis sur les décisions à prendre. Nous avons des rencontres annuelles du bureau et les rapports sont communiqués aux membres. Les grandes industries qui soutiennent les petites ici sont considérées comme de petites industries en Europe. Mais, nous faisons avec les moyens de bord.

S. : Quels sont les principaux reproches faites à la justice ?

D.D. : Il ne faut pas voir dans une entreprise une vache à lait. Nous demandons à la justice de faire son travail en toute impartialité. Il ne faut pas qu’on aie une justice à double vitesse. Si l’on décide que les entreprises doivent forcément payer, cela peut décourager les investisseurs. Ce n’est pas la peine de faire un nouveau code d’investissement, de mener une politique d’ouverture et de faire des journées économiques pour ensuite taper les investisseurs, quand il y a un système local qui n’incite pas à l’investissement. Nous demandons donc à la justice de jouer pleinement son rôle du côté des affaires et aussi des autres milieux, de façon équitable. Il ne faut pas condamner une entreprise sans saisir les tenants et les aboutissements réels du problème. Sinon nous demandons l’assistance des juristes tous les jours pour être sûrs que nous sommes en conformité avec la loi.

Interview réalisée par
Rabankhi Abou Bakr ZIDA
Hamadou TOURE
Transcription : Jonathan YAMEOGO

Sidwaya

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